Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

cinétique (art) (suite)

Dans le même esprit anarchisant, l’Allemand Harry Kramer (né en 1925) construit des « cages » en fil de fer, souvent des caricatures d’objets courants, à l’intérieur desquelles tournent sans arrêt d’absurdes petites machines, fixées dans des directions et à des niveaux différents. Pour cet artiste, les œuvres d’art en mouvement réel sont les sœurs des machines à sous et autres gadgets de la société industrielle. Son compatriote Gerhard von Graevenitz (né en 1934) a mis l’accent sur les effets optiques et les nouveaux « ordres statistiques » qui se forment continuellement sur la surface visible de ses reliefs à éléments métalliques tournants, tandis que le Philippin David Medalla (né en 1942) introduit le mouvement électromécanique pour « exciter » des éléments naturels, qui évoluent de façon non contrôlée.


Le lumino-cinétisme

La démarche de Nicolas Schöffer*, artiste français d’origine hongroise, rappelle les recherches de Moholy-Nagy et propose en même temps un renouvellement des différentes expériences lumino-cinétiques réalisées autour de 1920 par Thomas Wilfred (né en 1889), Vladimir Baranov-Rossine (1888-1942) et Aleksandr Lazlo (né en 1895). Utilisant la cybernétique et l’électromagnétisme, les constructions « spatio-dynamiques » de Schöffer réagissent soit au milieu environnant, soit à un programme d’ordinateur par le mouvement des éléments métalliques réfléchissants, les projections polychromes, les sons, etc.

À côté de Schöffer, de nombreux artistes, notamment américains, expérimentent le lumino-cinétisme en développant des techniques nouvelles : tableaux lumineux en mouvement, prismes et circuits vidéo, ampoules remplies de vapeur de sodium, d’iode, de mercure. Avec des systèmes plus ou moins complexes pour moduler les sources et la transmission de la lumière, les possibilités des deux composantes « lumière » et « mouvement » sont presque illimitées : depuis toutes sortes de tableaux et d’objets tridimensionnels lumineux (Frank Malina [né en 1912], Nino Calos [né en 1926], Gregorio Vardanega [né en 1923], Hugo Demarco, Horacio Garcia-Rossi, Martha Boto) jusqu’aux œuvres d’environnement* et de spectacle (N. Schöffer, Sandu Darie [né en 1908], Bernard Lassus [né en 1929]), en passant par les reliefs et les suspensions en matériaux réfléchissants (J. Le Parc, A. Asis), les effets de Polaroïd (Bruno Munari [né en 1907], Andrée Dantu [née en 1941]) et de lentilles en mouvement (Heinz Mack [né en 1931], G. Uecker).


Cinétisme des éléments naturels

Le potentiel cinétique des éléments naturels, contrôlé ou incontrôlé, est exploité diversement par les artistes du mouvement. Ainsi, le principe des mobiles mus par l’air, mis en place par Calder, inspire à George Rickey (né en 1907) de simples et savantes constructions en acier inoxydable, se manifestant par des mouvements prolongés dans l’espace, en rapport avec ceux de la navigation aérienne. Le Plexiglas, l’aluminium et les plastiques apportent un caractère immatériel aux mobiles suspendus de J. Le Parc et d’autres membres du Groupe de recherche d’art visuel, tels qu’Yvaral et Joël Stein (né en 1926).

L’eau, sous forme de gouttes condensées, fait jouer la lumière à l’intérieur des volumes en Plexiglas de Liliane Lijn (née en 1939) ; intérieure également à l’œuvre, l’eau en mouvement anime les constructions et les projets architecturaux de Gyula Kosice (né en 1924). Par contraste, un « espace d’eau calme » environne les sculptures flottantes de Marta Pan (née en 1923).

Le dynamisme secret de la nature est aussi exploité par le Grec Takis (né en 1925), qui a introduit, en 1959, le magnétisme dans la sculpture. Le but de cet artiste grec est de mettre en évidence la force invisible des aimants à travers le mouvement qui anime ses subtiles constructions en fer et en acier.

Avec ses riches possibilités, l’art cinétique apporte au monde de la création des directions nouvelles, qui s’accordent avec les tendances générales de notre époque. Pris dans le dynamisme du monde contemporain, les arts sortent de leur isolement relatif et rencontrent les démarches de la science et de la technologie*.

L’art du mouvement cherche un public de plus en plus nombreux en proposant de « dynamiser » l’architecture, en créant des œuvres d’environnement et des spectacles. Il veut s’adresser à l’œil qui voit, à la main qui intervient, au spectateur qui participe, et pas seulement à l’intérieur d’un petit groupe de connaisseurs privilégiés. La réalisation d’une œuvre cinétique demande très souvent un travail d’équipe. L’artiste s’intègre davantage à une réalité sociale, en même temps qu’il se trouve confronté à des problèmes qui débordent largement le cadre de l’esthétique pure.

Fait évident, la conception spatiale héritée de la Renaissance, reposant sur une perception du monde visible unifiée au moyen des systèmes perspectifs, est devenue trop étroite au xxe s. L’appréhension des données du réel, sans cesse renouvelées par les sciences et les techniques, exige de nous un processus dynamique : la relativité est découverte par l’art comme par la science. C’est pourquoi certains créateurs, sensibles aux nouveaux besoins esthétiques, proposent l’utilisation du mouvement comme moyen expressif de leurs recherches sur l’espace plastique, lié désormais au temps.

M. E. I.

➙ Abstraction.

 F. Popper, Naissance de l’art cinétique (Gauthier-Villars, 1967 ; nouv. éd., 1971). / G. Rickey, Constructivism (New York, 1967). / G. Brett, Kinetic Art, the Language of Mouvement (Londres, 1968). / C. Barret, Op Art (Londres, 1969).

cinétique chimique

Étude de la vitesse des réactions chimiques. Certaines réactions — action du chlore sur la solution d’iodure de potassium par exemple — sont très rapides, ne demandant, pour s’effectuer complètement, que le temps nécessaire au mélange des réactifs ; d’autres sont lentes : l’estérification de l’éthanol par l’acide acétique ne s’arrête, à température ordinaire, qu’au bout de plusieurs mois.