Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cisterciens (suite)

Le rôle des Cisterciens dans l’histoire de l’art

L’art cistercien fut d’abord un art de l’architecture monastique, qui se développa avec l’ordre au xiie s. Saint Bernard joua certainement un rôle dans son élaboration. Dans son Apologie à Guillaume de Saint-Thierry, il s’attaque aux dimensions trop vastes des églises et surtout à la somptuosité de leur décor. L’abbé Aelred insiste de son côté sur le dépouillement et la pauvreté monastiques. Mais y a-t-il une architecture cistercienne ? L’ordre de Cîteaux a repris la règle bénédictine, et ses monastères ne diffèrent guère des autres abbayes du Moyen Âge. Les bâtiments s’ordonnent autour du cloître, dont l’église borde un des côtés. On y retrouve la salle capitulaire, le dortoir, le réfectoire, les différentes salles nécessaires à la vie des moines. L’accent, plus qu’ailleurs, est mis sur le travail manuel, commandé par la règle : l’abbaye de Fontenay a ainsi conservé sa forge. Le sens pratique et l’hygiène ont entraîné le choix de sites bien arrosés ; cuisines et latrines sont édifiées à proximité des cours d’eau. Ce qui frappe le plus dans les premiers bâtiments monastiques cisterciens, qui ne remontent pas au-delà du milieu du xiie s., c’est l’absence de décor dans les galeries de cloître ou dans les salles capitulaires.

C’est cette même austérité que l’on rencontre dans les églises. Elles étaient entièrement réservées aux moines, d’où l’absence de façades ornées ouvertes sur le monde. Un porche en souligne la partie inférieure ; des fenêtres, au-dessus, en percent le pignon. Pas de tours ni de clochers. Une nef bordée de bas-côtés, un transept qui souvent n’en interrompt pas le cours, car ses bras, moins élevés que le vaisseau central, s’ouvrent seulement par une grande arcade selon la formule des transepts bas. Sur le transept, des chapelles rectangulaires prises dans un mur continu. Au fond du grand vaisseau, un chœur saillant fermé par un mur droit. Tels furent les plans des premières églises de Cîteaux, de Clairvaux (Aube), de Pontigny (Yonne) ; Morimond (Vosges) conserva le sanctuaire carré, mais avec un déambulatoire à douze chapelles prises dans des murs à angle droit. Tel fut le plan dit « cistercien » adopté dans les maisons de l’ordre, de la Pologne au Portugal, et aussi en dehors de l’ordre. C’est le plan de Fontenay (Côte-d’Or), de Noirlac (Cher), de L’Escaledieu (Hautes-Pyrénées). Mais d’autres abbatiales adoptèrent très tôt des plans terminés en abside à pans ou arrondie, en Provence à Senanque (Vaucluse) et au Thoronet (Var), à Aubazines en Corrèze, à Fontfroide près de Narbonne. À Clairvaux, il fallut bientôt accroître le nombre des chapelles : dès la fin du xiie s., le chœur droit fut remplacé par un vaste chevet arrondi avec une couronne de chapelles englobées dans un même mur. Le chœur de Pontigny fut refait de même. Au xiiie s., les abbatiales de Royaumont (Val-d’Oise), de Chaalis (Oise), de Maubuisson (Val-d’Oise) se modifièrent sous l’influence de l’art gothique d’Île-de-France, et le chevet plat ne fut plus de règle.

La sobriété se refléta aussi au xiie s. dans l’élévation intérieure des églises, sans tribune ni triforium, simplement éclairées de fenêtres au-dessus des grandes arcades ouvrant sur les bas-côtés. Aux premières voûtes en berceau succédèrent très vite les voûtes sur croisée d’ogives, dont les retombées s’arrêtèrent sur des consoles ou des culots. Vers 1150, un statut du chapitre de l’ordre interdit le décor peint. Les églises cisterciennes ne possédèrent pas non plus de vitraux polychromes historiés, elles se contentèrent de grisailles qui laissaient pénétrer à flots la lumière. C’est dans ce dépouillement de l’espace, de la matière, de la lumière que se manifesta véritablement l’architecture cistercienne. Sa rigueur et sa pauvreté s’opposèrent au luxe des églises bénédictines.

