Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bronze (âge du) (suite)

Au cours du IIIe millénaire, la connaissance du métal se développa en Asie antérieure, dans les régions septentrionales de la Mésopotamie et en Syrie. Une intense activité régna dans les ports côtiers de la Méditerranée orientale, où se développèrent des centres florissants de l’âge du bronze comme Byblos (Liban), Ougarit (Ras Shamra, Syrie) ou l’île de Chypre. Certaines armes, comme les fameux « poignards chypriotes » (en réalité des pointes de lances munies d’une petite soie recourbée pour l’emmanchement), furent même exportées en Europe occidentale vers 2000 av. J.-C. Suivant Claude F. A. Schaeffer, des prospecteurs gagnèrent l’Europe centrale à la recherche de nouveaux gîtes miniers. Les traces de leur passage seraient fournies par la diffusion de torques en cuivre et d’épingles massives à tête en massue, exportés des côtes syriennes et libanaises jusqu’en Allemagne du Sud par les voies des Balkans et de l’Adriatique.

Une autre voie ancienne de diffusion des industries métallurgiques gagna les régions caucasiennes et danubiennes. Au Kouban, la civilisation des « kourganes », grands tumulus recelant des mobiliers métalliques avec or et cuivre, montre des influences iraniennes certaines. Le kourgane de Maïkop (U. R. S. S.) est une tombe princière extraordinaire : sous un tumulus fouillé vers 1895, une maison funéraire en bois, à trois compartiments, abritait des cadavres recouverts d’ocre rouge. Le mobilier déposé dans la tombe était d’une incroyable richesse : haches, poignards et pointes de lance en cuivre, figurines de taureaux en or massif, vases en argent avec figurations animales, taureaux, panthères, sangliers, etc. Les vêtements des morts étaient également décorés de feuilles d’or ornées de représentations animalières. Cette richesse et certaines figures animales rappellent certains trésors enfouis dans des cités d’Anatolie (Alaca Höyük) ou d’Iran (Tepe Hissar). La construction de ces kourganes de Russie remonte aux environs de 2500 av. J.-C.


Le bronze égéen

La séparation entre histoire et préhistoire est parfois délicate et artificielle. Les civilisations égéennes de l’âge du bronze l’illustrent fort bien. Si le premier développement de la métallurgie en Crète, en Grèce ou dans les îles de la Méditerranée orientale appartient à la préhistoire au sens strict, l’apparition de l’écriture, la relation avec les légendes homériques, la splendeur des civilisations crétoises ou mycéniennes, les contacts fréquents avec l’Égypte ou la Mésopotamie font que ces civilisations entrent progressivement dans le domaine de l’histoire. On ne saurait les ignorer ici, car elles eurent de nombreux échanges avec les groupes européens contemporains et jouèrent un rôle certain dans la diffusion des idées et des techniques métallurgiques.

Troie fut redécouverte par Heinrich Schliemann (1822-1890) vers 1870 au site d’Hissarlik en Asie Mineure, à la sortie du détroit des Dardanelles. Nul doute que sa situation l’amena à jouer un grand rôle dans les relations commerciales. Les fouilles de Troie ont amené la reconnaissance de quelques neuf niveaux allant du milieu du IIIe millénaire à la période romaine. Les villes ou bourgades successives furent détruites par les séismes ou les héros des différentes guerres de Troie. Le cuivre apparaît dès « Troie I », vers 2500 av. J.-C., mais c’est surtout « Troie II » qui montre la richesse des productions métalliques avec le « trésor de Priam », qui comprend des vases en or, des armes en cuivre et en bronze, des lingots d’argent, etc. Des haches de combat en pierre attestent l’existence de relations avec l’Europe centrale néolithique. « Troie VII » fut probablement celle d’Homère. En tout cas, les traces d’incendie de ce niveau attestent de la violence des contacts établis avec les Mycéniens vers 1300 av. J.-C.


Cyclades

Les Cyclades jouèrent un grand rôle au début de l’âge du bronze égéen. Étapes naturelles entre l’Anatolie et la Grèce, elles furent promptes à assimiler les nouvelles techniques. D’autre part, elles pouvaient échanger les premières armes métalliques contre des matières premières non négligeables : obsidienne de Milo, marbre de Paros, émeri de Naxos et, chose primordiale à cette époque, minerai cuprifère de Naxos et de Paros. Les armes en cuivre cycladiques s’inspirent des prototypes anatoliens ou syriens (pointes de lance chypriotes). La culture cycladique est originale. On en retient surtout des types de poteries et des sculptures. Les « poêles à frire » en céramique sont décorées de spirales ou de représentations de bateaux. Des idoles en marbre sont étrangement stylisées de façon moderne : les visages ne montrent qu’un pur relief médian suggérant le nez, au milieu d’un ovale de marbre blanc poli (Amorgos). Pour les rites religieux, on utilise les premiers « kernoi », vases multiples formés de petits godets accolés autour d’un axe central. Originale dans sa phase ancienne (2100-1900), la civilisation cycladique va, par la suite, subir les influences crétoises, puis mycéniennes.


Crète

La Crète prit le relais de l’hégémonie cycladique. Les fouilles de Cnossos, inaugurées par sir Arthur John Evans (1851-1941), conduisirent à la découverte des civilisations qu’il baptisa minoennes, d’après le nom du légendaire roi de Crète Minos. Le minoen ancien est encore une phase de maturation, la période « prépalatiale » de Nicolas Platon. On importe des céramiques des Cyclades et les premières armes des côtes anatoliennes. Mais déjà des produits purement minoens sont inventés, comme les doubles haches en cuivre et en bronze, qui seront le symbole du commerce crétois. La bijouterie est remarquable, et le trésor de l’île Mokhlos, dans le golfe de Mirabellos, comporte des pendentifs en feuilles et en fleurs qui annoncent le style naturaliste crétois. Les premiers poignards en bronze sont coulés à la fin de cette période. Au minoen moyen (2000-1700) sont bâtis les grands palais crétois : Cnossos, Malia, Phaistos. La puissance des princes crétois et leur richesse permettent à ceux-ci d’entretenir une cohorte de peintres, de céramistes et d’architectes. Une métallurgie originale se développe, avec des bijoux et des armes remarquables. Détruits vers 1700 av. J.-C., les palais crétois furent reconstruits à nouveau (minoen récent), et de façon plus somptueuse encore. Sur les célèbres fresques de Cnossos jouent les dauphins, parade le prince aux plumes ou pointe le nez mutin de la « Parisienne ». La puissance de la Crète est à son apogée. Elle monopolise le commerce maritime. L’écriture (linéaire A) fait son apparition, remplaçant les signes hiéroglyphiques du minoen moyen. Mais, bientôt, c’est au tour de la Grèce d’avoir, par Mycènes, la direction du monde égéen. Les palais crétois sont encore détruits, puis occupés et reconstruits. Un nouveau système d’écriture (linéaire B) résulte de ces changements et semble être du grec archaïque. La nouvelle civilisation créto-mycénienne va s’éteindre vers 1500 av. J.-C.