Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cantal. 15

Départ. de la Région Auvergne ; 5 779 km2 ; 166 549 hab. (Cantaliens ou Cantalous). Ch.-l. Aurillac. S.-préf. Mauriac, Saint-Flour.


Il correspond pour l’essentiel à l’ancienne Haute-Auvergne. L’élément principal du relief est le massif volcanique du Cantal, qui couvre 2 500 km2. Établi sur un socle déprimé, se relevant vers le nord-ouest et le sud-est et haché de failles, il comprend : à la base des trachytes miocènes, reposant tantôt sur le socle, tantôt sur des marnes oligocènes ; au-dessus, d’énormes masses de brèches andésitiques mio-pliocènes, et, couronnant le tout, des sommets d’andésite ou de phonolithe et les puissantes coulées de basalte pliocène qui couvrent presque toute la surface du massif. Les sommets (Plomb du Cantal, 1 858 m, puy Mary, 1 787 m, etc.) sont groupés dans la zone centrale et issus de multiples cheminées ou de rebords de coulées. Les coulées ont été découpées en planèzes par un réseau de rivières rayonnantes : réseaux de la Rhue au nord-ouest, de la Maronne à l’ouest, de la Cère et de la Truyère au sud, de l’Alagnon à l’est. Les cours supérieurs de certaines sont de belles auges glaciaires (Impradine). D’autres ensembles volcaniques importants se rencontrent aussi : coulées basaltiques mio-pliocènes de l’Aubrac dans le sud-est du département, ou basaltes pliocènes du Cézallier dans le nord-est. Ils forment de hauts plateaux (1 000 à 1 400 m) surmontés de lourdes bosses et plus ou moins marqués par l’action des glaciers quaternaires. En dehors du bassin d’Aurillac, où se sont conservées les marnes oligocènes, le reste du territoire est formé par le socle. Des gorges très profondes l’entaillent, surtout à l’ouest (Rhue, Auze, Maronne, Cère) et au sud-est (Goul, Truyère). L’Artense (au nord-ouest) est remarquable par ses belles formes glaciaires, tandis qu’à l’est la Margeride forme un plateau très massif dépassant 1 400 m. Au sud, dans la Châtaigneraie, lacérée en serres par les affluents du Lot, le socle est beaucoup plus bas (500-700 m en moyenne, 280 m dans le petit bassin de Maurs, où se conservent des placages d’argile tertiaire).

Dans l’ensemble humide et sévère, le climat présente des nuances sensibles : à l’ouest, il est nébuleux et arrosé (900 à 1 200 mm sur les plateaux, mais jusqu’à 2 200 mm sur les hauts sommets), d’où les bosquets de hêtres et les landes de bruyères ; à l’est, plus ensoleillé et plus sec (les précipitations tombent à moins de 700 mm dans la vallée de l’Alagnon), les bois de pins dominent.

L’agriculture, principale ressource économique du Cantal, a toujours tenu compte de ces indications du climat : l’ancien système, céréalier (seigle), soignait la vigne et les châtaigniers dans le sud, donnait des fèves, des lentilles, du chanvre dans l’est, et l’ouest, où prédominaient déjà les herbages, avait davantage de troupeaux. Outre les mouvements locaux d’estive (il y a longtemps que les éleveurs aurillacois possèdent des pâturages d’altitude), les transhumants du Quercy, du Rouergue, voire du Languedoc utilisaient les herbages cantaliens. Actuellement, la spécialisation du bétail s’est accentuée ; sauf en Châtaigneraie, les prés couvrent plus de la moitié du sol (mais plus des deux tiers à l’ouest et plus des trois quarts sur les hauteurs cantaliennes), et le département compte plus de 300 000 bovins. Pour la grande majorité, ils sont de la race de Salers (race fournissant à la fois lait et viande). À l’est, la race d’Aubrac (bouchère) subsiste. Le Cantal est un gros producteur de fromage (traditionnellement, fourme ; maintenant aussi, cheddar). Les labours, relativement importants sur la planèze de Saint-Flour et en Châtaigneraie, sont en grande partie consacrés aux fourrages. À l’est, le troupeau ovin reste notable. Les exploitations moyennes (40 à 50 ha) capables de s’équiper sont nombreuses, mais l’abandon menace (isolement) : déjà, bien des estives sont délaissées ou reboisées.

