Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Afghānistān (suite)

Les Rhalzays et Nādir Chāh

La décadence moghole à la mort d’Awrangzīb (ou Aurangzeb) [1707] et l’affaiblissement des Séfévides d’Iran au temps de Chāh Ḥusayn (1694-1722) rendent leur liberté d’action aux remuantes tribus afghanes. En 1707, Mīr Ways, chef de la tribu Rhalzay (ou Ghalzay, ou Rhilzay) de Kandahar, se révolte contre Chāh Ḥusayn et se déclare indépendant. Après sa mort, son fils Maḥmūd chāh prend Kermān (1720) et Ispahan (1722), dépose le dernier séfévide et règne sur tout l’Iran. Mais c’est pour les Rhalzays une tâche d’autant plus au-dessus de leurs forces que leurs arrières sont mal assurés en Afghānistān et qu’ils doivent affronter, en Iran, le mouvement national de Nādir chāh. Achraf, successeur de Maḥmūd, est tué en 1729 ; Kandahar et Kaboul sont prises en 1738 par Nādir chāh, qui entre peu après en Inde (1739). Triomphe remarquable, mais éphémère ! Quand Nādir chāh tombe sous les coups d’un régicide, un de ses officiers afghans, Aḥmad khān (1747-1773), se proclame chāh à Kandahar.


Les Durrānīs

Les succès d’Aḥmad chāh, surnommé Durr-i Durrān (« la Perle des perles »), lui permettent de fonder la première dynastie afghane indépendante des Temps modernes, celle des Durranīs. Comme ses ancêtres, Aḥmad intervient à plusieurs reprises en Inde (1747, 1749, 1752). En 1761, il remporte une victoire décisive sur l’armée marathe. Son héritier Tīmūr chāh (1773-1793) recueille un empire vaste mais fragile, transplante sa capitale de Kandahar à Kaboul, laisse la paix à son peuple pendant vingt ans. À sa mort, ses fils et les féodaux se disputent le pouvoir. Dès 1800, Zamān chāh est renversé par son frère Maḥmūd, aveuglé et mis en prison. À Peshāwar, Chudjā‘al-Mulk se dresse contre Maḥmūd, prend Kaboul (1803) et délivre l’infirme. Suit une période confuse à l’issue de laquelle Chudjā‘ s’enfuit en Inde (1809). Maḥmūd remonte sur le trône. Chassé de nouveau par l’insurrection de Dūst Muḥammad (1818), il s’enferme dans Harāt, qu’il tient jusqu’à sa mort, en 1829.


La dynastie des Muḥammadzays

Dūst Muḥammad gouverne d’abord au nom de souverains fantoches, puis, en 1838, à Kaboul, il se fait proclamer émir, fondant la dynastie des Muḥammadzays, ou Bārakzays. Pour la première fois depuis longtemps, les Afghans ne vont plus consacrer tous leurs efforts à l’Inde. L’abandon du Cachemire, de Multān, de Peshāwar (prise par les Sikhs de Ranjit Singh, 1834) va, en fait, fortifier leur pays. Celui-ci en a grand besoin, étant alors pris, comme un État tampon, entre les impérialismes anglais et russe. La rivalité coloniale de Londres et de Moscou va avoir une grande influence sur les conditions de vie et la configuration de l’État afghan moderne. Pour les Britanniques, il s’agit de protéger la route des Indes. Dūst Muḥammad ayant fait des démarches auprès des Russes, la Compagnie des Indes envahit l’Afghānistān, chasse le légitime souverain à Bukhārā (Boukhara) avant de l’emmener captif à Calcutta, installe au pouvoir Chudjā‘ (1839). Les résultats de cette intervention sont une insurrection populaire, l’assassinat de Chudjā‘, le meurtre de sir Alexander Burnes, la destruction de l’armée d’occupation (1842). Revenus en force, les Anglais ne voient pas d’autre solution que de rétablir Dūst Muḥammad en le forçant à suivre une politique d’amitié avec eux (interrompue en 1849, lors de la révolte des Sikhs). Les Afghans y gagnent de pouvoir repousser une tentative d’invasion iranienne (1863). Le cinquième fils de Dūst Muḥammad, Chīr‘Alī, met cinq ans à affirmer son autorité (1863-1868). Tour à tour il se tourne vers les Russes et vers les Anglais pour obtenir des garanties (conférence d’Ambāla, 1869). Finalement l’arrivée d’un émissaire du tsar à Kaboul et la concentration de forces russes à Tachkent incitent les Anglais à entreprendre une deuxième guerre afghane (1878) ; Chīr‘Alī, en fuite, meurt en 1879 et c’est en vain que son fils Muḥammad Ya‘qūb (Ya‘qūb khān) traite avec les vainqueurs à Gandamak. Soulèvements, massacres retardent les négociations qui n’aboutissent qu’avec un neveu de Chīr‘Alī, ‘Abd al-Raḥmān (1880-1901), obligé d’accepter que les frontières soient fixées suivant la « ligne Durand » (1893).