Cîteaux, Clairvaux, plus tard Pontigny produisirent de remarquables manuscrits à peintures, mais on ne peut dire qu’il y ait eu une peinture cistercienne d’une originalité comparable à celle de l’architecture du xiie s. L’expansion de l’ordre coïncida avec le développement de l’art gothique, et les Cisterciens contribuèrent à faire connaître la voûte d’ogives en Europe. Par la suite, ils construisirent encore de superbes monastères, mais leur art refléta davantage les goûts de leur temps et ne fut plus proprement cistercien.

A. P.

➙ Bénédictins / gothique (art) / roman (art).

 M. Aubert et M. de Maille, l’Architecture cistercienne en France (Éd. d’Art et d’Histoire, 1943 ; 2 vol.). / M.-A. Dimier, Recueil de plans d’églises cisterciennes (Vincent et Fréal, 1949) ; l’Art cistercien hors de France (Zodiaque, la Pierre-qui-Vire, 1971). / H.-P. Eydoux, l’Architecture des églises cisterciennes d’Allemagne (P. U. F., 1952). / M.-A. Dimier et J. Porcher, l’Art cistercien (Zodiaque, la Pierre-qui-Vire, 1962). / F. Cali, l’Ordre cistercien (Arthaud, 1972).

Citroën (André)

Ingénieur et industriel français (Paris 1878 - id. 1935).


Admis à l’École polytechnique, il étonne, par sa précocité et son enthousiasme, ses professeurs, qui le classent comme un « tempérament audacieux, doué d’une belle intelligence, mais d’application fantasque ». Toute sa vie sera marquée par ce jugement lapidaire.

Au cours d’un voyage en Pologne, son attention est attirée par un curieux modèle d’engrenages à dents en V inversé qu’il découvre chez un forgeron d’un petit village. Il achète le brevet et installe aussitôt à Paris un atelier avec dix compagnons pour l’exploiter. Le succès est immédiat, et, en 1905, la firme Skoda négocie une licence pour la construction des engrenages à double chevron Citroën. Mais André Citroën caresse un autre espoir : celui de devenir le constructeur d’automobiles qui, le premier en France, aura su appliquer les méthodes américaines de production en grande série. Un stage à la Société des automobiles Mors lui permet de donner sa mesure : sous sa direction, la cadence annuelle de production passe de 125 à 1 200 unités. Il estime que ce résultat est insuffisant et qu’il faut en chercher la raison dans les moyens archaïques de fabrication qui sont ceux de toutes les usines européennes de l’époque. La Première Guerre mondiale lui fournit une autre occasion de mettre en valeur ses dons d’animateur et d’organisateur. D’une rencontre, en 1915, avec le général Baquet, directeur de l’Artillerie, à qui il expose l’insuffisance de notre matériel et le faible rendement de la production des arsenaux, naît un accord aux termes duquel André Citroën est chargé de mettre sur pied une usine qui doit produire 20 000 obus par jour et dont il assurera le ravitaillement en matières premières. En quelques mois, le complexe de Javel est érigé sur les terrains d’anciennes exploitations agricoles. La cadence quotidienne atteint alors 35 000 obus. Dès la fin des hostilités, André Citroën n’hésite plus, car il croit de plus en plus à l’essor populaire de l’automobile. Il possède des installations remarquablement équipées qu’il est facile de reconvertir et il a même son sigle : le double chevron de ses engrenages. Malgré tous les avis défavorables qu’il reçoit, il construit la première voiture française de grande série où tous les éléments sont usinés sur place, sans le concours d’aucun façonnier. Au mois de juin 1919 apparaît la première Citroën. C’est une 8 CV, type A, carrossée en torpédo à 4 places et à 3 portes. Elle est munie du démarrage et de l’éclairage électriques, et possède le volant de direction à gauche. L’élan ainsi donné se poursuit : des 100 modèles quotidiens de 1919, on passe à 300 en 1923 ; les types se succèdent : en 1921, la « 2 B », qui devient rapidement la « B 2 », fait place en 1924 à la « B 10 », dont la carrosserie « tout acier » ne donne satisfaction que l’année suivante, sur la « B 12 », à châssis plus rigide et qui est équipée, pour la première fois, d’un freinage intégral sur les quatre roues.