Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

aéronavale (suite)

Premiers essais de l’avion à la mer

Cette confiance nouvelle dans l’avenir de l’aéroplane n’est pas suivie par tous. Il faudra le dynamisme de quelques officiers pour expérimenter une doctrine de coopération entre l’avion et le navire. Ces officiers sont heureusement aidés par Delcassé, ministre de la Marine, qui, en 1911, leur affecte un ancien croiseur comme « bâtiment central d’aviation ». Sous la direction des commandants Daveluy, Fatou et Roque, la Foudre poursuit ses essais de 1912 à 1914. En octobre 1911, la décision est prise d’installer le premier centre d’aviation navale à Saint-Raphaël et, le 12 mars 1912, est créé le Commandement supérieur de l’aviation maritime. À terre et à la mer, essais, raids et manœuvres se multiplient, illustrés par les pionniers de l’aéronavale : Roque, L’Escaille, Laborde, etc. En mai 1914, sur la Foudre, René Caudron réussit un décollage d’une plate-forme de 10 m aménagée sur un navire au mouillage.


L’aéronautique maritime en 1914-1918

En 1914, la France possède une riche expérience dans le domaine de l’aéronautique navale. Les moyens qu’elle engage au début du conflit sont pourtant très modestes et se limitent à quelques hydravions embarqués ou non, qui rendent d’ailleurs de grands services. Quelques officiers, pourtant, estiment que l’avenir de l’aéronavale exige une organisation puissante assortie de gros moyens : ils ne sont guère écoutés jusqu’en 1917, quand la gravité de la menace sous-marine allemande permet de prouver l’efficacité de la nouvelle arme. Ayant déjà l’habitude de survoler la mer, l’avion découvre sous-marins et champs de mines. Aussi, 1917 verra le nombre des appareils de la marine française (Donnet-Denhaut, F. B. A., Tellier, etc.) passer de 160 à 690 pour atteindre 1 260 en 1918. Leur action s’étend à l’Atlantique et à la Méditerranée, mais ce sont les patrouilles de la mer du Nord qui effectuent le plus dur travail et tentent même les premiers vols de nuit pour gêner le passage des sous-marins allemands dans le pas de Calais. Dix d’entre eux seront détruits par les avions alliés. De son côté, l’adversaire engage sur les bancs des Flandres les hydravions « Brandenburg », les mieux armés de l’époque, tandis que les « Rumpler » assurent les liaisons en mer avec les « U-Boot », mais l’attaque aérienne des navires de guerre ne donne encore aucun vrai résultat.

L’hydravion

Dès 1912, les « hydroaéroplanes » réussissent à décoller de la surface de l’eau à condition qu’elle soit calme. À partir de 1914, ce type d’appareil se généralise et est surtout employé dans la lutte anti-sous-marine. (En 1918, la France construit 1 598 hydravions.)

Durant l’entre-deux-guerres, des apôtres de l’hydravion, comme Latécoère en France, créent les premiers appareils à coque de gros tonnage (40 t pour le Lieutenant-de-vaisseau-Paris), destinés aux vols transatlantiques. En 1940, les Anglais emploieront le « Sunderland » et les Américains le « Catalina », dont l’autonomie est d’environ 20 heures.

Mais les progrès techniques de l’emploi de l’avion à la mer devaient condamner l’hydravion, dont aucun programme n’est plus envisagé depuis 1950. Le seul usage de l’hydravion reste le sauvetage en haute mer hors de portée de l’hélicoptère.


Une révolution : l’apparition du porte-avions

Cette intense activité opérationnelle prouvait amplement l’efficacité de l’emploi de l’avion à la mer. Combien serait-elle accrue si l’on parvenait à étendre son rayon d’action en le libérant de la servitude des bases terrestres ? C’est dans ces circonstances que l’amirauté de Londres réalisa le premier navire porte-avions, avec le croiseur de bataille Furious, où, le 3 août 1917, le commandant Dunning réussissait à poser un « Sopwith ». Avec ce premier appontage sur un navire en marche, le porte-avions était né, et avec lui une nouvelle arme, l’aviation embarquée, qui allait conférer à l’aéronavale une puissance insoupçonnée de ses précurseurs.


L’aéronavale entre les deux guerres mondiales

À la fin du conflit, l’aéronavale alliée constituait, avec ses nombreux centres échelonnés de la Grande-Bretagne à la mer Égée (36 en France), un immense édifice, qui ne survivra pas à la victoire.

Le centre de Saint-Raphaël, où fonctionnait, depuis 1917, la Commission d’études pratiques de l’aéronautique maritime, était devenu, grâce à ses pilotes d’essai (notamment Corpet, Pugnet et Kerguistel), un véritable laboratoire expérimental, qui allait poursuivre son activité au lendemain de la guerre. Celle-ci s’exercera dans les domaines les plus divers : attaque aérienne des bâtiments de ligne ; grands raids destinés à frapper l’opinion publique, auxquels les aviateurs de la marine (Le Brix) apportent une large contribution. Deux noms appartiennent ici à l’histoire, ceux du commandant de L’Escaille et surtout du commandant Teste, qui parvient, en 1920, à convaincre l’état-major naval de transformer le cuirassé Béarn en porte-avions.

Ce nouveau type de bâtiment, qui n’avait pas encore fait ses preuves au combat, allait susciter bien des discussions. Seule l’Italie, peut-être sous l’influence des théories du général Douhet, partisan de l’« Air intégral » (v. aviation), y renonce de prime abord. Son exemple est suivi par Hitler, qui, confiant dans la toute-puissance de la Luftwaffe, interrompra la réalisation de l’unique porte-avions mis en chantier par l’amirauté allemande en 1937. Parmi les grandes flottes mondiales, c’est celle du Japon qui, par une vue prophétique de la guerre sur l’immense théâtre du Pacifique, donne la première à l’aéronavale un rôle essentiel, se traduisant tant par le nombre et la qualité des porte-avions (11 en 1940) que par la mission de « choc » qui leur est réservée. La Royal Navy, qui, en 1937, vient de reprendre à la R. A. F. son aviation navale, rattrape son retard par la mise en chantier de 7 porte-avions. Mais la Fleet Air Arm ne dispose, en 1939, que de 225 avions contre 700 à l’aéronavale américaine.