Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Afrique noire (suite)

Le forgeron exerce partout en Afrique un certain pouvoir technocratique. Redouté mais pas toujours honoré, objet de respect et de crainte parce qu’il détient les clés de la vie économique et parfois politique, le forgeron s’inscrit dans les mythes comme un héros culturel. Son rôle social n’est jamais celui d’un simple citoyen. Sous sa direction, le fer est extrait du minerai par la fonte à basse température dans des fours, petites tours en argile ou trous dans la terre. Pour obtenir la chaleur nécessaire à la métallurgie, le forgeron emploie l’un des trois types de soufflet connus : le soufflet-tambour, le soufflet-sac ou le soufflet-piston. Le marteau, l’enclume et les pinces constituent l’outillage principal de la forge traditionnelle. Le procédé de la trempe à l’eau est employé. L’achèvement de l’objet se fait surtout par ciselure à froid, polissage et tréfilage. On s’adresse au forgeron pour obtenir non seulement des objets à destination strictement instrumentale — outils agricoles, armes de guerre et couteaux —, mais aussi pour des objets de culte, de prestige et de décoration. Ces objets peuvent être de fer ou de bois. Les tiges rituelles des Dogons et des Bambaras du Mali, d’ordinaire façonnées en partant d’une seule pièce de fer, prennent leur forme sur l’enclume. Au musée de l’Homme, à Paris, on peut voir la grande statue de Gou, dieu de la Guerre et patron des forgerons, qui provient du Dahomey et date de la seconde moitié du xixe s. ; cette statue est composée de barres de fer, de boulons, de rails et de chaînes venus d’Europe et remaniés à la forge africaine. Moins connues sont les statuettes en fer des Koubas (ou Bakoubas) du Congo-Kinshasa.

Une technique métallurgique particulière, la fonte à cire perdue, est souvent employée pour exécuter des œuvres en bronze, en or, en argent ou en cuivre. Les poids à peser l’or et les kuduos (récipients à usage religieux) des Achantis du Ghāna, les pendentifs en bronze des Sénoufos de la Côte-d’Ivoire relèvent de ce procédé. Pour créer des objets de petites dimensions ou des bas-reliefs, on modèle la forme entière en cire ; les œuvres plus grandes reçoivent préalablement une âme de glaise. Après avoir ajusté un prolongement qui servira de conduit à la cire fondue et au métal en fusion, on recouvre la cire d’une mince couche d’argile fine, en prenant soin d’épouser tous les détails de la sculpture. À cette couche, on en ajoute une seconde, plus épaisse. Le moule chauffé, la cire s’échappe pour laisser la place au métal versé dans le conduit. Lorsque le métal est refroidi, on brise le moule. L’objet reçoit alors quelques retouches. Les célèbres statues, têtes et plaques du Bénin ont été ainsi faites. Les Baoulés de la Côte-d’Ivoire sont parmi ceux qui emploient cette technique pour faire des petits masques et des bijoux en or ou en bronze.

Les outils dont dispose l’artiste pour tailler le bois sont surtout l’herminette et le couteau à double tranchant. Lors du choix de son matériau, le sculpteur soumet le bois à une analyse qualitative, car l’aspect, la dureté, l’emplacement des nœuds et des failles et la durabilité du bois conditionneront son travail. En regardant mainte sculpture africaine, on peut discerner la forme cylindrique du tronc d’arbre d’où l’artiste a tiré son œuvre. Si, en fonction de la destination de cette œuvre, une certaine essence du bois ou même un certain arbre doit être employé, c’est que le matériau participe à l’œuvre au même titre que la forme. Ainsi, certaines statues des Dogons du Mali nous révèlent des formes, harmonieusement articulées sur les contours et le grain du bois, qui ne s’affirment plastiquement qu’en fonction des qualités de ce matériau. Avant d’abattre l’arbre qui fournira la branche ou le bloc du bois désiré, le sculpteur est souvent tenu à des précautions rituelles. On distingue quatre étapes du travail : équarrissage du bloc originel, aménagement des formes principales ou dégrossissage, traitement des détails et finissage. Des préparations à base d’huile végétale donnent à l’œuvre une patine artificielle ; des feuilles rêches servent à la polir, le kaolin, le charbon de bois et l’ocre rouge ou jaune à la peindre si besoin est. Outre statues et masques, le sculpteur façonne divers ustensiles et meubles. Les sièges des Tchokwés de l’Angola, faits par assemblage de pièces de bois selon l’exemple européen, font exception en Afrique où l’on taille d’ordinaire le siège d’un seul bloc du bois.

À l’heure actuelle, on découvre que la sculpture en ivoire et surtout en pierre a été quelque peu négligée par les experts européens. Les statuettes et les petits masques en ivoire des Légas du Congo-Kinshasa et les sculptures en pierre de la Guinée, du Nigeria et du pays congolais n’en seraient que les exemples les mieux connus.

À très peu d’exceptions près, la construction africaine n’a qu’une vie éphémère. Les matériaux employés, terre argileuse ou matières végétales, ne résistent pas longtemps aux variations extrêmes du climat africain. Les techniques architecturales, s’adaptant à cette situation, relèvent surtout de la poterie ou de la vannerie et témoignent d’un esprit d’invention rarement égalé. Avec Paul Mercier, nous pouvons distinguer quatre types de construction : les cases en « ruche » des civilisations pastorales ; les cases carrées ou rectangulaires à toiture en pignon, qui prédominent dans les zones humides ; les cases rondes à toiture conique des pays de la savane ; enfin, les cases carrées ou rondes à toit plat des régions soudanaises sèches. À ce classement sommaire, il faudrait ajouter les cas spéciaux : l’architecture royale, qu’il s’agisse des palais des rois d’Abomey ou des chefs bamilékés du Cameroun ; les architectures militaires (fossés, poteaux, remparts et tours) ; l’architecture religieuse (lieux de culte et autels). Aux moyens proprement architecturaux s’ajoute souvent la sculpture des portes et des serrures, dont les Dogons fournissent de bons exemples. On trouve également des plaques en bronze, des bas-reliefs en argile et des tissus à décor appliqué. Insuffisamment mentionnée dans la littérature, la peinture murale, qui dépasse souvent le tableau pour devenir décor pur, est pratiquée en maintes régions de l’Afrique. Dans les villages autour de Pretoria, les femmes ndebele exécutent des larges dessins géométriques sur les murs d’enceinte et les murs de maisons à l’aide de peinture blanche, noire, ocre rouge et ocre jaune, ainsi qu’avec diverses terres, dont une verte et une gris-bleu.