Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Brontë (les) (suite)

Emily (Thornton 1818 - Haworth 1848)

« [...] J’ai évité de suivre les chemins battus où s’empressent les autres pour continuer de marcher sur une route insolite [...]. »

C’est ainsi qu’Emily Brontë s’est vouée au « Dieu des Visions ». Comme Blake, cet autre mystique, elle laisse une œuvre qui se situe hors de son époque. Pour cette raison sans doute, son temps lui préféra les romans de sa sœur Charlotte.

Assurée d’un monde futur, « [...] où la vie est sans limites dans sa durée, et l’amour dans sa sympathie, et la joie dans sa plénitude », Emily se désintéresse des problèmes auxquels Charlotte consacre son talent, et son œuvre, après avoir pris racine dans les poèmes du cycle de Gondal, trouve son plein épanouissement avec Wuthering Heights (les Hauts de Hurlevent, 1847). La saga de Gondal’s Queen, née durant la jeunesse d’Anne et d’Emily, se prolonge bien au-delà de leurs vingt ans. Dans cette chronique en prose et en vers, à côté d’éléments empruntés, comme l’atmosphère gothique qu’on retrouvera surtout chez Charlotte, figure déjà le fond des landes du Yorkshire. Ce décor sauvage, le seul au monde qu’Emily connaisse et qui va faire partie intégrante du drame de Wuthering Heights, convient parfaitement au mysticisme et à la passion de liberté qui animent la cadette des Brontë. Ce qui a assuré la pérennité de Wuthering Heights, c’est d’abord une certaine virtuosité sur le plan technique. Il faudra, après Emily Brontë, attendre un demi-siècle et Conrad pour retrouver une telle perfection dans la complexité narrative. Mais la source inépuisable de beauté et d’intérêt réside surtout dans l’aura poétique dont Emily a su baigner l’ensemble de son œuvre et dans la vérité étonnante de ses héros. Swinburne, malgré quelques réserves à propos de ce qui lui rappelle un certain naturalisme à la française, avait déjà souligné qu’il considérait le roman entier comme un poème dramatique. À cette œuvre, les personnages d’Earnshaw, de Catherine et plus encore peut-être de Heathcliff apportent la dimension de leurs passions. La fureur presque démoniaque qui les anime leur confère une extrême densité humaine. Par l’excès même de leurs sentiments et de leur comportement, ils se détachent, intensément vivants, dans la lignée des héros du romantisme anglais, dont Wuthering Heights renferme en quelque sorte toutes les tendances retrouvées et fondues en une parfaite harmonie.


Anne (Thornton 1820 - Scarborough 1849)

Nature fondamentalement religieuse, possédée par l’angoisse métaphysique, Anne Brontë fait reposer tout son édifice poétique (Poems by Currer, Ellis and Acton Bell, en collaboration avec ses deux sœurs, 1846) et romanesque sur la « conscience » et la « morale ». Agnes Grey (1847), où elle se penche sur le sort des institutrices, lui est dicté par le besoin de tirer une leçon de ses propres expériences et d’en faire passer les conclusions dans le public. Le dépouillement extrême du style donne au récit un ton sans relief qui exprime fort bien ce que la vie d’une gouvernante d’enfants peut avoir d’aride et de monotone. Mais la vérité essentielle qui se dégage de l’ouvrage, c’est qu’à ceux qui vivent « droits et constants, à travers le Bien et le Mal », la récompense vient sous forme d’espoir et de joie. La conviction d’avoir à délivrer un certain message spirituel apparaît encore avec plus de force dans The Tenant of Wildfell Hall (la Dame du manoir de Wildfell, 1848) : « J’ai voulu dire la vérité [mot qui revient souvent sous sa plume], car la vérité apporte toujours sa propre morale à ceux qui sont capables de la recevoir. » Son œuvre est donc essentiellement moralisatrice et didactique. On retrouve chez Anne Brontë le mysticisme d’Emily. Elle partage l’intérêt que Charlotte porte aux problèmes de la femme dans la société victorienne. Mais son talent créateur ne saurait se comparer à celui de l’une ou l’autre de ses sœurs, ni en puissance ni en profondeur.


Patrick Branwell (Thornton 1817 - Haworth 1848)

Patrick Branwell a sa part et non des moindres dans les œuvres d’enfance et d’adolescence des Brontë, communément désignées sous le nom de Juvenilia. Il laisse paraître dans les chroniques du royaume d’Angria, qu’il a imaginé avec Charlotte, une fougue d’imagination semblable à celle de ses sœurs, mais les promesses contenues dans ces manuscrits ne seront pas tenues, quant à lui. Dans le tableau célèbre, conservé à la National Portrait Gallery, qu’il fit de ses trois sœurs, une radiographie a permis de découvrir qu’il s’était d’abord représenté au milieu d’elles, puis qu’il avait effacé son image. Geste lourd de signification. Son instabilité le conduisit rapidement à l’impuissance artistique par le chemin de l’alcoolisme et des « paradis artificiels ».

D. S.-F.

 E. Bentley, The Brontë Sisters (Londres, 1950). / T. J. Wise, A Bibliography of the Writings in Prose and Verse of the Members of the Brontë Family (Londres, 1965). / C. Maurat, le Secret des Brontë (Buchet-Chastel, 1967). / W. Gérin, Charlotte Brontë (Oxford, 1968).

bronze (âge du)

Une des grandes divisions chronologiques de la préhistoire, distinguée au siècle dernier à la suite des travaux du Danois Christian Jürgensen Thomsen (1788-1865), entre autres. L’âge du bronze précède l’âge du fer et succède au Néolithique souvent par l’intermédiaire du Chalcolithique, ou âge du cuivre. Ce dernier, d’importance très inégale suivant les régions, est parfois considéré comme une période autonome, mais souvent on le rattache soit au Néolithique final, soit au début du bronze ancien.


Généralités

Le caractère essentiel de l’âge du bronze est le développement de la métallurgie et la création de nombreux instruments en bronze destinés à l’armement ou à la vie domestique. Au cuivre et à l’or primitivement travaillés viennent s’ajouter des alliages de cuivre et d’étain, puis des combinaisons plus complexes, où le plomb apparaît en quantité parfois importante. De nombreuses techniques de fonderie sont inventées dès cette époque. La métallurgie entraîne une véritable révolution sociale, économique et religieuse. La quête des minerais, la vente des nouveaux produits manufacturés conduisent à la multiplication des échanges commerciaux et à la création de nouvelles catégories sociales de prospecteurs, forgerons et négociants. Aux mythes religieux de fécondité, symbolisés par les déesses mères du Néolithique, succèdent des cultes nouveaux, où le feu, le soleil, la roue, le cheval transposent sur le plan spirituel les préoccupations matérielles des artisans et commerçants. Par ailleurs, de nombreux mouvements ethniques marquent cette période : on voit dans certains groupes chalcolithiques les premiers Indo-Européens ; la « civilisation des tumulus » et celle des « champs d’urnes » sont souvent considérées comme les phases préliminaires de la civilisation celtique.