Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Ciliés (suite)

Parmi les Spirotriches, les Hétérotriches se distinguent par l’importance de leur frange adorale, souvent spiralée (Stentor), tandis que chez les Hypotriches, à ciliature buccale comparable, la ciliature somatique est condensée en pinceaux de cils (cirres) formant un puissant appareil locomoteur : ce sont alors des Infusoires « marcheurs » (Stylonychia, Euplotes...) ou des nageurs « rétropulsifs » (Uronychia). À côté de ces ordres relativement très homogènes prennent place des groupes plus aberrants : Oligotriches, Tintinnides, Odontostomes, enfin les Entodiniomorphes, aux formes souvent compliquées d’un endosquelette polysaccharidique, qui sont des Ciliés commensaux de la panse des Ruminants.

M. T.

➙ Biologie / Cellule / Conjugaison / Flagellés / Plancton / Protistes / Van Leeuwenhoek.

 A. Kahl, Urtiere oder Protozoa, t. I, Wimpertiere oder Ciliata (Infusoria) [Iéna, 1930-1935 ; 4 vol.]. / R. R. Kudo, Protozoology (Springfield, Illinois, 1939 ; 5e éd., 1966). / G. N. Calkins et F. M. Summers (sous la dir. de), Protozoa in Biological Research (New York, 1941). / J. O. Corliss, The Ciliated Protozoa (Oxford, 1961). / P.-P. Grassé, R. Poisson et O. Tuzet, Précis de zoologie, t. I, Invertébrés (Masson, 1961 ; 2e éd., 1970). / D. L. Mackinnon et R. S. J. Hawes, Introduction to Study of Protozoa (Londres, 1961). / Tze-Tuan Chen, Research in Protozoology (Oxford, 1967 et suiv. ; 4 vol. parus).

Cimabue (Cenni di Pepo ?, dit)

Peintre italien (Florence ? v. 1240/1250 - Pise ? v. 1302).


Rien ne permet, dans l’état actuel de nos connaissances, de fixer de façon précise sa biographie dans la seconde moitié du xiiie s. Deux dates données par des témoignages de l’époque sont à peu près les seuls indices que nous possédions pour tenter une approche sérieuse de sa production : Cimabue est mentionné par un document à Rome en 1272 ; il est à Pise en 1301-1302, où il est venu exécuter, entre autres commandes, la figure en mosaïque de saint Jean dans l’abside de la cathédrale. Dans l’intervalle, on sait qu’il a travaillé à Assise, vers 1285, à la décoration des églises supérieure et inférieure de San Francesco.

Il convient d’user de la plus grande précaution pour reconstituer la genèse de son œuvre : éviter de laisser jouer l’imagination sur d’importantes tranches de sa vie restées obscures, se méfier de schémas satisfaisants pour l’esprit mais peu soucieux des réalités historiques, renoncer à alimenter, à la faveur d’une période de l’histoire de l’art encore mal connue, le mythe du peintre héros toscan qui, selon Giorgio Vasari, aurait tout inventé d’un seul coup.

Cela dit, il n’est pas interdit d’ébaucher un tracé assez souple de la carrière de Cimabue. C’est vraisemblablement aux alentours de son voyage à Rome, dans les années 1270-1275, qu’il élabore sa manière propre, par réaction contre la « maniera greca » byzantine qui fait fortune à Florence comme dans la plupart des villes italiennes d’alors. Le style de Constantinople s’était largement répandu sur le sol italien depuis que les artistes orientaux avaient afflué, chassés de leur pays par la victoire des iconoclastes. À la fin du xiiie s., la sève de leur art s’est desséchée, après que des générations se furent transmis les modèles en mettant toute leur science à n’y rien changer. C’est dans ce milieu que Cimabue apprend à peindre et s’initie à la mosaïque. L’anecdote du petit Cenni s’échappant de l’école pour aller admirer les Grecs venus restaurer le décor de la cathédrale de Florence, telle que nous la rapporte Vasari, illustre fort bien, mis à part son côté charmant et « novelliste », l’ambiance picturale de la ville pendant la jeunesse du peintre. Aussi emprunte-t-il à la tradition byzantine ses différentes catégories iconographiques : les grands crucifix peints, les Vierges en majesté, ou « Maestà », les devants d’autel, ou « dossale ».

Les crucifix sont les œuvres les plus anciennes que nous connaissions. Dans celui du musée de l’Œuvre de Santa Croce, à Florence, gravement endommagé lors de l’inondation de 1966, le « S » de la grande figure douloureuse du Christ se dégage de la croix, dont les extrémités sont traitées comme de petites icônes représentant la Vierge et saint Jean ; le hiératisme impassible des modèles orientaux semble se retourner sur lui-même et, comme le visage de l’évangéliste appuyé sur son poing, se mettre à penser. Ce renouveau est-il le résultat heureux de contacts pris par l’artiste lors de son voyage à Rome ? Là, comme dans d’autres centres artistiques d’Italie, Sienne avec Duccio*, Pise avec son atelier de sculpteurs, Rome avec Pietro Cavallini (actif entre 1270 et 1330), d’intenses recherches se poursuivent.

C’est à Assise, qui a invité nombre de peintres très importants pour participer au décor de la basilique San Francesco, que Cimabue, mis en contact direct avec l’architecture — il s’agissait de peindre « a fresco » — va insérer dans ce cadre déjà prêt les figures qui lui conviennent : un dessin plus souple détermine des formes plus amples et plus expressives, le geste se libère, non sans une certaine influence des rythmes gothiques.

La Vierge en majesté avec des anges et des prophètes, peinte pour Santa Trinita de Florence (auj. aux Offices), est peut-être de 1285. Elle flotte encore un peu au-dessus de son trône, l’unité plastique n’est pas totalement réalisée, mais il s’en faut de peu car le langage formel, délié, est prêt à recevoir une présence : celle qui habitera la peinture italienne grâce à Giotto* et qui imposera pour des siècles une vision du monde.

Avec la mosaïque de saint Jean à l’abside de la cathédrale de Pise, le cycle des œuvres connues se referme, tout en posant une question qui nous fait nous retourner vers Rome, au début de la carrière de l’artiste : ne s’agit-il pas d’une figure inspirée de l’antique ? La lente redécouverte de l’art antique, envers lequel Florence d’abord puis la Renaissance tout entière auront tant de dettes, commençait précocement son œuvre dans les esprits du xiiie s.

J. B.

 E. Battisti, Cimabue (Rome, 1963 ; trad. fr., Bibl. des arts, 1963).