Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

agressivité (suite)

En prêtant à la catégorie de la finitude une signification empirique, les données de l’investigation psychanalytique rejoignent ainsi les enseignements ou les problèmes issus de la tradition religieuse. Mais elles laissent aussi entrevoir la possibilité d’une confrontation critique avec les orientations de la psychologie. La tension émotionnelle, au sens de Lewin, le combat, au sens de Rapoport, ne se situent assurément pas au même niveau d’analyse que la tension agressive de Lacan. La psychologie traite de processus d’agression, la psychanalyse traite de ces processus et, en outre, de l’agressivité en tant qu’elle constitue le noyau d’une théorie et d’une investigation scientifique des diverses formes d’agression. Il appartiendrait aux disciplines spécialisées, notamment à la criminologie, de mettre elles-mêmes en évidence, ou en discussion, les incidences méthodologiques et pratiques de cette situation épistémologique.

P. K.


L’agressivité chez l’animal


Agressivité, combat et prédation

Les conduites agressives sont celles par lesquelles un animal tend essentiellement à la destruction ou à la mise en fuite d’un autre animal ; il s’agit donc de réponses d’approche suivies d’actes spécifiques correspondant à la fuite ou à la défaite de l’adversaire. Il ressort de cette définition que deux confusions sont à éviter.

Tout d’abord l’agression n’implique pas forcément un combat : au contraire, elle aboutit au résultat cherché le plus souvent sans issue violente, comme il sera exposé plus loin.

D’autre part elle ne doit pas être confondue avec les relations de prédation. On ne saurait en effet parler d’agression dans le cas d’un Lion attaquant un Buffle pour s’en repaître, car le but du carnivore est de manger ensuite sa victime. Il n’y aura agression que s’il poursuit son adversaire après avoir découragé son attaque ; de même, il faut reconnaître une composante agressive à la conduite d’un carnivore qui tue au-delà de ses besoins alimentaires, comme la Fouine qui égorge plusieurs Poules à la fois. Cela montre que les conduites agonistiques animales peuvent procéder de plusieurs principes comportementaux à la fois, mais en ce qui concerne la définition de ces principes, et notamment de celui d’agression, il importe peu que les actes offensifs et vulnérants soient les mêmes dans les attaques d’agression que dans celles de prédation ou de défense : en fait la nature de la réaction est définie par sa motivation et par son orientation.

La prédation ne revêt pas forcément un aspect agonistique : il y a prédation de la part du Tamanoir qui englue des Fourmis sur sa langue, mais cette activité est tout aussi « pacifique » que celle de brouter chez un herbivore. On voit ainsi qu’une grande partie des « luttes pour la vie », celles qui ont un caractère alimentaire, ne sont pas de véritables agressions.

C’est donc plutôt sur le terrain intraspécifique que l’agression animale se manifeste véritablement : les individus d’une même espèce, voire ceux d’une même société ou population locale, s’attaquent mutuellement dans certaines circonstances. Leur motivation n’est pas alimentaire (il s’agirait alors de cannibalisme), mais vise essentiellement à blesser ou à faire fuir le congénère, sans qu’on puisse pour autant nier la liaison de ces conduites agressives avec divers besoins qui les motivent ou, du moins, dont elles sont corrélatives.


Motivation des actes agressifs

L’agressivité peut être définie chez l’animal, de même que chez l’homme, comme relative à une frustration d’un besoin quelconque.

• Accès à la nourriture. On sait qu’un Chien ne laisse pas saisir l’os qu’il ronge, et que les grands Félins écartent les Chacals et les Vautours qui cherchent à profiter de leur proie. Par contre, chez les Rats, l’accès en commun à une même nourriture n’entraîne pas de conflits.

• Douleur, sécurité. Si on place deux Rats ensemble dans une cage, et que l’on électrise le plancher de celle-ci, choquant ainsi les deux sujets simultanément, ils se battent. On peut supposer que chaque animal associe la douleur ressentie à la présence du congénère, et qu’il ne s’agit donc que de réactions défensives ; cependant, la composante d’agression est indéniable, car la même procédure expérimentale n’amène jamais de combat lorsqu’elle est appliquée à deux Cobayes. De même, un taureau de combat, isolé dans l’arène, n’est agressif que s’il est de race « noble ». Une disposition spécifique à l’approche agonistique est indéniable.

• Compétition sexuelle. Cette motivation est illustrée par les combats des Coqs dans la basse-cour, ceux des Cerfs au moment du rut, ceux des Saumons bécards dans les frayères, etc. ; elle consiste à s’attribuer l’exclusivité d’une ou plusieurs femelles. Dans ce dernier cas, l’aspect purement agressif de la conduite est évident, puisque chaque mâle disposerait d’un nombre suffisant de femelles. D’ailleurs la présence de celles-ci n’est pas nécessaire pour que les mâles combattent : Coqs de combat, Poisson combattant du Siam, Grillon, etc.

• Territoire et dominance. Dans beaucoup d’espèces, les individus vivent seuls dans un périmètre où ils ne tolèrent pas la présence d’un congénère, surtout s’il est du même sexe que lui, et particulièrement dans le cas des mâles. Tel est le cas de certains Poissons (Épinoche, espèces des récifs coralliens), de certains Oiseaux (Rapaces, Passereaux chanteurs), etc. Cela peut également être le fait d’un groupe social, et on a observé des conflits entre bandes de Lions et de Singes hurleurs à l’occasion de transgressions de territoires.

Enfin, dans le cadre même des sociétés animales, du moins chez les Vertébrés, on observe une hiérarchie sociale qui se manifeste par la priorité d’accès à la nourriture et aux femelles, par l’exclusivité de la marche en tête du troupeau lors des déplacements collectifs (acquise à la suite de rudes combats, chez les Vaches transhumantes par exemple) et surtout par la possibilité d’écarter ou de frapper un autre individu sans qu’il résiste.