Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

César (Jules) (suite)

Peu après, à la fin de 54, la Gaule entre en rébellion. Elle n’est pas occupée en profondeur : les Romains ne tiennent que les points stratégiques, les voies. Chaque camp légionnaire est attaqué par le peuple voisin. Le légat Q. Titurius Sabinus est massacré dans son camp avec la plupart de ses soldats par les Eburons, menés par Ambiorix. La retraite de César vers l’Italie n’est même plus possible. En 53, celui-ci est parvenu à se dégager et à tranquilliser la Gaule, dont il a dû abandonner le Nord-Ouest. Mais la tranquillité n’est qu’apparente. En 52, la révolte part des États du Centre (Carnutes, Bituriges) ; César doit mettre la Province (Narbonnaise) en état de défense. L’Arverne Vercingétorix a réuni une armée assez forte qui, à distance prudente, nargue les Romains. Il évite le combat, mais dévaste la campagne, pour détruire les vivres. La prise d’Avaricum (Bourges) par César assure à celui-ci une plus grande facilité d’évolution. César échoue cependant devant Vercingétorix à Gergovie : échec moindre qu’il ne prétend, car il veut faire prendre son adversaire pour le chef de la Gaule entière, ce qui est absolument faux. À la suite d’un engagement malheureux, les Gaulois s’enferment dans l’oppidum d’Alésia*, d’où César ne les laisse plus s’échapper. César présente sa capitulation comme un succès définitif. La guerre n’est pourtant pas finie. En 51, il faut réduire les résistances isolées. Les Cadurques se défendent le plus longtemps et ne rendent leur oppidum d’Uxellodunum qu’après un siège difficile.

Les Gaulois se sont montrés beaucoup plus organisés que César ne l’a admis. De là une guerre longue, plus dure également qu’il n’a voulu en convenir. Il aurait tué un million d’hommes et fait un million d’esclaves, selon Plutarque. Mais il a obtenu le résultat escompté : il a trouvé ce qu’il cherchait, l’argent et le prestige, la fidélité de ses compagnons d’armes, et il a ouvert un nouveau champ d’opérations aux trafiquants italiens.


L’entre-deux-guerres et le dilemme du Rubicon

Pendant l’absence de César, à Rome, les politiciens ont poursuivi le cours de leurs intrigues. Le tribun Clodius entraînait le peuple à sa suite et l’excitait contre Pompée. Celui-ci, ne pouvant s’appuyer pleinement sur le sénat, où d’intransigeants républicains lui demeuraient hostiles, avait, en 55, renouvelé l’accord de triumvirat avec Crassus et César. Il était entendu que les pouvoirs de celui-ci étaient renouvelés jusqu’au début de 50. Mais Pompée devait perdre son épouse, Julie, fille de César, en 54 et Crassus devait mourir en 53. Il ne reste donc pratiquement rien alors du triumvirat. Les républicains ont à présent beau jeu d’opposer César et Pompée. Le sénat nomme Pompée seul consul (51), avec l’objectif d’abattre César. Tout se passe en bordure de la légalité. De part et d’autre, on s’efforce d’en respecter les formes tant que c’est possible, mais, inévitablement, on la viole. César pose sa candidature à un nouveau consulat et obtient du sénat l’autorisation de le faire tout en restant absent de Rome, c’est-à-dire près de ses armées. Faute de cette autorisation, il redevient simple particulier, ce qui le met à la merci de ses adversaires. Malgré l’intercession formelle des tribuns de la plèbe, qui le défendent, Pompée fait escamoter par une nouvelle loi l’autorisation sénatoriale : il pousse véritablement César à agir, lui aussi, en dépit des lois républicaines. L’année 50 s’écoule dans les atermoiements. On apprend que César concentre ses troupes en Cisalpine. Le consul M. Claudius Marcellus somme Pompée de prendre ses dispositions pour marcher contre lui. César a conservé ses fonctions au-delà de la date limite : il propose d’y renoncer si Pompée en fait autant. En refusant et en décrétant le rappel de César, le sénat jette définitivement les deux rivaux l’un contre l’autre. Pompée envisage de refuser la bataille : il espère lasser les armées de César. Mais il a désappris le métier de chef militaire et, à ses côtés, il a surtout des politiciens véreux. Au contraire, le camp de César est rempli d’officiers d’une fidélité aveugle à leur chef. César s’est attaché ses lieutenants et ses hommes avec un art consommé. Il les appelle non pas « soldats » mais « compagnons ». Aussi, « quand il s’engagea dans la guerre civile, les centurions de chaque légion lui promirent d’équiper chacun un cavalier à leurs frais, et les soldats lui offrirent leurs services gratuitement, sans ravitaillement ni solde, les plus riches se chargeant d’entretenir les plus pauvres » (Suétone). César entre donc dans la guerre civile avec d’énormes atouts, mais une chose le gêne : le fait d’avoir à se mettre lui-même hors de la légalité. C’est ce qui doit arriver s’il franchit avec ses soldats le Rubicon, la rivière qui sépare sa province de l’Italie (péninsulaire), territoire sur lequel il ne lui a pas été confié de commandement. Il hésite jusqu’au dernier instant et en débat avec les siens. Un incident précipite les choses : des soldats suivent un pâtre qui jouait du chalumeau jusqu’au-delà du pont. César... suit. Le sort en est jeté (nuit du 11 au 12 janv. 49 = 16-17 déc. 50 du calendrier julien).


