Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

classicisme (suite)

Le second classicisme éclate en fanfare. Il orchestre la gloire royale dans le fracas guerrier et l’agitation des Batailles d’Alexandre (Le Brun) ou du cortège du Roi gouvernant par lui-même, au plafond de la galerie des Glaces. Un pas a été franchi depuis la galerie François-Ier. La tradition qui revêtait l’image royale des attributs des dieux et de subtilités iconographiques est brisée net par Louis XIV. Délaissant les personnages d’Hercule, puis d’Apollon, prévus par Le Brun pour le représenter, le roi, après le traité de Nimègue (1678), « jugea bon et décida que fussent illustrés ses exploits victorieux ».

Cette seconde génération classique française montre un visage bien éloigné de la rigueur. Elle est contemporaine des fêtes de Versailles, où le roi lui-même, vêtu de brocarts et coiffé de panaches multicolores, chevauche parmi les paladins, les monstres et les magiciennes empruntés à l’Arioste. Aussi est-on embarrassé pour la définir soit comme classique, soit comme baroque. Il en est de même pour l’œuvre des ornemanistes qui firent pénétrer dans la vie quotidienne de la France entière ce que l’on nomme plus prudemment le « style Louis XIV » : un Jean Lepautre*, un Jean Ier Berain*. Les cahiers d’ornements gravés servaient de modèles aux orfèvres ou aux menuisiers, aux tailleurs de pierre ou aux tisserands. L’étude de ces formes, non encore intégrées à un matériau ou à un objet, permet d’établir la grammaire du style classique. Là encore, l’exemple antique joua un rôle de premier ordre, et Charles Errard le Jeune (1601 ou 1606-1689), directeur de l’École de Rome, passa des années à répertorier les ornements romains.


L’architecture

En architecture se marque également le contraste entre deux générations. Salomon de Brosse (v. 1571-1626) se montre d’une exigeante simplicité en élevant le palais de justice de Rennes. Le Luxembourg accorde plus de place aux oppositions d’ombres et de lumières, mais son plan est classique, à trois corps disposés autour d’une cour. François Mansart* construit à partir de 1635 l’aile Gaston-d’Orléans du château de Blois. La symétrie en est animée par une colonnade courbe de part et d’autre de la façade, la superposition de deux frontons triangulaire et semi-circulaire, des toits en pyramide tronquée surmontant les avant-corps. L’emploi des ordres, la discrétion de la décoration distinguent l’œuvre de François Mansart (au château de Maisons comme à Blois) des châteaux de la génération précédente, qui ont une saveur plus rustique. Louis Le Vau* a un style moins retenu, le goût des effets de masse contrastés, visibles à Vaux-le-Vicomte* (1656), où se révèle également Le Nôtre*. Tous deux assurent un lien entre les deux époques classiques, étant, après les fameuses fêtes de 1661 à Vaux et l’arrestation de Fouquet, passés au service du roi.

Celui-ci a-t-il vraiment fait un choix classique en faveur de la colonnade du Louvre* ? Ce palais qu’il ne voulut pas habiter fut l’enjeu d’une sévère concurrence entre les architectes susceptibles d’en construire l’aile sud. Si les projets italiens de Carlo Rainaldi et du Bernin furent repoussés, ce fut sans doute que le goût avait partie liée avec la xénophobie. Et nous trouvons très classique une façade dont le dépouillement vient en partie de l’inachèvement : la couverture en terrasse inaugurée à Versailles habitua l’œil à la formule finalement adoptée pour le Louvre.

La grande réussite du classicisme français est officiellement Versailles*, que Le Vau, François d’Orbay et Jules Hardouin-Mansart* élevèrent pour l’essentiel entre 1661 et 1687, aidés de Le Nôtre et de Le Brun pour la décoration de l’extérieur et de l’intérieur. Mais bien des détails d’ornementation ont disparu, qui ne relevaient pas — non plus que le style des fêtes — d’un classicisme strict. Ici, le terme doit prendre une signification plus large : celui d’une réussite exemplaire ordonnée autour d’un centre, le Soleil royal. Après quoi, en face de cette solennité, seront ressentis les droits de la fantaisie, le besoin d’un relâchement qui aboutira, vers 1730, au triomphe du style rocaille*.


Le néo-classicisme

On donne ce nom à un style qui se développa dans la plus grande partie de l’Europe, ainsi qu’en Amérique du Nord, entre les années 1760 et 1830 et dont le caractère le plus apparent est l’imitation ou plutôt l’interprétation sévère des formes gréco-romaines. Celles-ci servirent de support à la réaction qui se dessinait contre le rococo, prolongement tardif du baroque diffusé dans toute l’Europe (Grande-Bretagne mise à part). Réaction normale contre des formes caractérisées par la complexité et l’agitation, sans doute, mais aussi réaction d’ordre moral et intellectuel, car ces formes étaient liées à un goût et à une société aristocratiques contre lesquels le vent tournait.

La réflexion sur l’art n’avait jamais encore été aussi profonde. Le xviiie s. vit naître la philosophie de l’art — l’esthétique —, la critique* d’art sous forme de comptes rendus d’expositions : en écrivant ses Salons, Diderot créait un genre ; enfin, l’histoire de l’art ne se limitait plus aux seules « vies d’artistes ». Les nouvelles disciplines influencèrent la création artistique de la seconde moitié du xviiie s. Il est difficile d’isoler, dans cette création, ce qui est dû à la transformation des idées politiques, guidées par la philosophie des lumières, à la redécouverte de l’Antiquité par l’archéologie et aux modifications de la sensibilité et de la morale. Ces dernières orientaient le goût vers un retour à la nature et à la simplicité des mœurs, tendances qui se traduisirent dans un langage plastique d’abord inspiré par le début du siècle (c’est le cas chez Greuze*). Mais, bientôt, la redécouverte de l’Antiquité sous ses formes les plus familières nourrit l’admiration que l’on portait à la République romaine. L’Antiquité en général prit valeur d’utopie, et les formes issues de l’art antique force de symbole.