Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cantacuzènes

Famille de l’aristocratie byzantine.



L’avènement

Sans doute originaire d’Asie Mineure, cette famille fait son entrée dans l’histoire byzantine à la fin du xie s., où l’on trouve un Cantacuzène défendant les frontières danubiennes de l’Empire ; elle y occupera dès lors une place de premier plan durant quatre siècles, assurant la continuité du pouvoir en fournissant l’ossature de l’armée et de la haute administration. Appartenant d’abord à l’aristocratie militaire, elle connaît une ascension rapide au xiie s. et agrandit son domaine foncier en Thrace et en Macédoine ; au siècle suivant, elle s’allie aux familles impériales des Comnènes, des Anges et des Paléologues. Au milieu du xive s., Jean Cantacuzène, le plus illustre représentant de la famille, usurpe pour quelques années le trône de Byzance, mais il ne réussit pas à s’y maintenir et à y installer son fils Mathieu. La famille garde cependant sa place dans la haute aristocratie. Elle fournit trois impératrices au siège de Trébizonde : Théodora, femme d’Alexis III (1349-1390) ; Théodora, femme d’Alexis IV (1417-1429), dont la fille Marie épousera l’empereur Jean VIII Paléologue (1425-1448) ; Hélène, femme du dernier empereur de Trébizonde, David II Comnène (1458-1461). Le dernier généralissime des armées byzantines devant les Turcs fut Andronic Cantacuzène, qui, capturé par ses ennemis à la chute de la capitale (mai 1453), fut exécuté par eux. Au xvie s., on trouve un Michel Cantacuzène, personnage important, à la cour du sultan Selim II de Constantinople. La famille dut alors se disperser et s’établir à l’étranger, en Russie et en Roumanie notamment. Dans les principautés roumaines, elle sera représentée surtout par Serban, prince de Valachie de 1678 à 1688, et son frère, historien et géographe éminent, Constantin (v. 1650-1716).


Jean VI Cantacuzène

(Constantinople v. 1296 - Mistra 1383), empereur d’Orient (1341/1347-1354).

Il est élevé à la Cour et y connaît le jeune Andronic Paléologue, né vers 1296, petit-fils et héritier d’Andronic II. Il en devient l’ami et le soutient lorsqu’il est déshérité par son grand-père, en octobre 1320, et durant la guerre civile qui s’ensuit et qui ne se termine qu’en mai 1328 avec l’entrée du jeune empereur à Constantinople. Jean Cantacuzène est alors grand domestique, c’est-à-dire chef des armées ; sous le règne d’Andronic III (1328-1341), il est le second personnage de l’Empire, le Premier ministre ; il est possible que, comme il le prétend, Andronic III ait voulu l’associer à l’Empire, selon l’habitude de Byzance. À la mort prématurée de l’empereur s’engage une lutte âpre pour la régence, qu’ambitionne, outre Cantacuzène, le patriarche Jean Calécas (1334-1347), aidé du grand amiral Apokaukos. Le patriarche, dès 1341, met à profit l’absence du grand domestique pour s’imposer à la veuve d’Andronic III, l’impératrice Anne de Savoie, et au jeune héritier du trône, Jean Paléologue, âgé de neuf ans. Jean Cantacuzène riposte en se faisant proclamer empereur par l’armée à Didymotique de Thrace le 26 octobre 1341, tout en reconnaissant la préséance à Anne de Savoie et à son fils, que Jean Calécas sacre empereur le 19 novembre de la même année. Survient alors une longue guerre civile de six ans, qui ne prend fin qu’avec l’entrée de l’empereur usurpateur dans Constantinople, le 3 février 1347. Anne de Savoie doit se plier aux conditions du vainqueur, qui promet d’ailleurs de faire droit à la dynastie impériale et qui scelle l’accord par le mariage de sa fille Hélène avec le jeune empereur. Jean Cantacuzène est couronné à Constantinople le 13 mai 1347, après l’avoir été une première fois dans l’illégalité le 21 mai 1346 à Andrinople par le patriarche Lazare de Jérusalem. Il met aux postes de commande ses partisans, et quelques années de paix suivent, troublées cependant par les luttes religieuses à propos de la doctrine de Grégoire Palamas (v. 1296-1359), métropolite de Thessalonique, qui défend une conception théologique des « énergies » divines et une méthode particulière de contemplation monastique ; cette doctrine divise le clergé, les moines et toute la population de 1338 à 1351. Mais, dès 1351, la lutte reprend entre Cantacuzène et Jean Paléologue, qui se plaint d’être tenu à l’écart des affaires au profit du fils aîné de Cantacuzène, Mathieu ; celui-ci, sans avoir le titre de coempereur, possède un gouvernement indépendant en Thrace, et les cantacuzéniens en font ouvertement leur dauphin à la succession de son père. La guerre s’engage en 1352 ; Cantacuzène prend le parti de son fils contre son gendre, qui doit s’exiler à l’île de Ténédos, tandis que Mathieu est proclamé empereur. Mais Jean Paléologue jouit de la sympathie de la population, lassée d’un maître qui favorise l’aristocratie et introduit les Turcs à sa cour, et d’un parti puissant qui appuie la légitimité, à quoi il doit de pouvoir rentrer à Constantinople en novembre 1354. Le pouvoir de Cantacuzène vacille, et, s’il peut se maintenir quelques jours encore, il doit cependant abdiquer à la fin du mois de novembre pour se faire moine le lendemain et entrer au monastère Saint-Georges des Manganes, tandis que sa femme entre elle aussi au cloître.