La guerre civile

La guerre se déroulera, de 49 à 45, à travers tout le monde romain. Pompée se fait illusion sur ses forces : il doit lui suffire de frapper du pied le sol de l’Italie pour en faire jaillir des légions, et tout le monde est persuadé de la faiblesse de César. Celui-ci s’est préparé avec discrétion. Puis, une fois le Rubicon franchi, il fonce : cinq jours plus tard, Pompée et ses partisans quittent Rome en proie à la panique. Ils cherchent à barrer le sud de la péninsule. César a tenté de tourner Rome par l’est : il a parcouru les régions du versant adriatique. L. Domitius Ahenobarbus, qui n’a pas suivi la consigne de repli, l’attend à Corfinium : il est débordé par le nombre des césariens, qui s’étaient regroupés en quelques jours, et capitule (21 févr.). César se montre clément et entraîne avec lui ses soldats. Pompée se replie sur Brindes. César arrive à son tour, mais ne parvient pas à l’empêcher d’embarquer, discrètement, de nuit. Il revient donc sur Rome, où il ne trouve qu’un sénat réduit : les partisans de Pompée sont partis avec lui. Il se tourne alors vers les pompéiens d’Espagne, mais il se heurte en route aux Marseillais, qui, peu satisfaits des conséquences économiques de la guerre des Gaules, se sont rangés parmi ses adversaires : il les assiège en mai 49, et ceux-ci capitulent en octobre. En Espagne, la forteresse d’Ilerda (Lérida), où les pompéiens sont installés, capitule en août. César revient à Rome, s’y fait donner la dictature, puis le consulat pour 48 et s’y convainc de plus en plus de la légitimité de sa position face aux sénateurs exilés avec Pompée. Avant de reprendre la poursuite de ses adversaires, il prend la précaution, d’une part, de faire désigner des arbitres pour la réévaluation des dettes, de manière à éviter l’effondrement du crédit, et, d’autre part, d’amnistier ceux qui avaient été condamnés pour brigue par une loi de Pompée. Alors, en 48, il peut passer en Epire et en Thessalie, où, dans des conditions souvent difficiles, puisqu’il est un moment le poursuivi et Pompée le poursuivant, il parvient à Pharsale (9 août 48), y bat les pompéiens, puis gagne Alexandrie (2 oct.), où les ministres du roi lui font remettre la tête de son adversaire, qu’ils ont fait décapiter. Rien n’est encore terminé, car il reste des pompéiens un peu partout. Dans l’immédiat, César est arrivé en Égypte au milieu d’une crise politique. Il s’érige en arbitre entre les deux souverains en désaccord, Ptolémée XIV et Cléopâtre VII. Il semble bien ne pas se laisser tellement séduire par celle-ci, bien qu’il se décide en sa faveur. Les partisans de Ptolémée provoquent alors contre lui une insurrection dans Alexandrie. Il rétablit la situation grâce à Mithridate, roi de Pergame, venu à son aide (bataille du Nil et prise d’Alexandrie, 27 mars 47). Il visite alors l’Égypte en remontant le Nil sur un bateau en compagnie de Cléopâtre.