Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Ciliés (suite)

Morphologie générale

Le schéma le plus simple d’un Cilié correspond à la forme des espèces primitives à symétrie axiale. La ciliature somatique se répartit en rangées méridiennes, bipolaires et indépendantes, les cinéties, dont les extrémités antérieures affrontent le pourtour d’une aire où se creuse la bouche, le cytostome. Les cinéties sont formées chacune par l’alignement de cinétosomes cilifères, linéairement associés sur la gauche à des fibrilles superficielles qui en émanent, les cinétodesmes ; la position des cinétosomes à gauche des cinétodesmes est permanente et définit la règle de la « desmodexie », qui reconnaît des côtés droit et gauche à chaque cinétie, c’est-à-dire une polarité. Un réseau de mailles superficielles souvent observable entre les cinéties constitue l’argyrome (colorable par les sels d’argent).

Chez les espèces plus évoluées, les cinéties peuvent, par des allométries de croissance, repousser latéralement la région buccale ; leur nombre et leur mode de répartition à la surface du Cilié déterminent alors des formes plus ou moins complexes où la ciliature buccale tend à devenir autonome. La disposition fondamentale en cinéties indépendantes peut d’autre part céder la place à des regroupements localisés de cinétosomes : ceux-ci s’ordonnent les uns auprès des autres en des ensembles serrés constituant, par la coalescence des cils, de véritables organites : membranes ondulantes, membranelles buccales ou cirres somatiques.

En dehors de la plupart des éléments cellulaires classiques (corps de Golgi, mitochondries, lysosomes, vacuoles lipidiques, enclaves diverses), l’endoplasme des Ciliés renferme des vacuoles digestives qui collectent, en arrière d’un canal cytopharyngien souvent renforcé de fibrilles ou de baguettes protéiques (némadesmes), la nourriture attirée par la ciliature péristomienne ; les déchets sont ensuite rejetés par un pore excréteur permanent, le cytoprocte. D’autres vacuoles, dites « contractiles » et fonctionnant comme une sorte de pompe, ont pour rôle d’établir l’équilibre osmotique du cytoplasme hypertonique en le vidant périodiquement de l’eau absorbée.

Un certain nombre de structures particulières aux Ciliés se répartissent soit contre la membrane ectoplasmique, parfois épaisse, soit dans l’endoplasme : ce sont les divers systèmes fibrillaires, contractiles (myonèmes) ou non, les trichocystes — considérés longtemps comme des organites défensifs — et les protrichocystes, dont le mucus participe probablement à la formation des kystes. Beaucoup d’espèces prédatrices possèdent en outre des éléments offensifs, les toxicystes, capables de paralyser les proies.


Division

Les Ciliés, hormis les Acinétiens qui se reproduisent par bourgeonnement, se divisent (contrairement aux Flagellés) selon un plan de bipartition transversal qui sépare les individus, le proter et l’opisthe, obligatoirement homothétiques : cette homothétie est facilement respectée chez les formes simples à symétrie axiale. Mais lorsque la ciliature somatique n’est plus uniformément répartie et que le péristome acquiert une ciliature buccale spécialisée, la condition d’homothétie impose la néo-formation de diverses parties ciliaires à partir d’ébauches issues elles-mêmes de la multiplication localisée de cinétosomes préexistants ou apparus sur un territoire inducteur.

La morphogenèse des Ciliés, qui est dominée par la disposition de leur infraciliature, devient alors un phénomène complexe, dont les modalités éclairent les relations phylogénétiques des différents groupes.

La division somatique s’accompagne de la division de l’appareil nucléaire, le macronucleus se scindant en deux par ségrégation des génomes tandis que le micronucleus subit une mitose particulière, ou orthomitose, par laquelle les chromosomes s’organisent, après séparation, en une plaque équatoriale.


Écologie

Mis à part les espèces commensales ou parasites (chez l’Homme, la dysenterie peut être due à un Infusoire, Balantidium coli), souvent inféodées à un hôte précis, les Ciliés possèdent une marge de tolérance très étendue : ubiquistes, ils se trouvent partout où il y a de l’eau, qu’elle soit douce, saumâtre ou marine. La plupart des formes recherchent des eaux propres et oxygénées, d’autres se cantonnent dans les eaux chargées en matières organiques. La distribution des Ciliés planctoniques, vagiles ou sessiles, dans les divers biotopes, est fonction des facteurs ambiants (pH, température, salinité, oxygène dissous, éclairement, etc.), mais elle dépend aussi pour une très grande part de leur mobilité, de leur capacité à s’enkyster ou de leurs possibilités de fixation, comme de leur nourriture obligatoire ou préférentielle, dictée parfois par leur structure buccale.

La plupart des Ciliés sont en effet phagotrophes, et, si certains sont uniquement végétariens, se nourrissant d’Algues microscopiques, beaucoup sont des prédateurs macrophages qui vivent en dévorant d’autres Ciliés, souvent plus petits et microphages. Les histophages s’attaquent aux tissus morts, participant ainsi à l’assainissement du milieu : il en résulte des « chaînes alimentaires », comme dans toute microbiocénose.


Classification

Fondée sur la topographie de l’infraciliature somatique et buccale, la classification des Ciliés connaît actuellement de profonds remaniements dus à l’apport des techniques modernes, comme la microscopie électronique. Elle peut être ramenée à deux sous-classes : les Holotriches, à ciliature somatique généralement uniforme, et les Spirotriches, caractérisés par la prédominance d’organites différenciés et un grand développement de la ciliature buccale.

Parmi les Holotriches les plus simples, les Gymnostomes possèdent des armatures pharyngiennes antérieures formant soit des faisceaux de toxicystes (Rabdophores), soit des faisceaux de némadesmes constituant latéralement des sortes de « nasses » (Cyrtophores). Chez les Trichostomes, plus évolués, la ciliature péristomienne provient de la différenciation apicale des cinéties somatiques (Colpodes). Avec les Hyménostomes apparaît une ciliature proprement buccale, autonome, comportant au moins une membrane parorale et trois membranelles adorales (Tétrahyméniens), ou davantage comme chez les Paramécies (Péniculiens), avec possibilité d’hyperthélie de la parorale, ce qui tend à repousser le cytostome en arrière (Pleuronémiens). Dérivés de ces derniers, les Thigmotriches sont des commensaux épizoïques. Chez les Péritriches, comme les Vorticelles, qui sont des Ciliés sédentaires, la ciliature se complique d’un dispositif (scopula) permettant la fixation par un pédoncule contractile simple ou ramifié. Le parasitisme entraîne ailleurs des modifications ciliaires (Apostomes) et même la régression totale de la bouche (Astomes), ne permettant qu’une nutrition par osmose. Chez Suctorida (Acinétiens), enfin, la ciliature n’apparaît que sur les individus migrateurs, issus par bourgeonnement d’individus adultes dont le cytostome est remplacé par des tentacules suceurs.