Sous les règnes de Ḥabīb Allāh (1901-1919) et d’Amān Allāh (1919-1929), les efforts pour faire sortir l’Afghānistān de son isolement sont annihilés par la volonté déterminée de l’Angleterre de renforcer celui-ci. Seule la troisième guerre anglo-afghane, dite guerre d’indépendance (victoire de Nādir khān qui a pénétré en Inde), consacre la pleine reconnaissance de la souveraineté de l’Afghānistān (armistice de Rawalpindi, 8 août 1919, et traité de Kaboul, 22 nov. 1921).


L’Afghānistān contemporain

Amān Allāh peut dès lors songer à donner une structure moderne à son pays. Constitution (1922), code administratif (1923), premières mesures en faveur de l’éducation féminine (1924), abandon du titre d’émir pour celui de roi (1926), nouvelle Constitution (1928) et voyage du souverain en Europe marquent les étapes de ce renouveau. Réaction des conservateurs ou intrigue politique ? La révolution éclate et Amān Allāh est renversé. Un aventurier, Ḥabib Allāh khān, appelé aussi Bača-i Saqqā, exerce une dictature tyrannique pendant six mois. Il faut que le vainqueur des Anglais, Nādir khān, alors ministre à Paris, quitte brusquement son poste et, aux acclamations, abatte l’usurpateur. Il est proclamé roi (1929).

Nādir chāh, averti par l’expérience, reprend avec prudence mais fermeté les réformes. Il n’en est pas moins assassiné en 1933 par un exalté. Son fils Zāhir chāh lui succède. Né en 1914, il a été partiellement élevé en France et il est acquis aux idées nouvelles. Il fait adhérer son pays à la S. D. N. (1934), et si, en 1937, il signe avec la Turquie, l’Iran et l’Iraq le pacte de Sa‘dābād, il n’entend pas, pour autant, se laisser entraîner dans la guerre (neutralité entre 1939 et 1945).

La « partition » de l’Inde remet en cause la « ligne Durand » et pose le problème des Afghans qui vivent dans le nouvel État du Pākistān. On parle d’union entre les deux pays, de la création d’un Pachtūnistān indépendant. La crise devient aiguë. Le statu quo, auquel on s’en tient, ne donne pas toute satisfaction à Kaboul.

Sous la conduite de Ẓāhir chāh, l’Afghānistān, toujours neutre, a accepté l’aide de toutes les nations et en a profité pour développer son économie, encore essentiellement agricole. La scolarisation et l’émancipation des femmes (droit de se dévoiler, 1959) ont été à l’ordre du jour. Une nouvelle Constitution a été promulguée le 1er octobre 1964.

Mais, le roi n’ayant pas autorisé la formation de partis politiques, aucune majorité ne peut se dégager au Parlement, dont les membres, uniquement soucieux d’intérêts locaux ou tribaux, paralysent l’exécutif. Finalement, en juillet 1973, un coup d’État porte au pouvoir Sardār Muḥhammad Da‘ūd, et la république est proclamée.

J.-P. R.