Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

budget (suite)

Pour éviter une trop grande subjectivité, diverses méthodes ont été retenues : tout d’abord, imaginée par Villèle, la règle de la pénultième année qui consiste à retenir le montant des recettes du dernier exercice connu au moment de la préparation du Budget ; à défaut d’exactitude, ce système a le mérite de la prudence. Alors que Léon Say était ministre des Finances en 1882, ce procédé fut corrigé par l’application aux chiffres de la pénultième année de la moyenne des majorations constatées pendant les cinq années précédentes. Actuellement, les recettes sont estimées par voie d’appréciation directe, à partir des derniers résultats connus, y compris ceux de l’exercice en cours et compte tenu des indications données par les services de la Prévision.


Examen et vote de la loi de finances

Dans un régime démocratique, l’adoption du budget, acte essentiel de la vie politique, relève normalement de la compétence du Parlement. L’examen et le vote de la loi de finances sont soumis aux règles générales de la procédure législative ; la discussion en séance s’ouvre sur le texte gouvernemental, préalablement soumis à l’examen de la commission des finances, et les rapports des membres de cette commission (rapport général et rapports particuliers) contribuent à éclairer les débats. Toutefois, le caractère de plus en plus technique des questions budgétaires, la crainte des dépenses inconsidérées et la nécessité de voter le budget en temps utile ont conduit à adopter une procédure présentant certaines particularités.

• Priorité à la Chambre basse. Traditionnellement, en matière budgétaire, dans les pays à régime bicamériste existe une inégalité entre les deux assemblées : en Angleterre, la Chambre des lords a un rôle pratiquement nul ; aux États-Unis, malgré le prestige plus grand du Sénat, c’est la Chambre des représentants qui a la supériorité. En France, les projets de lois de finances sont obligatoirement déposés en premier lieu sur le bureau de l’Assemblée nationale. Sous la IIIe République, l’égalité des Chambres était un principe admis ; toutefois, en matière budgétaire, le Sénat ne bénéficiait du droit d’amendement que pour proposer des économies. Sous la IVe République, le Conseil de la République examinait pour avis les projets ou propositions votés en première lecture par l’Assemblée nationale, mais, en cas de désaccord, c’était cette dernière qui emportait la décision. Actuellement, la loi n’est, en principe, adoptée que si les deux Chambres sont d’accord ; une navette est donc possible, mais le gouvernement peut y mettre fin par l’intervention de la commission mixte (commission composée de sept députés et de sept sénateurs) ; si cet organisme ne peut arriver à un accord accepté par le Parlement, le gouvernement demande à l’Assemblée nationale de statuer définitivement.

• Limitation des initiatives parlementaires. Dans les débuts du régime parlementaire, les représentants estimaient que leur rôle consistait essentiellement à défendre les deniers publics contre la prodigalité des souverains. Ce souci d’économie s’est estompé au fur et à mesure que l’« État-gendarme » s’est effacé derrière l’« État-providence », et il est devenu nécessaire de protéger les députés et les sénateurs contre l’illusion qu’il suffit de voter une dépense pour qu’elle soit économiquement possible et aisément réalisable. Déjà, sous la IIIe République, la Chambre des députés, bien que disposant d’une totale initiative en matière budgétaire, avait ressenti la nécessité d’un minimum de discipline et avait introduit, en 1920, dans son règlement intérieur, un article prescrivant la disjonction de droit, à la demande du gouvernement ou de la commission des finances, de tout amendement impliquant une augmentation de dépenses ou une réduction de recettes ; cependant, cette autolimitation fut loin d’être toujours efficace.

Sous la IVe République, des règles plus strictes furent promulguées : aux termes de l’article 17 de la Constitution du 27 octobre 1946, « aucune proposition de loi tendant à augmenter les dépenses prévues ou à créer des dépenses nouvelles » ne pouvait être présentée lors de la discussion du budget et des crédits provisionnels ou supplémentaires ; par un décret-loi de 1956 étaient prises des mesures diverses tendant à supprimer la pratique des « cavaliers budgétaires » (textes étrangers au budget, mais présentés sous forme d’amendements à la loi de finances) et instituant une procédure de disjonction (renvoi en commission avec discussion séparée) pour toutes dispositions tendant à aggraver les charges.

La Ve République a poursuivi les réformes entreprises ; l’article 40 de la Constitution de 1958 interdit toute proposition ayant pour conséquence « la création ou l’aggravation » d’une charge publique. La règle est absolue ; en outre, une ordonnance de 1959 confirme la prohibition des cavaliers budgétaires et interdit les amendements compensés (ceux qui prévoient des ressources équivalentes aux dépenses entraînées).

Divers moyens avaient été imaginés pour faire échec à ces limitations :
1o la réduction indicative de crédit. Le Parlement proposait une réduction symbolique du crédit qu’il voulait voir augmenter (ce procédé est maintenant interdit, en principe, par l’ordonnance de 1959, puisqu’il tend à une réduction formelle mais non effective du crédit ; toutefois, le gouvernement reste libre de lui donner une suite favorable) ;
2o le refus de discuter les crédits, qui était pratiqué sous la IVe République mais qui est devenu inopérant aujourd’hui, puisque le gouvernement peut recourir au vote bloqué ou même procéder par voie d’ordonnance.

L’évolution ainsi retracée aboutit à une situation devenue, en principe, extrêmement rigoureuse puisqu’il suffit au gouvernement d’invoquer l’incidence financière d’une proposition de loi pour enlever toute possibilité de prodigalité aux membres du Parlement. Cependant, l’efficacité du système paraît moindre que celle de la pratique de la Grande-Bretagne où, dès 1713, la Chambre des communes a spontanément renoncé à toute initiative en matière de dépenses.