Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Afghānistān (suite)

L’art de l’Afghānistān

Sur le plan artistique, l’Afghānistān s’est toujours affirmé comme un lieu de passage et de rendez-vous des influences, ainsi qu’il apparaît dès les niveaux les plus anciens de Mundigak (55 km au nord-ouest de Kandahar) avec une céramique décorée de motifs géométriques, étroitement apparentée à l’Iran du IVe millénaire avant notre ère. Le site connaît son apogée à la période IV, au IIIe millénaire, avec la construction d’un palais dont la façade comporte une colonnade en briques crues ; le matériel archéologique, notamment une céramique caractérisée par des vases en forme de verre ballon, décorés d’animaux ou de feuilles de pipal peints, présente de nombreuses affinités avec celui de sites iraniens comme Tepe Hissar ; à cela il faut ajouter une tête sculptée en ronde bosse dans un calcaire blanc, qui évoque quelque peu la statuaire de la civilisation de Harappā (Pendjab).


La période indo-grecque

Au lendemain de l’expédition d’Alexandre, l’Afghānistān subit partiellement la domination séleucide ; mais les colons grecs ne tardent pas à se rendre indépendants en formant des royaumes comme celui de la Bactriane. Le seul vestige artistique de ces rois grecs locaux était jusqu’à présent leur monnayage, mais la découverte du site d’Aï-Khanoum permet enfin de mieux connaître cette période. Cette ville, dont la fondation pourrait remonter sinon à Alexandre lui-même du moins au début du iiie s. avant notre ère, est en cours de dégagement ; elle possède une architecture dans le style hellénistique d’Asie Mineure des iiie et iie s. av. J.-C. Un pilier hermaïque surmonté d’un buste de vieillard, proche des sculptures hellénistiques du iiie s., apporte la preuve que la Bactriane grecque a connu l’art de la sculpture tout autant que celui de la gravure sur monnaie et que son rôle dans la formation de l’art gréco-bouddhique a dû être plus important qu’on ne l’avait souvent pensé. À la fin du iie s. av. J.-C., des envahisseurs scythes, les Sakas, déferlent sur les royaumes indo-grecs, mais ils empruntent à leurs prédécesseurs un monnayage de type grec. Les Parthes, qui contrôlent en grande partie l’Afghānistān dans la première moitié du ier s. av. J.-C., sont des philhellènes utilisant sur leurs monnaies la représentation du Zeus assis.


La période Kuṣāna

Avec l’arrivée de nouveaux envahisseurs venus d’Asie centrale, les Kuṣāna, l’Afghānistān est englobé dans un vaste empire qui s’étend des confins de la Russie jusqu’à Mathurā, en Inde. Le souverain Kaniṣka fonde à Surkh Kotal (près de Barhlān) un temple du feu qu’entoure un péristyle avec portique décoré de statues en pierre et en argile. Dans cet ensemble se mêlent les traditions artistiques de la Perse achéménide (le plan) et de la Grèce (le péristyle et le décor architectural) avec des éléments iraniens d’Asie centrale, présents surtout dans les statues, très proches des effigies de princes scythiques trouvées à Mat, près de Mathurā. La période kuṣāna, grâce à la paix entretenue en Occident par Rome et en Asie orientale par la Chine des Han, est celle du développement d’un florissant commerce à ce carrefour de routes qu’est l’Afghānistān ; ainsi à Begram, l’ancienne Kāpisī, a-t-on découvert un trésor réunissant des objets hellénistiques du type alexandrin du ier s. apr. J.-C., des laques chinois de l’époque Han et des pièces de mobilier en ivoire, décorés de scènes profanes dans le style indien de Mathurā (iie-iiie s. apr. J.-C.).


L’art gréco-bouddhique

À partir du iie s. apr. J.-C., l’Afghānistān se couvre de monuments bouddhiques décorés de reliefs sculptés dans ce style gréco-bouddhique qui a fleuri également sur les sites pakistanais du Gāndhāra. Ce style met au service de l’iconographie bouddhique tout un vocabulaire artistique grec, hérité des royaumes indo-grecs de la Bactriane, fortement influencé par l’art hellénistique parthe et, grâce au commerce, par l’art de l’Empire romain ; et cela sans exclure des apports indiens qui donnent une saveur locale à cet ensemble, dans lequel, à la différence des reliefs bouddhiques de l’Inde ancienne, la figure du Bouddha apparaît en personne. Le site de Shotorak, près de Begram, a livré de nombreux reliefs en schiste vert dans le style gréco-bouddhique du iie s., alors qu’à Hadda, sur la route de Kaboul à Peshāwar, le schiste est abandonné au profit du stuc moulé sur un noyau de terre crue ; grâce à ce matériau plus plastique, des centaines de personnages ont été modelés dans un style plein de spontanéité et de grâce du iie au ive s. À Bāmiyān, important centre bouddhique (du iie au ve s.), deux bouddhas colossaux ont été taillés dans une falaise ; des restes de peintures mêlant des traits indiens à des éléments inspirés par les fresques du Turkestan chinois apparaissent dans les niches. Des traces de peintures subsistent également dans les monastères bouddhiques rupestres de Foladi (4 km de Bāmiyān), intéressants par leurs imitations de coupoles ou de plafonds à empoutrement caissonné. Un monastère bouddhique du viie s., à Fundukistān (117 km au nord-ouest de Kaboul), présente dans des niches un ensemble de sculptures en terre crue additionnée de paille bûchée sur une armature de bois ; la docilité du matériau permet le développement d’un art caractérisé par la souplesse des attitudes, la gracilité et l’élégance des formes, la préciosité des gestes, et des visages aux yeux exophtalmiques ; les souvenirs de l’hellénisme tendent à disparaître sous l’influence des modèles indiens post-Gupta et de ceux du Turkestan dont on retrouve la marque dans les fresques décorant les niches.


L’art hindou

L’hindouisme fut également pratiqué en Afghānistān et même protégé, si l’on en croit la tradition, par le souverain hun hephthalite Toramāna († 502). Ainsi a-t-on découvert çà et là des statues de marbre blanc représentant diverses divinités du panthéon hindou, dans un style proche des sculptures de l’Inde médiévale (viie, viiie, ixe s). À Khair Khaneh, près de Kaboul, on a retrouvé les traces d’un temple du Soleil avec une statue du dieu du Soleil (Ṣūrya), en marbre blanc, qui paraît dater du viie s. par comparaison avec la sculpture indienne.

J.-F. J.