Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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brut (art) (suite)

Domaine de l’art brut

Mais les productions des malades mentaux ne sont pas ici les seules considérées, même si l’art brut leur doit nombre de ses plus éclatantes illustrations : Aloïse, Heinrich Anton (1865-1930), Carlo (né en 1916), Clément (né en 1901), Gaston Duf (né en 1920), Juliette Elisa (née en 1896), Emmanuel (1908-1965), Auguste For (1887-1958), Guillaume (né en 1893), Joseph G., dit « le prisonnier de Bâle » (1877-1934), Wölfli. On doit y ajouter la brillante cohorte des peintres médiumniques, lesquels œuvrent sous la dictée des « esprits » : Fleury Joseph Crépin (1875-1948), Laure Pigeon (1882-1965), Lesage, Jeanne Tripier (1869-1944), Henriette Zephir (née en 1920). Enfin, un tiers des artistes de l’art brut sont des gens simples, généralement peu instruits, qui se sont découverts artistes presque par accident, à la faveur d’une perturbation dans leur existence (maladie, chômage, changement de résidence, guerre...). Parmi ces autodidactes, il faut citer Gaston Chaissac (1910-1964), Joaquim Vicens Gironella (né en 1911), Miguel Hernandez (1893-1957), Palanc (né en 1928), Xavier Parguey (1876-1948), Henri Salingardes (1872-1947), Scottie Wilson (né en 1888), Robert Tatin (né en 1902). Par ailleurs, un cas très singulier est celui de Simone Marye (1890-1961), qui, après avoir été un sculpteur animalier académique et fêté, commença à soixante-sept ans, internée, une œuvre « brute » sans commune mesure avec son activité passée.

Ainsi paraît se découvrir, en opposition avec un art reçu par la société à condition de ne la point perturber, une « créativité » qui s’enrichit des contributions les moins assimilables par cette société, en même temps qu’elle retrouve les raisons fondamentales du geste créateur. Que les manifestations de l’art brut ne remontent pas, autant qu’il y paraisse, au-delà de la fin du xixe s. tendrait à suggérer qu’auparavant elles trouvaient à s’intégrer, vaille que vaille, au sein de l’art populaire*. Une fois celui-ci ruiné de fond en comble, notamment par l’invasion du bric-à-brac manufacturé, l’étrangeté de la création spontanée ne fit que croître, et avec elle, peut-être, celle de ses auteurs. Il conviendrait alors d’affirmer que cette liquidation de la création spontanée au profit d’un art officiel, celui de la société bourgeoise industrielle, allait entraîner deux réactions violentes et symétriques, l’une chez les intellectuels, l’autre chez les gens du peuple : la naissance de l’art moderne et la naissance de l’art brut. Mais ce n’est là qu’une hypothèse.

J. P.


Parmi les protagonistes de l’art brut


Adolf Wölfli

(Berne 1864 - clinique psychiatrique de la Waldau, près de Berne, 1930). Séparé de sa mère à huit ans, chevrier, bûcheron, puis valet de ferme dans l’Emmenthal, ensuite manœuvre à Berne. Tentatives de viol sur une jeune fille de quatorze ans, puis sur une fillette de cinq ans (1890 : deux ans de prison), enfin en 1895 sur une de trois ans et demi. Interné à la Waldau jusqu’à sa mort, soit pendant trente-cinq ans. Sa production (dessins aux crayons de couleurs, livres, morceaux de musique), commencée en 1899, est considérable. Il s’agit ni plus ni moins de la constitution d’une cosmogonie à laquelle Wölfli préside lui-même sous les apparences de saint Adolf II. Plastiquement, un répertoire d’une rigoureuse cohérence sert de tremplin à une œuvre d’une force et d’une invention jamais démenties. De Rainer Maria Rilke à André Breton, les poètes ont dit leur admiration pour ce génie créateur.


Augustin Lesage

(Auchel, Pas-de-Calais, 1876 - Burbure, Pas-de-Calais, 1954). Mineur de fond, il entend en 1911 une voix lui dire dans la mine : « Tu seras peintre. » Une initiation au spiritisme le conduit alors à exécuter ses premiers dessins médiumniques. Il aborde peu après la peinture à l’huile et met deux ans à exécuter une immense toile (3 m × 3 m), chef-d’œuvre d’invention et de virtuosité. Ses peintures (dont il attribue la responsabilité d’abord à sa petite sœur Marie, morte à l’âge de trois ans, puis à Léonard de Vinci, enfin à un hypothétique Marius de Tyane) frappent par leur minutie, leur extraordinaire régularité et leur allure d’architectures orientales.


Aloïse

(Lausanne 1886 - asile de la Rosière à Gimel 1964). Après de bonnes études, elle est gouvernante en Suisse, puis en Allemagne. Internée en 1918 pour schizophrénie, elle commence à dessiner, mais le grand essor de sa production date de 1941 (elle a alors cinquante-cinq ans). Elle met en scène un univers théâtral où les grandes amoureuses de l’histoire et de la légende (Cléopâtre, Marie Stuart, Marie Walewska, etc.) tiennent le haut du pavé. Ses héroïnes aux yeux noyés dans le bleu, aux seins épanouis, à la chair laiteuse règnent sans conteste possible sur de petits officiers stricts et sur un décor de toute splendeur où piaffent des chevaux.

➙ Naïfs / Populaire (art).

 L’Art brut, monographies d’artistes (Compagnie de l’art brut, 9 fascicules, 1964-1966). / J. Dubuffet, Asphyxiante Culture (J.-J. Pauvert, 1968). / R. Cardinal, Outsider Art (Londres, 1972).
CATALOGUES D’EXPOSITION : l’Art brut préféré aux arts culturels, galerie René Drouin, Paris, texte de J. Dubuffet (1949). / L’Art brut, musée des Arts décoratifs, Paris (1967). / M. Thévoz, l’Art brut (Skira, Genève, 1975).

Bruxelles

En néerl. Brussel, capitale de la Belgique et chef-lieu de la province de Brabant.



Le fait urbain


La population

Depuis la loi du 2 août 1963 sur la frontière linguistique, l’ancien arrondissement de Bruxelles est divisé en trois parties : l’arrondissement de Bruxelles-Capitale, qui regroupe 19 communes (et il est bilingue) ; un second arrondissement, qui comprend les 6 communes périphériques ou communes dites « à facilités » ; enfin, l’arrondissement de Hal-Vilvorde, de langue néerlandaise.

Bruxelles - Capitale comptait 1 079 000 habitants en 1967 et 1 075 000 habitants en 1970, mais en fixant d’autres limites à l’agglomération bruxelloise on arrive à un chiffre de population de l’ordre de 1,5 million. La commune même de Bruxelles a un territoire exigu et ne compte (en 1970) que 161 000 habitants, chiffre à peine supérieur à celui d’autres communes de l’arrondissement (Schaerbeek et Anderlecht dépassent aussi 100 000 hab.).