Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

César (Jules) (suite)

Débuts législatifs

César est très actif. Sans illusions sur l’attitude du sénat et du tribunal de la plèbe, il opère en force et viole les interdictions qui le gênent. Il fait voter une série de lois dont les unes vont dans le sens de son intérêt personnel et dont les autres sont d’une réelle utilité pour le peuple romain. Parmi celles-ci, une importante loi sur la concussion et une autre sur l’administration des provinces vont lui assurer la sympathie des peuples soumis. Il accorde aux publicains une remise sur les sommes dues au titre des impôts qui leur sont affermés. Il demande et obtient la ratification des actes de Pompée en Orient, ratification que Pompée lui-même s’était vu refuser à son retour. Une loi agraire distribue des terres d’Italie aux vétérans de Pompée et aussi à la plèbe de Rome. Une autre étend ces dispositions à la Campanie. Les comptes rendus des séances du sénat seront désormais affichés. Enfin, et c’est là l’une des premières manifestations d’un intérêt particulier de César pour l’Égypte, le roi Ptolémée XIII Aulète est reconnu, avec le titre d’ami et d’allié du peuple romain, ce qui vaut à César un pot-de-vin qui le débarrasse de ses dettes. Autre bénéfice de ce consulat : César s’est procuré de nombreux partisans. Le gouvernement provincial qu’il devait obtenir à l’expiration de son mandat pouvait également étendre sa clientèle politique par l’enrichissement de la soldatesque et accroître son prestige militaire à la faveur d’une guerre de conquête. Le sénat l’avait vu venir de loin et avait décidé que les provinces consulaires seraient « les forêts et les drailles » des régions pauvres d’Italie. Alors, César s’entend avec un tribun de la plèbe, P. Vatinius, qui fait casser le décret sénatorial et lui fait attribuer pour cinq ans la Cisalpine et l’Illyrie, le sénat y ajoutant de lui-même la Narbonnaise. À Rome, on ne doit pas intriguer derrière son dos : Clodius est élu tribun de la plèbe, Cicéron, son adversaire farouche depuis l’affaire Catilina, part pour l’exil, et les consuls pour 58 sont ses amis. César peut partir.


La conquête des Gaules

La conquête des Gaules, effectuée de 58 à 51, représente le premier grand épisode de la vie de César. C’est elle qui fait du politicien heureux un personnage de l’histoire.

Les Gaulois avaient la réputation d’ennemis redoutables, depuis qu’à l’époque primitive ils étaient venus déranger les Romains chez eux. Leur pays paraissait riche et peuplé, et, au-delà, leurs routes menaient à l’étain britannique. César avait voulu cette guerre. Il ne chercha, du moins au début, que la soumission des chefs et la constitution de protectorats. Mais il lui fallait nécessairement guerroyer pour se procurer du butin, donc de l’argent. De là des campagnes successives, qui vont se prolonger d’autant plus longtemps que la pacification n’est parfaite qu’après des sursauts de révolte. De là aussi une armée qui s’accroît, en même temps que l’autorité de son chef.

Il est impossible de reconstituer les allées et venues de César à travers les Gaules. La localisation des oppida qui furent assiégés, bien qu’à peu près certaine dans l’ensemble, laisse la possibilité de controverses. De même, les causes et les faits eux-mêmes n’apparaissent pas avec la plus grande évidence. D’où cela provient-il ? De César lui-même, qui, par ses Commentaires sur la guerre des Gaules, est notre source presque unique. Or, il est apparu de plus en plus que c’était là une œuvre tendancieuse. Il semble démontré aujourd’hui que ces Commentaires, faits à partir de rapports réguliers au sénat, remaniés par la suite, sont une œuvre de propagande, où les faits sont intentionnellement obscurcis, pour ne pas tout révéler aux autres généraux de son art militaire, ou déformés de diverses façons, pour rehausser le prestige de César lui-même, minimiser le rôle de ses légats, enfler l’importance des adversaires (Vercingétorix) et rendre la victoire plus glorieuse. Il en résulte qu’il faut lire entre les lignes : ce déchiffrement n’est pas achevé. En dehors des opérations militaires, il y eut des négociations, que César nous raconte à sa façon et qui demeurent entourées de mystère. On sait que les druides jouaient un grand rôle politique : César n’y fait guère allusion. On soupçonne aujourd’hui l’un d’eux, le Gutuater, d’avoir été leur chef et, en tant que tel, le plus dangereux ennemi de Rome. César l’ignore. Alors, en l’absence d’interprétations possibles, on se fie au récit de César.

Les opérations commencent en 58, quand les Helvètes veulent émigrer vers la Gaule. César les arrête, comme des envahisseurs, et se fait passer pour le protecteur ou au moins l’allié des Eduens, peuple puissant, maître de la Gaule centrale. Il barre ensuite la route à Arioviste, envahisseur qu’il qualifie de Germain, mais qui est « probablement un Celte, roitelet transrhénan qui cherchait des fiefs sur la rive gauche » (M. Rambaud). S’étant assuré vers le Rhin comme vers le Centre, César s’avance vers le nord-ouest de la Gaule, battant successivement, apparemment sans difficulté, les peuples belges (57). Entre-temps, son lieutenant Galba attaque, sans succès, les montagnards des cols alpestres, qui rançonnent les voyageurs et, rendant le passage périlleux, obligent le plus souvent à passer par Marseille, dont les péages sont coûteux. En 56, César, confirmant ainsi son intérêt pour la route vers l’Océan, s’en prend aux populations côtières : il triomphe des Vénètes, qui peuplent la région du Morbihan. Ses lieutenants opèrent alors en Normandie et en Aquitaine. En 55, des Celtes d’Outre-Rhin, que César disait Germains, les Usipètes et les Tenctères, ont franchi le fleuve. Ils sont massacrés. Puis César fait lui-même une incursion rapide au-delà du Rhin, opération d’intimidation et de prestige. Il en va de même de ses tentatives en Bretagne (l’actuelle Grande-Bretagne). Un premier débarquement outre-Manche échoue faute d’expérience technique. Un autre, en 54, bien préparé, permet d’imposer un tribut — d’ailleurs tout théorique — à un roi de l’île.