Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cherbourg

Ch.-l. d’arrond. de la Manche (34 637 hab. [Cherbourgeois]) et deuxième agglomération de Basse-Normandie (85 000 hab.).


La géographie


Un beau site maritime à peine exploité

Au nord de la péninsule du Cotentin, entre les deux promontoires de la Hague et du Val de Saire, la rade de Cherbourg constitue un remarquable site maritime à proximité immédiate d’une des voies de navigation les plus fréquentées du monde. Des travaux considérables, réalisés entre 1783 et 1858, ont permis d’abriter derrière une double rangée de digues un vaste plan d’eau, qui se subdivise en « Grande Rade » et en « Petite Rade ». La ville, très peu peuplée jusqu’au début du xixe s., s’est développée sur les terres basses qui entourent l’estuaire de la Divette et que dominent les escarpements puissants du massif ancien du Cotentin, notamment la montagne du Roule.

En dépit de ses avantages, le site portuaire de Cherbourg reste peu utilisé. Le transport des marchandises (environ 600 000 t) est très faible pour un organisme de cette importance. Cherbourg, accessible aux paquebots de fort tonnage et bien équipé, fut pendant quelques décennies un port d’escale pour les transatlantiques, notamment ceux des compagnies étrangères. Mais la concurrence du Havre gêna son essor, et la crise du transport des passagers par paquebot a presque ruiné ce trafic. Un autre aurait pu le remplacer : l’accueil des pétroliers géants. Mais Le Havre, avec Antifer, a été le site retenu. En attendant, il ne reste au vaste port de Cherbourg que des activités de second rang : le yachting, le transport des passagers vers l’Angleterre par « car-ferries » et la pêche, en développement sensible depuis la Seconde Guerre mondiale (environ 9 000 t de prises par an).

De tradition, Cherbourg est aussi et avant tout un port militaire, et c’est dans cette perspective qu’il fut construit au début du xixe s. La pérennité de cette fonction se manifeste notamment par la présence de l’Arsenal, la plus grande entreprise cherbourgeoise (environ 5 000 employés). Les sous-marins atomiques français y ont été construits. Plusieurs autres établissements se consacrent aux constructions navales (légères) ou à la fabrication de matériel d’équipement pour la marine nationale, pour des marines étrangères ou pour le secteur privé (le yachting, par exemple).


Une médiocre situation continentale

Le déclin du port de Cherbourg et les difficultés de la ville s’expliquent essentiellement par le caractère marginal de sa situation continentale. Cette importante agglomération, artificiellement créée pour des objectifs militaires, s’adosse à un arrière-pays rural, la péninsule du Cotentin. Au plan administratif et commercial, elle joue bien un rôle de petite capitale régionale, mais sur une zone étriquée et limitée au sud à l’isthme du Cotentin. Dans le réseau des transports par terre, Cherbourg est loin de tout, trop excentrique pour animer l’ensemble du département de la Manche (dont le chef-lieu est Saint-Lô, ville beaucoup plus modeste), trop éloigné de la capitale — dans une sorte de « voie de garage » péninsulaire — pour tirer pleinement profit de la décentralisation industrielle.

La ville et sa proche région ont cependant accueilli quelques usines au cours de la dernière décennie. Dans l’agglomération même, l’installation de trois établissements nouveaux a légèrement accru les possibilités d’emploi : un atelier de confection, une usine fabriquant du matériel de projection cinématographique et une usine montant des semi-conducteurs et du matériel téléphonique. Surtout, le Commissariat à l’énergie atomique a installé sur le promontoire de la Hague, près de Jobourg, à 20 km de Cherbourg, une importante usine d’extraction du plutonium, qui emploie 1 500 personnes et travaille avec des entreprises cherbourgeoises. Toutes ces réalisations restent néanmoins insuffisantes pour répondre à une double demande d’emplois : celle de l’agglomération cherbourgeoise, menacée par la récession du port et par la stagnation de l’Arsenal ; celle de la région rurale du Cotentin, qui ne peut trouver qu’à Cherbourg des débouchés pour des excédents de main-d’œuvre agricoles.


Une ville en attente

L’agglomération cherbourgeoise ne s’accrut que très faiblement du milieu du xixe s. à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au vieux Cherbourg, situé entre l’Arsenal et le Bassin du commerce, se sont ajoutés les trois tentacules en ordre lâche des banlieues d’Equeurdreville (à l’ouest), d’Octeville (au sud-ouest) et de Tourlaville (à l’est). Le vieux Cherbourg concentre sur des rues étroites, au prix d’une circulation difficile, l’essentiel de l’appareil commercial. Les banlieues juxtaposent des essaims de pavillons modestes à des espaces de cultures maraîchères (notamment autour de Tourlaville) derrière un petit nombre de rues à constructions continues.

Depuis la Seconde Guerre mondiale et en dépit de toutes les difficultés économiques, un nouveau Cherbourg est cependant apparu. Mais la croissance de l’agglomération est lente (la population de la ville diminue), avec quelques grands immeubles en hauteur près du centre, plusieurs grands ensembles à la périphérie, notamment ceux du Maupas et de la Z. U. P. de Cherbourg-Octeville, et deux zones industrielles (les Mielles, Sauxmarais), dans l’attente de nouvelles créations d’emplois.

A. F.


L’histoire

L’identification de Cherbourg avec Coriallo, l’ancienne capitale de la cité gauloise des Unelles, n’est nullement certaine. L’origine du nom de Carusburc, qui est celui de la ville au xie s., à l’époque de la conquête de l’Angleterre, est plutôt à rechercher dans celui de Caesaris Burgum.

Durant le Moyen Âge, la ville de Cherbourg partage le sort de la Normandie et est disputée comme elle entre la France et l’Angleterre. Elle suit d’abord la fortune des rois d’Angleterre, à partir de Guillaume le Conquérant, puis celle de la Normandie, conquise et réunie au royaume de France par Philippe Auguste dans les premières années du xiiie s. (1202-1204). De nouveau, la guerre de Cent Ans la fait passer sous domination anglaise ; après de nombreuses péripéties, la victoire de Formigny en 1450, remportée sur une armée anglaise fraîchement débarquée à Cherbourg, la rend définitivement à la France.