Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Carpates

Chaîne de montagnes de l’Europe centrale et orientale.


Les Carpates s’étendent sur plus de 1 500 km, du nord de Bratislava aux Portes de Fer (au sens strict du terme) ou au cap Emin, en Bulgarie, si on y inclut la Stara Planina (Balkan). La chaîne tourne une double convexité vers les plates-formes polonaise au nord, moldave et valaque à l’est, et enserre le bassin pannonien au nord et à l’est. Les Carpates présentent des traits de massifs anciens : horsts cristallins ou primaires dénivelés par des failles, soulevés et basculés ; surfaces d’aplanissement formées au cours de longues périodes de répit tectonique (Crétacé moyen et supérieur, Tertiaire moyen, Pliocène) ; formes de volcanisme tertiaire ; bassins effondrés remplis de dépôts néogènes tendres ; formes de couverture horizontale (causses karstiques dans les calcaires primaires et secondaires) ou inclinée et plissée (reliefs de type appalachien et jurassien). Les aspects alpins sont aussi présents : les longues chaînes formant l’arc en forme de S renversé ont été édifiées au cours de phases de paroxysme provoquant le plissement, le déversement et le charriage de masses énormes de sédiments d’origine géosynclinale. Une zone interne (versant du bassin pannonien), plus calme, s’oppose ainsi à une zone externe formée de plis et de nappes dans des dépôts du flysch et encore affectée de mouvements (les Carpates de la « courbure » en Roumanie). Les Carpates peuvent donc être considérées comme le prolongement des Alpes orientales.

La morphologie offre également des traits alpins : au-dessus de 2 000 m, la glaciation a découpé de beaux cirques au fond souvent occupé par des lacs ; elle a aussi creusé quelques vallées en auge barrées de moraines. Mais, en raison des altitudes beaucoup plus faibles que celles des Alpes (le point culminant, le pic de Gerlachovka, en Slovaquie, n’atteint pas 2 700 m), les formes d’érosion et d’accumulation glaciaires sont fort atténuées par rapport à celles des Alpes. Les Carpates ne portent plus de glaciers ni de grands névés. Dans l’ensemble, les traits de massifs anciens et les traits alpins se combinent en des proportions différentes selon l’importance relative, le nombre et la durée des phases de paroxysme tectonique et des phases d’aplanissement.

On a défini justement la chaîne par deux caractères : polygénie et discontinuité. Le réseau hydrographique de Slovaquie et de Transylvanie exprime parfaitement la complexité de la genèse du relief : traversant des bassins et empruntant des défilés, l’Olt est le type achevé de ce réseau.

Les Carpates jouent en Europe centrale un rôle capital dans le domaine des ressources et de la mise en valeur. Dominant des plaines aux affinités steppiques (Tisza, Valachie), une frange de collines, comme la fameuse Podgoria roumaine, porte des vignobles et des vergers. Au-dessus s’étend une belle forêt (chênes et hêtres jusqu’à 1 200 - 1 300 m, résineux au-delà), dont les massifs les plus reculés, peuplés de loups et d’ours, n’ont jamais été exploités. Elle fournit à des industries traditionnelles (scieries, jouets, tabletterie) et modernes (cellulose et papeterie) une excellente matière première. Au-dessus de 1 800 m s’étendent des pelouses pastorales, autrefois fréquentées par des peuples réfugiés comme les Valaques, aujourd’hui terrains de parcours d’été de transhumants conduisant les troupeaux de moutons des plaines vers les sommets de juin à septembre. La montagne fournit ses sites verdoyants et ses neiges : les stations de la vallée de Poprad en Slovaquie, de Poiana Braşov en Roumanie, de Zakopane en Pologne (centre international de sports d’hiver) sont les premières bases d’un équipement qui doit se développer. Les précipitations annuelles, de l’ordre d’un à deux mètres, font des Carpates un château d’eau dont le potentiel hydraulique (40 à 50 TWh) est loin d’être totalement exploité : les ouvrages de la vallée du Hron et du Váh en Slovaquie, l’équipement des vallées de la Bistriţa en Moldavie et de l’Argeş en Olténie n’en fournissent guère plus du quart. Comme les montagnes balkaniques, les Carpates renferment de nombreux minerais. L’or et l’argent s’épuisent ; le fer est présent en Slovaquie et en Transylvanie (4 à 5 Mt extraites annuellement) ; des charbons bruns sont extraits dans les bassins tertiaires du centre de la Transylvanie. Les minerais de métaux non ferreux sont des ressources plus considérables : le cuivre dans les Carpates roumaines du Sud ; le plomb et le zinc aux environs de Baia Mare, au nord de la Roumanie ; le manganèse dans le Maramureş ; le chrome près des Portes de Fer ; la bauxite dans le Bihor ; enfin, les réserves de gaz naturel du plateau transylvanien et d’hydrocarbures d’Olténie, de Valachie et de Moldavie comptent parmi les plus importantes de l’Europe.

Six États, tous d’économie socialiste, se partagent les Carpates. Pour la Pologne comme pour l’Ukraine, la montagne, formée ici de chaînons schisteux de flysch, ne constitue qu’une frange et une frontière. Les Beskides et la Ruthénie sont des pays de pasteurs et de bûcherons. En Hongrie, la Dorsale se rattache aux Carpates slovaques et roumaines par l’intermédiaire de massifs volcaniques. La Stara Planina bulgare, sèche, sans minerais, n’offre que de maigres ressources. Les deux États véritablement carpatiques sont la Tchécoslovaquie et la Roumanie. Dans le premier, la Slovaquie représente par excellence le pays des moyennes montagnes : Carpates Blanches et Petites Carpates, Hautes Tatras (ou Tatry) et Basses Tatras, séparées par une suite de bassins, ont été intensément industrialisées depuis un quart de siècle ; les populations montagnardes descendent dans les vallées industrielles et urbaines (Nitra, Váh, Hron) et vers la ville principale, Košice, foyer sidérurgique. Les deux tiers de la superficie de la Roumanie appartiennent aux Carpates. On y distingue : les Carpates occidentales, détachées de l’ensemble, formées de massifs anciens peu élevés (Bihor, monts Métallifères) ; les Carpates orientales, les plus larges et les plus arquées, présentant un flanc interne jalonné des grosses villes de contact des bassins transylvains comme Braşov, qui compte plus de 200 000 habitants, et un front externe découpé par de profondes vallées également industrialisées ; les Carpates méridionales, enfin, au potentiel hydraulique et minier mis en valeur (vallée du Jiu, vallées de l’Olténie, Portes de Fer).

A. B.

 V. Mihăilescu, les Carpates du Sud-Est (en roumain, large résumé en français) [Bucarest, 1963].