Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Castor (suite)

L’habitation

La hutte est la demeure du Castor. Elle abrite toute la famille. Elle est construite de façon à être entourée d’eau de toute part. Elle peut se trouver soit dans un petit îlot, soit au milieu de l’eau. Elle repose alors sur une fondation qui peut être une vieille souche d’arbre noyée sur laquelle les constructeurs prennent appui. Les animaux se procurent des matériaux dans la forêt la plus proche en abattant des arbres et en sectionnant les branches, qui sont transportées sur le chantier de construction. Ils plantent des branches dans le fond de l’étang ou du marécage choisi ; celles-ci sont enlacées solidement entre elles. Des rondins plus gros viennent renforcer ce soubassement, et, progressivement, l’édifice s’élève. Bientôt on voit apparaître un tumulus de branchages qui sont assemblés et réunis par de la vase, de la boue et de l’argile, ce qui constitue un véritable ciment.

Le sol de la hutte se trouve à peu près à 30 cm au-dessus du niveau moyen de l’eau, afin d’éviter les inondations. Les parois peuvent avoir une épaisseur de 60 cm et une hauteur moyenne de 1,50 à 2 m. Mais on a vu des huttes déjà très vieilles ayant jusqu’à 4 m de haut.

En principe, l’intérieur de la hutte comprend deux pièces — une antichambre, dans laquelle les Castors égouttent leur fourrure quand ils viennent de l’extérieur, et une grande chambre de repos — ainsi que des petits recoins, dans lesquels ils placent la nourriture en réserve. Le sol est tapissé de petits copeaux et de sciure de bois.

Les accès de la hutte sont très soigneusement construits. Ce sont des couloirs souterrains d’un diamètre de 30 à 45 cm, qui mènent vers l’eau, mais qui débouchent toujours au-dessous de son niveau. L’orifice en est toujours soigneusement dissimulé. Il y a au minimum deux couloirs d’accès, de façon à pouvoir, en cas d’incident sérieux — éboulement ou blocage d’une entrée par un prédateur —, prendre le large instantanément. Parfois, trois couloirs d’accès sont aménagés. Ceux-ci sont tenus toujours dans un état de viabilité irréprochable.

Extérieurement, la hutte se présente comme un tumulus fait de branchages. Au sommet se trouve une cheminée d’aération, ce qui est très important en hiver : quand le Castor sort par les grands froids, c’est surtout pour vérifier que la cheminée n’est pas obstruée.


Les terriers

En Europe, les Castors vivent dans des terriers. On pense qu’ils agissent ainsi parce qu’ils ont été pourchassés. Mais les biologistes russes, qui les ont bien observés, prétendent que cette façon de s’abriter tient uniquement à la consistance des berges des cours d’eau : si le sol est mou, marécageux ou à berges plates, les Castors font des huttes ; au contraire, si le sol est plus dur, ils font des terriers. Ces terriers sont faciles à déceler par la présence de branchages, en moindre quantité que ceux de la hutte. Ces branchages, appelés fagotières, sont destinés à masquer l’orifice des conduits d’aération.


Barrages et canaux

C’est pour les Castors une nécessité de savoir barrer les cours d’eau qu’ils fréquentent. Les barrages ont en effet pour objet de maintenir l’eau qui les environne à un niveau constant. Il faut que les orifices d’entrée dans les huttes ne soient pas à découvert. Ils doivent toujours être dissimulés. Il faut aussi que les canaux que les Castors ont construits pour amener par flottage les matériaux pesants, branches et rondins, aient de l’eau en permanence, puisque ces matériaux servent aussi de denrées alimentaires. On cite des barrages, trouvés au Canada à proximité de colonies de Castors, mesurant plusieurs centaines de mètres de longueur. Certains canaux ont par exemple de 500 à 600 m de long et sont assez profonds pour permettre d’y passer en canoë.


Alimentation

Les Castors mangent au printemps des écorces dont le cambium est gorgé de sève : érable à sucre, peuplier, bouleau, saule. Ils mettent les branches de ces arbres en réserve pour l’hiver en les enfouissant au fond de l’eau et à une profondeur suffisante pour qu’elles soient hors gel. À la belle saison, ils ajoutent à ce menu des baies et des fruits de plantes aquatiques. Des biologistes affirment que, dans certaines colonies du Michigan, les Castors seraient capables d’abattre un arbre tous les dix jours.

Le Castor n’hiberne pas. Il réduit seulement son activité pendant les grands froids ; il sort uniquement pour aller chercher sa nourriture au fond de l’eau ou pour surveiller le bon état d’entretien des couloirs d’accès de sa hutte et de sa cheminée d’aération.


Reproduction

Le rut survient à la fin de l’hiver, en février-mars. Le Castor est monogame et capable d’une grande fidélité. Pendant cette période de rut, il marque son territoire avec la sécrétion de ses glandes à castoréum. Cela a pour objet d’indiquer à ses congénères la limite de son champ d’activité. Les portées, après une gestation de cent vingt-huit jours, sont de un à six petits. La mère les allaite pendant trois mois environ, avec ses deux paires de mamelles pectorales, d’un lait qui titre près de 100 g de matière grasse par litre.

Vers l’âge de deux ans, les petits quittent les parents pour fonder une famille. Si le lieu est favorable, ils construisent une hutte, et c’est ainsi que, dans certaines régions, on rencontre des colonies. Tous les Castors d’une même colonie prennent part à la construction et à l’entretien des barrages et des canaux.


Protection et utilité

La longévité du Castor est de quarante à cinquante ans.

Cet animal a été pourchassé pour sa fourrure, qui est particulièrement précieuse et rare. On le protège fort heureusement dans tous les pays où on le trouve encore. L’influence bénéfique des Castors dans certaines régions a été reconnue par les biologistes américains. Quand ces animaux effectuent des dommages, ils sont capturés et transportés dans certaines régions pour participer à la lutte contre les inondations et contre l’érosion. Ils sont considérés en Amérique du Nord comme un facteur de régularisation de certains cours d’eau. D’autre part, on a reconnu qu’ils sont capables de fertiliser le sol. En construisant des barrages, ils permettent le dépôt d’alluvions rendant les terres plus riches pour le plus grand profit des animaux sauvages et domestiques.

Le Castor vit assez bien en captivité, mais son élevage est assez délicat.

P. B.