L’industrie fait défaut, malgré une production de 1 TWh d’électricité hydraulique (barrage de Saint-Étienne-Cantalès) ; 70 p. 100 de la population reste rurale. Les Cantaliens, qui émigraient autrefois vers l’Espagne et l’Aquitaine, partent vers Paris et Clermont-Ferrand. Les petites villes stagnent : Mauriac (s.-préf., marché, 4 569 hab.), Saint-Flour (8 776 hab., commerce, évêché), Murat (3 005 hab.), Riom-ès-Montagne (3 920 hab.). Le tourisme populaire d’été, important et diffus, les sports d’hiver (Super-Lioran) fournissent peu d’emplois. Seule Aurillac (33 355 hab., près de 40 000 hab. dans l’agglomération) est en forte expansion, plus comme centre de services et de commerce que comme ville industrielle (parapluies, laiterie). Elle a autant de liens avec Toulouse qu’avec Clermont : d’ailleurs, le parler d’oc de l’arrondissement d’Aurillac, languedocien alors qu’il est auvergnat au nord du Lioran, rappelle que c’est un phénomène de toutes les époques historiques.

P. B.

➙ Auvergne.

cantate

Terme appliqué à l’origine à toute pièce lyrique qui se chante, et qui en vint à désigner, au xviie s., une composition musicale d’inspiration profane ou religieuse, écrite pour une ou plusieurs voix avec accompagnement, et destinée à la chambre, au concert et à l’église.


