Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

budget (suite)

Il est cependant apparu que la règle de l’universalité pouvait nuire à la bonne gestion des services en enlevant tout intérêt à une amélioration de la gestion, en ne permettant pas d’apprécier exactement le coût et le rendement des services publics, en s’opposant à une gestion efficace des organismes à caractère industriel et commercial. Aussi des aménagements ont-ils été apportés. Dès 1862, il était admis que la règle de l’universalité n’était pas applicable « aux matériaux dont il aura été fait réemploi dûment justifié pour les besoins du service dont ils proviennent » ; les marchés de conversion et de transformation étaient donc autorisés, ce qui équivalait à une contraction du montant de la dépense réalisée. L’ordonnance de 1959 — après avoir précisé qu’aucune affectation n’est possible si « les dépenses résultent d’un droit permanent reconnu par la loi » — admet que certaines recettes peuvent être directement affectées à des dépenses précises dans le cas des « budgets annexes » ou des « comptes spéciaux du Trésor » ; bien mieux, l’affectation est de droit pour les opérations de prêts ou d’avances, ou encore, lorsqu’il s’agit de « fonds de concours », c’est-à-dire de fonds apportés par les particuliers en vue de participer à certaines dépenses publiques.

Principe politique au siècle dernier, la règle de l’universalité, si elle est encore invoquée, est de moins en moins respectée.


Équilibre

L’équilibre du budget a constitué la règle d’or des finances classiques. C’est une idée simple à laquelle est encore profondément attachée l’opinion publique. Elle veut que les recettes soient égales aux dépenses et que les dépenses normales de l’État soient couvertes par l’impôt. C’est la thèse défendue par le baron Louis sous la Restauration et par Poincaré au début du xxe s. Dans sa rigueur, cette thèse condamne les excédents, au même titre que les insuffisances, car, pour le théoricien classique, ils résultent d’impôts trop élevés (donc payés à tort), stérilisent les capitaux soustraits à l’activité privée et constituent une incitation à des dépenses inutiles et démagogiques. En définitive, dans cette optique, le « bon budget » est celui qui côtoie le déficit, mais sans y tomber. Il faut bien admettre cependant que l’équilibre a été souvent plus apparent que réel ; aussi ce principe, sinon dans le public, du moins chez bon nombre de théoriciens, a perdu de sa force. Certains en sont venus à penser que les dépenses entraînant un déficit budgétaire pouvaient être bénéfiques pour l’économie du pays ; de là ont été exprimées des thèses prônant le déficit systématique, puis la théorie des budgets cycliques selon laquelle l’équilibre doit être recherché sur une période de plusieurs années, l’excédent des années prospères comblant le déficit des années malheureuses. À une date plus récente est apparue la notion d’« impasse », définie comme l’excédent de l’ensemble des charges prévues sur l’ensemble des ressources prévues (le mot découvert désignant plus précisément l’« excédent des charges sur les dépenses supportées », et le terme déficit, l’« excédent des charges définitives sur les ressources définitives »). L’impasse est admise pour faire face soit aux avances temporaires consenties par l’État, soit au financement direct ou indirect des investissements, c’est-à-dire aux dépenses « au-dessous de la ligne ». Ainsi conçue, l’impasse permet à l’État d’orienter les investissements et d’intervenir dans l’économie, mais elle se révèle d’un maniement difficile. Par-delà le mythe de l’équilibre, toujours vivace, ce qui est recherché c’est l’exemplarité d’une bonne gestion orientée dans un sens anti-inflationniste.


L’élaboration du budget


Préparation et évaluations

La préparation du budget incombe au pouvoir gouvernemental. En France, c’est le ministre des Finances qui, sous l’autorité du Premier ministre, établit le projet, qui est arrêté en Conseil des ministres.

Dès le mois de janvier, pour l’année suivante, la direction du budget, en fonction des derniers résultats connus et compte tenu de l’évolution prévisible, établit une première ébauche ; ce travail est examiné en février par le Conseil des ministres ; ensuite, le ministre des Finances adresse à ses collègues des instructions précisant les conditions à observer pour la présentation des propositions de dépenses.

Chaque ministre arrête ses propres évaluations et les transmet, vers le milieu de mai, au ministre des Finances. Ce dernier totalise les propositions de dépenses, ajoute celles de son propre ministère, et procède ensuite à l’évaluation des recettes ; cette approximation aboutit, en général, à un budget en large déficit.

Le ministre des Finances invite alors ses collègues à réviser leurs propositions ; à défaut d’accord, le différend est — au mois de juillet — tranché par le Premier ministre. Enfin, le Conseil des ministres, vers le 15 septembre, arrête définitivement le projet de loi de finances. Le ministre des Finances rédige le texte de ce projet et celui du rapport qui définit l’équilibre économique et financier ainsi que tous les documents destinés à l’information du Parlement.

Le ministre des Finances joue, en France, un rôle prépondérant dans l’élaboration du projet de budget.

Il importe de souligner que :
1o Les dépenses sont évaluées directement dans chaque ministère par les services compétents. Souvent, l’administration est tentée de surévaluer ses besoins, soit pour obtenir des moyens plus importants, soit simplement pour prévenir les demandes de réduction des Finances ; cependant, elle préfère parfois les minorer pour faire accepter plus facilement des services nouveaux. L’intervention du « contrôleur financier » — qui représente le ministère des Finances dans chacun des autres départements ministériels — et les confrontations ultérieures limitent toutefois ces possibilités ;
2o L’évaluation des recettes relève du seul ministre des Finances ; or, les rentrées attendues sont fonction des rendements fiscaux, eux-mêmes dépendant de l’évolution de l’économie. L’opération s’avère donc délicate. Le ministre doit se garder, et d’un optimisme déplacé, source de déficits ultérieurs, et d’un pessimisme systématique, incitant à des majorations inutiles d’impôts.