Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bronches (suite)

La dilatation des bronches

Dite encore bronchectasie, cette affection constitue sans aucun doute une pierre d’achoppement de la pneumologie infantile. En effet, dans un nombre non négligeable de cas, il s’agit d’une malformation congénitale qui se décèle au cours des premières années. En d’autres cas, la dilatation des bronches est une conséquence d’épisodes infectieux à répétition, tels que les broncho-pneumopathies virales, les laryngo-trachéo-bronchites de toute origine, la tuberculose. Le début de l’infection est le plus souvent insidieux, reproduisant la symptomatologie des épisodes initiaux. Progressivement, une expectoration abondante, parfois légèrement sanglante, devient le symptôme d’appel. En s’accentuant, elle acquiert ses caractères quasi spécifiques : forte au réveil, elle peut atteindre un quart de litre sous forme de sécrétions très abondantes (bronchorrhées, voire pseudo-vomiques). L’expectoration survenant au décours de quintes de toux se dépose en quatre couches dans le crachoir, où l’on peut reconnaître son odeur spéciale de plâtre frais. Les examens complémentaires sont particulièrement utiles à l’établissement du diagnostic et du pronostic des bronchectasies. Outre les radiographies dites « standard » et les tomographies, la bronchoscopie peut révéler la présence de corps étrangers intrabronchiques, de tumeurs ou de rétrécissements bronchiques en amont des dilatations. Surtout la bronchographie (radiographie après injection d’huile iodée opaque aux rayons X) montre souvent des aspects caractéristiques de dilatation segmentaire ampullaire ou sacciforme, avec parfois images d’amputation distale, encore appelée « en arbre d’hiver ». Ce bilan est indispensable pour tout malade atteint de dilatation des bronches, car il permet de formuler avec plus de précision les indications thérapeutiques. En effet, si l’évolution spontanée permet pendant assez longtemps une poursuite normale des activités, elle peut, à tout moment, être émaillée de complications qui aggravent lourdement le pronostic fonctionnel et peuvent même compromettre le pronostic vital. Ce sont très souvent des épisodes infectieux intercurrents, source de broncho-pneumopathie, de pleurésie purulente, voire de bronchite fétide avec gangrène ou d’abcès du poumon. Si la gravité de ces complications est aujourd’hui atténuée par l’usage répandu des antibiotiques, il n’en demeure pas moins qu’à la longue toute dilatation des bronches peut devenir une maladie invalidante réalisant une véritable infirmité. Le traitement médical consiste essentiellement en séjour climatique sec en haute altitude, en médications antiseptiques ou antibiotiques selon les besoins et en procédés mécaniques, dont le drainage postural reste le plus efficace. Cependant, la chirurgie est venue renforcer cet arsenal thérapeutique classique. Elle s’adresse notamment aux bronchectasies du sujet jeune, localisées, volontiers hémoptoïques (bronchorragies). Elle est hors de question chez les vieux bronchectasiques, souvent porteurs de complications cardiaques, de déformations squelettiques (ostéopathie hypertrophiante pneumique) et d’hippocratisme digital.

Telles apparaissent les principales affections inflammatoires touchant les bronches. Il convient d’y ajouter en dernier lieu la classique bronchite de Castellani, due à un spirochète, la lithiase bronchique (calcifications se formant dans les bronches), et enfin les bronchiolites, touchant les petites bronches, ou bronchioles, relativement fréquentes chez les vieillards et les enfants, et assimilées en fait aux broncho-pneumonies.


Tumeurs des bronches

Les bronches peuvent être le siège de tumeurs bénignes ou malignes. Les tumeurs bénignes sont représentées par des polypes ou des polyadénomes formés à partir de la muqueuse ou de ses glandes. Les tumeurs malignes, le plus souvent des épithéliomas, constituent ce que l’on désigne sous le nom de « cancer primitif du poumon* » (le tissu pulmonaire lui-même n’étant pas en réalité le point de départ de la lésion).