Comme son pendant instrumental, la sonate, apparue vers la même époque, la cantate ne constitua pas d’abord un genre bien défini. Issue du madrigal de la Renaissance, elle naquit en Italie parallèlement à l’opéra, auquel elle emprunta ses éléments morphologiques. Elle fut d’abord essentiellement monodique, c’est-à-dire exécutée à la façon des madrigaux de Giulio Caccini et de certains madrigaux de Monteverdi (5e livre, 1605) par une seule voix accompagnée de la basse continue. En ce sens, aria et cantata furent d’abord presque synonymes. Il semble qu’Alessandro Grandi fut le premier à les distinguer l’une de l’autre. Dans ses Cantade et arie a voce sola (Venise, 1620), les cantates sont des variations strophiques comportant parfois jusqu’à neuf reprises plus ou moins libres de la même basse, sur laquelle se déploie une mélodie qui change pour chaque strophe. L’appellation de Grandi fut bientôt adoptée dans les recueils de Francesco Turini (1624), Giovanni Rovetta (1629) et Giovanni Felice Sances (1633-1636), non sans signification, car on y trouve, outre les variations strophiques, des ritournelles instrumentales séparant les divers exposés de la basse et qui annonçaient la future cantate de chambre. On peut néanmoins découvrir dans les derniers livres de madrigaux (VI, 1614 ; VII, 1619 ; VIII, Madrigali guerrieri et amorosi, 1638) de Monteverdi une semblable évolution. Le madrigal Tempro la cetra (livr. VII) est une quadruple variation strophique avec une ritournelle instrumentale au début, à la fin et entre les reprises de la basse. D’autre part, Monteverdi pressentit aussi sinon l’esprit, du moins la structure poétique et musicale de la cantate. Dans Il Combattimento di Tancredi e Clorinda (Madrigali guerrieri et amorosi, 1638), qui date de 1624, on sent le besoin de dramatiser, sous l’influence de l’opéra, les formes de la musique de concert : dans le style récitatif, un récitant narre la légende, et les deux personnages prennent tour à tour la parole. À partir de 1635, la cantate à une ou plusieurs voix, de caractère narratif, se développa dans les milieux littéraires et musicaux de Rome. Du point de vue poétique, elle devint une scena di camera qui relatait une brève histoire pastorale ou dramatique chantée sans action, et permettait ainsi au musicien d’équilibrer en toute liberté sa composition. Du point de vue musical, elle se fonda sur l’alternance de récitatifs et d’airs strophiques de caractère essentiellement lyrique. Le principe de la variation continua d’être appliqué par les compositeurs romains Luigi Rossi (v. 1598 - 1653), Giacomo Carissimi (1605-1674) et leurs émules Domenico Mazzochi, Francesco Manelli, Benedetto Ferrari et Carlo Caproli, tous artisans du bel canto. L. Rossi porta le genre à son ultime perfection. Avec lui, la cantate devint plus expansive dans sa forme comme dans son expression. Elle fut tantôt simple air (aria cantata), tantôt à refrain — la partie médiane de l’air se modifiant tandis que le début servait de refrain et esquissait ainsi le futur da capo —, tantôt rondo-cantata, où les différentes parties (récitatif, arioso) étaient cimentées par une courte aria répétée à la façon d’un rondo. La division formelle entre récitatif et air devint plus nette, car elle était en général soulignée maintenant par des ritournelles instrumentales jouées par le continuo, et aussi parfois par un ou deux violons. La cantate Arione, par exemple, de L. Rossi, associe le style récitatif et l’air mesuré. Elle a quatre parties : un récitatif (Arion, le musicien, croit arriver au port de Corinthe), un air avec refrain, un récitatif (Arion est précipité à la mer par les matelots qui veulent s’emparer de ses richesses, mais sauvé par un dauphin) et un air gai. La musique est sensuelle, passionnée, exubérante ; elle traduit avec un étonnant mélange de réalisme et d’idéalisme les divers sentiments. Comme la peinture et la sculpture du temps, Rossi traduit ce besoin de renouveler et d’extérioriser les formes par le jeu des lignes, des rythmes et de l’harmonie. En dépit de paroles souvent médiocres — ce sera la faiblesse du genre —, il exploite l’anecdote avec la même ingéniosité et le même panache qu’un Bernin, par exemple, dans son groupe sainte Thérèse. Dans l’évolution de la cantate profane et sacrée, Carissimi joua un rôle moins important que dans l’oratorio. Cependant, dans ses rondos-cantates, ses variations strophiques avec basse obstinée et ses duos de chambre en contrepoint concertant, il fit preuve d’un infaillible métier. Maître dans l’art de la construction tonale, de l’ordonnance des modulations, il contribua surtout à donner à la cantate un style clair, logique et élégant. Les compositeurs de la génération suivante, Giovanni Battista Mazzaferrata, Mario Savioni, Francesco Antonio Tenaglia, Atto Melani, Giovanni Legrenzi, Pietro Antonio Cesti et Alessandro Stradella, modifièrent peu la forme de la cantate. Chez Cesti et Stradella, récitatifs et airs forment encore un bloc sans séparations nettes ; les changements de mouvement et de rythme sont seuls indiqués. C’est seulement avec Giovanni Battista Bassani (1657 ou 1658-1716), Giovanni Battista Bononcini (1670-1747) et surtout Alessandro Scarlatti (1660-1725) qu’apparut le type de la cantate classique. Celle-ci comprend des airs et des récitatifs nettement séparés (deux récitatifs et un air, trois récitatifs et deux airs, etc.) et des ritournelles. L’air avec da capo y prend toute l’importance, au détriment du récitatif (recitativo secco). Elle est accompagnée par le continuo. Dans les ritournelles interviennent souvent les violons et parfois des instruments à vent. Au début du xviiie s., la cantate à voix seule (et ses dérivés, sérénade, duo ou trio de chambre) donna toute l’importance à la musique. En l’absence de scène, elle abandonna complètement la conception des Florentins et devint une pièce lyrique d’une souplesse extrême où la beauté plastique et la virtuosité l’emportèrent sur la vérité dramatique. Écrite pour des connaisseurs, elle fut avant tout une musique de musiciens, dans laquelle le compositeur pouvait se livrer à toutes sortes d’expériences harmoniques. Par l’intermédiaire d’A. Scarlatti, auteur de plus de six cents cantates, de G. B. Bononcini et de musiciens allemands comme Johann Adolf Hasse et G. F. Händel, elle se propagea dans toute l’Europe. Elle envahit aussi l’opéra au point de lui imposer ses formules. La musique prenait sa revanche sur la poésie.