Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Afrique noire (suite)

La distinction de sexe constitue le seul critère de répartition des types de production plastique. Seuls les hommes travaillent le fer, le bois, la moelle de bambou et le coton, tandis que les femmes se limitent à la fabrication des réceptacles en vannerie. Ainsi faut-il, sauf exception, attribuer aux hommes la création des différents accessoires de danse employés par les Mambilas : les trompes qui appellent le peuple à la danse, les costumes en rafia, les sommets de coiffure et les masques-heaumes. Ce sont eux aussi qui créent les statuettes en bois ou en moelle de bambou qui se rangent sur les murs extérieurs du grenier. Les Mambilas ne connaissent pas la spécialisation du travail à long terme au niveau de l’individu. Le style mambila, très caractérisé malgré une infinité de variations, s’enracine dans une expérience esthétique partagée par toute la communauté.

C’est à l’époque des fiançailles que chaque jeune homme mambila désirant se marier est tenu de faire la preuve de son habileté et de son goût. D’abord, pour attirer l’attention de la jeune fille qu’il aime, le prétendant, employant l’herbe séchée qui se trouve aux bords des sentiers où se promène celle-ci, sculpte des figures humaines, souvent de grandeur nature. Ces sculptures, leur mission accomplie, seront abandonnées aux feux qui annoncent les prochaines semailles. Pour la deuxième épreuve, le prétendant choisit un aide plus âgé que lui ; sur sa tête, lui servant de matériau, il déploie tout son savoir dans l’art de la coiffure : il découpe, peigne et tresse les cheveux ; il les modèle jusqu’à ce qu’une véritable sculpture prenne forme. Ayant enduit son œuvre d’huile de palme, il fait apparaître de petites boules blanches semblables à des perles en passant sur la coiffure une torche enflammée. La coiffure doit être « agréée » par la jeune fille. Pendant la troisième et dernière épreuve, le prétendant s’adresse à sa future belle-mère. Toujours aidé par son compagnon, qui assure, cette fois, la moitié du travail, il choisit deux planches de bois, mesurant souvent 2 m de hauteur. Sur ces bois seront peints des motifs, figuratifs ou géométriques, en rouge, blanc et noir. Si la future belle-mère les accepte après une critique, les planches seront disposées dans sa case. Plus tard, lorsqu’elle s’ennuiera de l’absence de sa fille, elle les brûlera pour « réchauffer son cœur ».


Techniques et matériaux

Les méthodes de travail adoptées par les artistes africains dépendent largement de la destination de leur œuvre et de la contrainte des matériaux. Les Peuls nomades qui parcourent la savane au sud du Sahara, ne voulant pas s’encombrer, ne font ni sculpture ni poterie. Leur sentiment esthétique s’exprime par des moyens adaptés à leur mode de vie : à la discipline harmonieuse du corps et à la parure s’ajoute l’emprunt à d’autre peuples de techniques de décoration des objets familiers.

Chaque matériau, choisi en fonction de ses qualités et, éventuellement, du sens que la communauté lui attribue, pose à l’artiste africain des problèmes d’agencement qui déterminent et limitent les possibilités de l’œuvre. Souvent, plusieurs matériaux et méthodes sont coordonnés dans la création d’un seul objet. La production d’un masque chez les Tchokwés de l’Angola associe étroitement une technique de la vannerie, par laquelle on construit l’armature, aux méthodes servant à préparer et à appliquer une écorce battue. L’emploi de la résine, le collage de morceaux de tissus colorés et la peinture terminent l’œuvre.

Aux techniques qui embellissent le corps en le modifiant par tatouages, scarifications, élongation du crâne ou limage des dents, il faudrait ajouter celle de la peinture corporelle. Les couleurs employées, d’ordinaire le rouge, le blanc, le noir et le jaune, sont obtenues par pulvérisation de matières végétales ou minérales, mélangées avec de l’eau ou de l’huile. Tandis que le corps est recouvert de traînées ou de taches de poudre, ce sont des motifs qui vont de la géométrie la plus rigoureuse aux formes semblables à celles des masques qui se dessinent sur le visage. Chaque couleur comporte un sens. Ainsi le blanc, couleur des morts-revenants, employé seul, marque chez son porteur le deuil et l’affliction.

Outre la coiffure, les arts de la parure mettent en œuvre une variété étonnante de techniques. Le tissage du coton et sa décoration par impression, peinture ou broderie fournissent des vêtements aussi élégants que pratiques. Pendentifs, bracelets, bagues, boucles et anneaux d’oreilles, anneaux de bras, jambières et chevillères en or, en argent et en bronze témoignent du haut degré atteint par les techniques de l’orfèvrerie et de la fonte. Perles de pierre, de corail ou de verre, cauris, bois, vannerie et plumes servent à façonner colliers, ceintures, peignes et décorations de coiffure. Les peaux d’animaux et la vannerie fournissent les pagnes, les tabliers et toutes sortes d’accessoires vestimentaires.

L’emploi du fruit du calebassier pour faire les cuillers, les spatules, les gobelets, les bouteilles et autres récipients est très généralisé. Lorsque le fruit est mûr, on le laisse pourrir dans l’eau. Coupée selon la forme voulue, la calebasse sera vidée, puis mise au soleil pour durcir. La surface ainsi obtenue, d’une couleur jaune soutenu, peut recevoir des teintes supplémentaires et se prête aisément au dessin, à la gravure et à la pyrogravure. De bons exemples de calebasse gravée se trouvent chez les Baribas et les Fons du Dahomey. On utilise d’autres matières végétales, lianes, écorces, bambous et tiges, pour façonner de nombreux ustensiles en vannerie.

Qu’ils soient mis en œuvre pour faire des jarres, des cruches, des vases, des lampes ou bien des figurines et des poteries rituelles, les principaux procédés manuels employés en poterie ne varient que rarement. Habituellement, la préparation du fond constitue la première étape du travail, mais on signale en Rhodésie un cas où la base est fermée en dernier. Deux méthodes de montage prédominent : l’étirement de la glaise, avec ou sans l’aide d’un moule, et le creusement progressif d’une boule de terre. La construction par colombins est également attestée. Pendant les manipulations du montage, l’argile reçoit sa forme définitive et la plupart de ses aspects décoratifs ; des formes anthropomorphes et zoomorphes, toujours harmonieusement articulées en fonction de la destination pratique de l’objet, sont souvent employées. Les cruches en terre cuite noircie par la fumée prennent, chez les Mangbétous du Congo-Kinshasa, la forme de la tête féminine. Une autre céramique figurative, celle des Agnis du pays ivoirien, est destinée aux rites funéraires. Techniques de relief, de polissage et de coloration, employées isolément ou combinées, se déploient dans la création de motifs géométriques et figuratifs ou pour rendre plus saillantes les diverses formes déjà obtenues par modelage. La cuisson, si elle a lieu, s’effectue à feu ouvert ou dans un four. Dans la plupart des sociétés, le travail de la poterie appartient aux femmes. Les enfants façonnent des poupées et des petits animaux en terre crue.