Les tumeurs bénignes ou malignes des bronches peuvent avoir, au début, des signes analogues : toux persistante, expectoration sanglante, images radiologiques d’atélectasie (opacité d’un territoire due à l’obstruction de la bronche, qui empêche le passage de l’air). Dans tous les cas, devant l’un de ces signes d’alerte, la bronchoscopie (v. endoscopie) permet de voir directement la lésion et de faire un prélèvement pour biopsie, assurant le diagnostic. Si la tumeur est bénigne, une résection endoscopique est souvent suffisante ; si elle se révèle maligne, c’est le traitement du cancer du poumon (exérèse ou chimiothérapie) qui doit être appliqué.

M. R.

 J. M. Lemoine, Pathologie bronchique. Études cliniques et endoscopiques (G. Doin, 1956). / A. Meyer et J. Chrétien, les Hémoptysies trachéo-bronchiques (Masson, 1958). / R. Kourilsky et G. Decroix, les Suppurations bronchiques pulmonaires et pleurales (Baillière, 1960). / O. P. Schmidt, W. Gunthner et H. Bottke, Das bronchistische Syndrom (Munich, 1965). / A. Policard et P. Galy, l’Appareil broncho-pulmonaire (Masson, 1969). / P. Bourgeois, la Bronchite chronique (Expansion-Éditeur, 1972).

Brontë (les)

Écrivains anglais.



Charlotte (Thornton, Yorkshire, 1816 - Haworth 1855)

L’époque victorienne voit s’épanouir, à l’écart du monde, d’étonnants talents féminins. L’exemple le plus fameux en est fourni par les sœurs Brontë. À l’instar de Jane Austen*, elles furent des provinciales menant une existence retirée dans le presbytère paternel sans aucune expérience particulière de la vie et des hommes. Le talent de Charlotte Brontë est cependant bien différent de celui de sa sœur Emily et diamétralement opposé à celui de Jane Austen. Là où cette dernière, dans une réserve toute classique encore, se tenait au-dessus de ses fictions en observateur impartial, Charlotte introduit subjectivité et autobiographie. Pour la première fois, avec elle, le roman anglais entre dans l’intimité émotionnelle de l’écrivain par le moyen de la passion authentique. Au xviiie s., même chez les sentimentalistes comme Richardson, une pudeur toute britannique enveloppe toujours ce sentiment et ses développements. Avant l’aînée des Brontë, aucun romancier anglais n’avait traité l’amour avec un si intense frémissement de vérité, pas même Walter Scott, chez qui les élans du cœur demeurent, comme le velours et l’or, une sorte d’attribut prestigieux dont il pare ses personnages. Dans Jane Eyre (1848), la passion se découvre. Qui plus est par la bouche d’une femme. Audace à peine concevable pour des esprits victoriens, la jeune fille ose avouer clairement son amour à un homme et en décrit les extases avec fougue. Mais, comme le dit Charlotte Brontë, alias Currer Bell, dans la préface de son roman, « les conventions ne sont pas la morale ». Elle est le premier écrivain anglais à étudier la personnalité réelle de la femme. En plus du droit de choisir librement l’être qu’elle aime, fût-il d’une classe inférieure à la sienne (Shirley, 1849), Charlotte réclame, au travers du personnage de Caroline Helstone dans Shirley, de Lucy Snowe dans Villette (1853) et surtout de Jane Eyre, l’égalité sociale pour la femme. Elle souhaite pour celle-ci le droit de mener sa vie librement et dans le respect de tous. On comprend alors que ses héroïnes ne puissent connaître cette gaieté sereine qui caractérise les personnages féminins de Jane Austen. Elles ne se trouvent pas parfaitement à l’aise dans un monde ordonné par les hommes. Il flotte toujours autour d’elles une certaine mélancolie rappelant celle dont s’entourent les héros de Byron. Mais si leur désenchantement naît aussi du sentiment de la solitude où les place leur rébellion, cette solitude leur pèse et leur désespoir n’est pas sans cause. Malgré quelques invraisemblances qui nuisent à la rigueur de l’intrigue, malgré certains éléments mélodramatiques dans le dialogue et un peu du clinquant rappelant le roman de terreur du siècle précédent, il y a dans l’œuvre de Charlotte Brontë une densité émotionnelle vraie qui préfigure Meredith. Pendant longtemps, elle marquera de son empreinte le roman féminin anglais, et on peut affirmer que Jane Eyre a même commencé le lent travail de libération des interdits littéraires, qui permettra en son temps l’apparition d’un écrivain tel que Lawrence.