Cantacuzène devait vivre encore trente ans sous l’habit monastique et continuer à jouer un rôle de premier ordre, en accord désormais avec son gendre. Cette retraite fut également employée à la rédaction des quatre livres de son Histoire, qui couvrent la période de son activité politique (1320-1356), ainsi que d’œuvres morales et théologiques.


Mathieu Cantacuzène

(V. 1325 - 1391), coempereur d’Orient (1353-1357).

Fils aîné de Jean Cantacuzène, il ne semble avoir été que l’ombre de son père et le candidat des cantacuzéniens au trône impérial. Après l’entrée de Jean Cantacuzène à Constantinople en 1347, Mathieu obtient le gouvernement en Thrace d’un territoire indépendant du pouvoir central. En 1352, Jean V Paléologue, qui se juge lésé dans ses droits, entreprend de reconquérir l’Empire à son compte et il commence en Thrace. Il s’y heurte à Mathieu ; grâce à la complicité des populations, il envahit le territoire de Mathieu et l’oblige à se réfugier dans la citadelle d’Andrinople. Celui-ci n’est délivré que par la venue immédiate de son père, avec lequel il participe à la reconquête de son territoire, rallié aux Paléologues. En avril 1353, les partisans de Jean Cantacuzène le convainquent de proclamer son fils empereur, et, l’année suivante, Mathieu est couronné par le patriarche. À l’abdication de Jean Cantacuzène, les accords stipulent que Mathieu gardera son autonomie dans la province de Thrace. Mais, au printemps suivant, Jean V entend réunifier son empire, et la guerre civile reprend, qui se terminera en décembre 1357 avec la renonciation définitive de Mathieu à son titre impérial. Celui-ci rejoint alors son frère Manuel dans le Péloponnèse et emploie ses dernières années à la rédaction d’écrits philosophiques et théologiques, souvent remarquables de densité.

A. F.

➙ Byzantin (Empire) / Roumanie.

 V. Parisot, Cantacuzène, homme d’État et historien (Joubert, 1845). / D. Nicol, The Byzantine Family of Kantakuzenos (Cantacuzenus) c. 1100-1460 (Washington, 1968). / G. Weiss, Johannes Kantakuzenos — Aristokrat, Staatsmann, Kaiser und Mönch — in der Gesellschaftsentwicklung von Byzanz im 14. Jahrhundert (Wiesbaden, 1969).