Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Borromini (Francesco) (suite)

L’œuvre de Borromini est essentiellement romaine et au service de l’Église. Les palais qu’il a transformés sont ceux des pontifes ou de leurs proches : les Barberini, les Pamphili, les Falconieri, dont il décore le palais d’une loggia palladienne, en attendant de leur bâtir une villa à Frascati, les Spada, dont le palais recèle une galerie d’une puissance étonnante... Mais c’est surtout aux congrégations qu’il consacre son temps. Au collège de la Sapienza, où il a été recommandé par le Bernin, il bâtira l’église Sant’Ivo de 1642 à 1650 et aménagera, dix ans plus tard, la bibliothèque Alexandrine. Il a alors déjà construit le couvent des Pères trinitaires (1634-1637) et leur église (1638-1641), San Carlo alle Quattro Fontane, dont il n’exécutera la façade qu’à la fin de sa vie, à partir de 1662. Pour le couvent des Philippins, il a élevé l’oratoire (1638-1640), une série de cloîtres et la bibliothèque. Pour les Jésuites enfin, c’est l’immense palais de la Propagande de la foi (1662-1666). Entre-temps, Innocent X l’a chargé de restaurer la nef de Saint-Jean-de-Latran (1646-1649) et, trois ans plus tard, de succéder aux Rainaldi sur le chantier de Sant’Agnese.

Le triangle de la Trinité semble irradier à la manière d’un soleil eucharistique dans la lanterne de San Carlo, seule lumière à éclairer le petit édifice. On retrouverait le même triangle équilatéral dans le plan : un losange sur les faces duquel quatre couples de colonnes supportent les pendentifs d’une coupole ovoïde, butée en manière de croix grecque par quatre grandes niches centrées sur les sommets du losange. Borromini a substitué ici au repliement du plan central traditionnel le dynamisme d’un volume rayonnant aux subtils effets perspectifs. Le mur a fait place à un puissant portique qui fait s’interpénétrer archivoltes et frontons et oppose les parties alternativement droites et courbes d’une corniche continue.

À Sant’Ivo, où un seul triangle sert de base, les trois absides sont cette fois sur les faces, et les angles, abattus, sont occupés par des baies ou des tribunes. Une coupole côtelée, qu’éclairent six hautes fenêtres, repose directement sur ce prisme au plan rayonnant, dont la continuité est renforcée par des pilastres. Une polychromie légère sur fond blanc accuse les arêtes de la coupole, traitées à la façon de colonnes reposant sur des piédestaux.

Vu du « cortile » qui le précède, Sant’Ivo offre le même caractère aérien ; la continuité est totale du haut socle formé par la chemise stabilisant la coupole jusqu’à l’amortissement spirale de la lanterne. Les couples de colonnes qui butent cette lanterne n’accentuent pas l’effet centripète, comme c’est le cas aux campaniles de Sant’Agnese ; bien au contraire, Borromini préfère briser l’unité du cylindre en l’enveloppant d’une série de concavités rayonnantes, qui engendrent autant de volumes imaginaires ; il en est de même à l’horloge des Philippins, à la lanterne de San Carlo ou au tambour de la coupole (non exécutée) d’une autre église, Sant’Andrea delle Fratte. C’est, du reste, un souci constant de l’artiste : rompre les surfaces comme les volumes ; les moyens peuvent différer, la frontalité disparaît aussi bien au palais des Jésuites qu’à San Carlo, dont la façade parachève l’œuvre de Borromini en une sorte de testament spirituel. Ici, les colonnes du portique à double étage sont placées de biais comme pour buter l’édifice ; et la sculpture devient architecture, telles ces ailes d’anges qui couronnent la niche centrale comme d’une accolade gothique, à la manière du fronton brisé au-dessus du médaillon supérieur. Ce dernier thème était cher à son auteur, qui l’a employé à San Filippo Neri et au retable des Saints-Apôtres de Naples.

Ces réminiscences médiévales ne sont pas fortuites ni étrangères à la volonté de Borromini de substituer une composition géométrique à celle de ses contemporains, modulaire et anthropomorphique ; par là il rejoint les conceptions des derniers maîtres d’œuvre gothiques. Il appartiendra au père Guarini* d’aller plus loin encore et de faire du baroque une synthèse.

H. P.

 G. C. Argan, Borromini (Milan, 1952). / H. Thelen, Francesco Borromini, die Handzeichnungen (Graz, 1967). / P. Portoghesi, Borromini (Vincent Fréal, 1970).

Bosch (Jheronimus ou Hiëronymus, en fr. Jérôme)

Peintre des anciens Pays-Bas méridionaux († Bois-le-Duc 1516).



L’homme

Son nom véritable, Jeroen Van Aken (ou Aeken), porte à croire que sa famille pouvait être originaire d’Aix-la-Chapelle. On sait que son grand-père, trois de ses oncles, son père et un de ses frères étaient établis à ’s Hertogenbosch (Bois-le-Duc) comme « maelre », c’est-à-dire comme peintres. Il a pris pour pseudonyme Bosch, abréviation usuelle du nom de la ville. On croit pouvoir situer la date de sa naissance vers 1450, sur la foi d’un document de la période 1480-81 qui le mentionne comme étant alors l’époux d’Aleid Van Meervenne, issue d’une famille bourgeoise aisée. C’est à partir de cette époque qu’une bonne vingtaine de pièces d’archives nous fournissent des bribes de renseignements au sujet de sa position sociale et de ses activités. Aussi laconiques et fragmentaires qu’elles soient, ces données nous permettent de penser qu’il dut mener une vie bien rangée. Devenu membre d’une confrérie pieuse satellite de la cathédrale — la confrérie de Notre-Dame —, il était régulièrement sollicité par elle pour donner son avis sur la polychromie d’un retable sculpté, pour dessiner l’ébauche d’un vitrail ou d’un objet du culte.

Le seul document relatif à une commande proprement dite est conservé aux archives de Lille : en 1504. Bosch reçoit des arrhes pour l’exécution d’un grand tableau « de neuf pietz de hault et unze pietz de long ou doit estre le Jugement de dieu assavoir paradis et infer », tableau qui lui avait été commandé par Philippe le Beau, vraisemblablement à l’occasion de la visite faite par ce dernier à Bois-le-Duc.

Enfin, tout porte à croire que la vie du maître s’est entièrement déroulée dans les alentours et dans les murs même de Bois-le-Duc, ville de province dont l’importance ne fut pas négligeable à l’époque. C’est à la cathédrale Sint-Jan que furent célébrées ses obsèques, le 9 août 1516. On ne lui connaît pas de descendance.