Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

aéronavale (suite)

À la veille de la guerre, les appareils des aviations maritimes sont de types très divers : les uns sont liés au catapultage ; d’autres sont de gros hydravions lourds (Breguet, Latécoère français ; « Coronado », « Catalina » américains), véritables navires volants destinés à la reconnaissance lointaine ; d’autres, enfin, tels les « Loire » Nieuport français, sont conçus pour l’attaque en piqué des navires de guerre : ils seront employés contre les chars allemands en mai 1940.


L’aéronavale pendant la Seconde Guerre mondiale


1939-1941, combats classiques

À l’ouverture du conflit, la situation est assez semblable à celle de 1918. À nouveau, les Alliés, qui, trop confiants dans les qualités anti-sous-marines de l’asdic, avaient négligé leur aéronavale, lui confient pourtant l’éclairage, la protection des convois et le mouillage des mines dans l’Atlantique. Le rôle de l’aviation embarquée est plus modeste en raison de la qualité médiocre de ses appareils et du petit nombre de porte-avions, dont l’un, le Courageous, sera coulé par un « U-Boot » dès le 17 septembre. La campagne de Norvège fait éclater l’insuffisance de l’aviation maritime des Alliés, qui se révèle incapable de protéger les navires harcelés par la Luftwaffe, maîtresse du ciel (notamment par ses Heinkel 111). Durant l’été 1940, c’est l’arme aérienne, et notamment le « Costal Command » de la R. A. F., qui sauve l’Angleterre. Mais l’occupation des côtes françaises par le Reich, augmentant le rayon d’action de ses sous-marins, conduit les Anglais à un important renforcement de leur aéronavale. Les avions (« Liberator », « Catalina »), qui patrouillent jusqu’aux Açores, sont équipés de radars « ASV », capables de détecter un sous-marin à 45 km. Dans l’Atlantique, la guerre aéronavale se confond ainsi de plus en plus avec la guerre sous-marine, où les Alliés ne reconquièrent la supériorité qu’au printemps de 1943, lorsqu’ils disposent d’un assez grand nombre de porte-avions pour protéger leurs convois. En Méditerranée, au contraire, grâce au tandem tactique « cuirassé-porte-avions » et à leur défense victorieuse de l’île de Malte, les Anglais dominent les Italiens. Ils parviennent toujours, quoique avec de lourdes pertes (porte-avions Illustrious, 1941), à assurer la liberté de passage de leurs convois.


Coup de théâtre à Pearl Harbor : l’aéronavale arme stratégique

Le 7 décembre 1941, une escadre japonaise essentiellement constituée de moyens aéronavals (445 appareils embarqués sur 6 porte-avions) met hors de combat en moins de deux heures la flotte américaine du Pacifique dans la rade de Pearl Harbor. Cette victoire soudaine, qui donne au Japon la suprématie dans le Pacifique et lui ouvre la route de l’Indonésie, fait passer brutalement l’aéronavale du plan tactique au plan stratégique. Fort de ce succès qui dépasse largement ses espérances, le commandement japonais va conquérir en quelques mois la quasi-totalité du Sud-Est asiatique. Pour les États-Unis, qui, dès 1920, ont été les premiers à adapter l’arme aérienne aux besoins de la guerre navale, la leçon est très dure, mais elle portera ses fruits. Tout en usant les forces japonaises dans les combats de la Nouvelle-Guinée, les Américains organisent les premières task-forces, ensembles composés d’une ossature de porte-avions de plus en plus nombreux flanqués d’escadres traditionnelles. Les avions embarqués attaquent et assument la protection éloignée de l’escadre, qui, de son côté, défend les porte-avions. En mai 1942, la victoire purement aéronavale des Midway, au cours de laquelle les Japonais de l’amiral Yamamoto perdent 4 porte-avions et 253 avions, consacre le rétablissement de la puissance américaine. Sous l’influence de l’amiral Nimitz, l’importance des task-forces ira croissante : en octobre 1944, à Leyte, l’amiral Mitscher dispose de près de 1 000 avions embarqués. La bataille, qui dure six jours, représente, malgré l’intervention des avions-suicides japonais (kamikazes), le retournement définitif de la situation stratégique dans le Pacifique. Le couple avion-char de la guerre éclair a fait place au tandem cuirassé-porte-avions, que l’ampleur de la bataille a porté au niveau de la décision. Leyte annonce la défaite du Japon.


L’aéronavale depuis 1945

Consacrée par la victoire américaine du Pacifique, l’aéronavale constitue désormais un élément essentiel de toutes les marines. Elle joue son rôle dans les conflits limités qui se succèdent depuis 1945 : en Indochine* (Diên Biên Phu), en Corée, où les États-Unis engagent huit porte-avions, à Suez (1956), où la coopération entre aéronavale et troupes aéroportées françaises et anglaises sera déterminante, et où le porte-hélicoptères intervient pour la première fois.

Parallèlement, on assiste à une évolution des conceptions d’emploi de l’arme. Si la task-force de 1944 s’allège, la généralisation de l’avion à réaction entraîne la primauté du porte-avions lourd, seul capable de le mettre en œuvre. Les porte-avions légers (tel l’Arromanches français en 1958) se reconvertissent souvent en porte-hélicoptères, ce qui permet aux petites marines (certains pays du Commonwealth, Brésil, Argentine, etc.) de constituer des forces d’intervention à frais réduits. Ainsi, la mobilité et la souplesse de l’aéronavale lui font-elles prendre le relais des bases terrestres périphériques très vulnérables aux fluctuations politiques des pays où elles sont implantées. Cela explique l’importance des moyens aéronavals des grandes flottes stratégiques américaines dans le Pacifique et en Méditerranée.

L’arme atomique n’a guère modifié l’emploi de l’aéronavale, mais elle a seulement imposé une plus grande dispersion de ses forces d’intervention, dont les bâtiments sont couramment espacés de 5 à 10 miles pour être moins vulnérables aux projectiles atomiques.

L’aviation embarquée a subi une adaptation technique conditionnée par l’utilisation à la mer des avions de haute performance et par la lutte anti-sous-marine. Celle-ci est également confiée à l’aéronavale basée à terre, qui est dotée, dans les années 1960, d’appareils de type « Orion », « Atlantic » ou « Neptune », croiseurs aériens de détection et d’attaque contre les sous-marins en haute mer. En même temps apparaissent sur les porte-avions les appareils de tonnage élevé, porteurs de missiles et de bombes atomiques, et des intercepteurs (« Crusader », « Phantom ») capables d’affronter à égalité les avions terrestres. En 1970 se dessine peut-être une nouvelle orientation avec la génération des avions à décollage court ou vertical, qui pourrait menacer la suprématie des porte-avions géants et inciter à multiplier les unités de plus faible tonnage, moins vulnérables en cas de guerre atomique.

A. L.

➙ Marine / Porte-aéronefs.

 P. Barjot, Histoire de la guerre aéronavale (Flammarion, 1961).