Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Birmanie (suite)

Après la dissolution de cette armée par les Japonais (1942), la nouvelle armée nationale birmane comprit un bataillon karen ; par la suite, quand cette armée, avec Aung San et les autres Thakins (Çakhings), eut résolument — et secrètement — pris le parti d’organiser la résistance contre les Japonais, Aung San réussit à obtenir des Karens du delta qu’ils se joignissent à cette « organisation antifasciste » (1944).

Les Karens des montagnes s’organisaient, de leur côté, en forces de guérilla (12 000 hommes), qui jouèrent un très grand rôle lors de la reprise de la Birmanie par les forces alliées.

Après la guerre, les Karens voulurent constituer un État indépendant, en 1946, avant même que l’indépendance de la Birmanie ne fût proclamée, et ils envoyèrent une députation à Londres à cet effet.

Or, l’accord de Panglang, en 1947, promettait aux Chans et aux Kachins un État séparé, et peut-être un traitement particulier aux Chins, mais rien aux Karens.

Ces derniers boycottèrent les élections de 1947, et la nouvelle Constitution prévit des États karenni et karen, sous réserve d’un référendum parmi les intéressés. En 1948, un mouvement s’amorça à Papun en faveur d’un gouvernement karen séparé ; la révolte éclata chez les Karennis, et des rebelles karens occupèrent Thaton (Çatong) et Moulmein (Môlemyaing), mais les chefs désapprouvaient ces mouvements, qui n’eurent pas de suite immédiate.

Fin 1948, devant la situation anarchique du delta, les Karens se mirent à assurer eux-mêmes leur propre sécurité au moyen d’une organisation paramilitaire, la Karen National Defence Organization (KNDO). Le meurtre de 80 Karens dans leurs églises, la nuit de Noël, et le bombardement d’un village au nord de Rangoon (150 victimes), par des forces birmanes incontrôlées, attirèrent de violentes ripostes, et tout le delta fut bientôt à feu et à sang ; les rebelles karens rejoignirent les communistes et les Kachins, et la guerre civile marqua toute l’année 1949 ; les Karens tinrent quelque temps Meiktila, Mawchi (Mochi), Papun, Moulmein (Môlemyaing), toute la banlieue de Rangoon ; ils considéraient la région qu’ils contrôlaient comme un véritable État, qu’ils appelaient le Kawthoolei (Koçoulé). En 1952, un État karen fut légalement institué ; la rébellion n’en continua pas moins.

En 1958, il y avait encore 4 000 insurgés environ, mais Ne Win, nouveau chef du gouvernement, réagit énergiquement ; de même, en 1962, la lutte contre la rébellion karen fut sévère. En 1963, Ne Win offrit l’amnistie à tous les rebelles, et les troupes de la KNDO conclurent un accord (mars 1964) mettant fin pour un temps à la rébellion karen ; l’État karen prit officiellement le nom de Kawthoolei (Koçoulé).


Les Birmans


Leur arrivée

Venant du nord-est, ils entrèrent probablement en Birmanie entre la Nmai Hka et la Salouen, après être passés par le Nan zhao, atteignant les plaines de Birmanie centrale à la fin du viiie ou au début du ixe s. ; les inscriptions témoignent d’une première organisation administrative sur le territoire de Kyaukse (Čauq’sé). Le nom de Mran mā, forme birmane de « Birman », apparaît dans une inscription de 1190, mais il devait être usité avant, car les Môns, dès 1102, les appellent Mirma.


Les royaumes birmans

La vague d’immigration birmane se divisa très tôt en plusieurs branches : l’une en Birmanie centrale, descendant l’Irrawaddy jusqu’à Prome ou le remontant jusqu’à Shwebo (Chwébô) ; une autre suivant la vallée de la Chindwin (Čhindwing) ; une troisième en Arakan. Quant à l’histoire de l’État qui se constitua en Birmanie centrale, elle est fondée sur des données solides — c’est-à-dire épigraphiques — seulement à partir du roi Aniruddha (1044-1077), et l’existence de la capitale, Pagan, est confirmée à partir du xie s. par une inscription chane ; mais, d’après les chroniques, le royaume de Pagan dura de 849 à 1299.

Pagan étendit sa domination — ou sa suzeraineté — sur la basse Birmanie ; la ville mône de Thaton (Çatong) fut prise, et sa population aurait été déportée ainsi que son roi. L’influence des Môns, considérable sur la civilisation du royaume birman, est parfaitement attestée, de même que l’adoption du bouddhisme theravāda, qui était celui des Môns, comme religion d’État. Il succédait à un bouddhisme mahāyāniste plaqué de fraîche date sur un culte des génies, qui d’ailleurs survécut.

La suzeraineté que Pagan affirma sur l’Arakan n’eut pas, à cette époque-là, autant de conséquences, et, du côté des Thaïs, Aniruddha matérialisa les frontières de son royaume par des bornes placées au pied même des monts Chans.

Jusqu’à la chute de Pagan, sous les coups successifs des Sino-Mongols, puis des Chans (1287 et 1299), l’ethnie birmane dans la zone centrale fut prépondérante ; une civilisation birmane s’épanouit, avec ses monuments (5 000 temples et pagodes répertoriés dans la seule aire de Pagan), sa langue écrite, attestée depuis 1114 par des inscriptions datées, sa religion.

À la chute de Pagan, un centre de civilisation se reconstitua à Toungoo (Taungou), sur le Sittang. Au milieu du xive s., le seigneur de Toungoo prit le titre de roi : ainsi débuta la première dynastie de Toungoo (1347-1599).

Au début du xvie s., le désordre qui régnait au royaume d’Ava permit à celui de Toungoo de s’étendre jusqu’au bassin d’irrigation de Kyaukse (Čauq’sé), puis de conquérir le delta et tout le territoire môn, de 1539 à 1541. Vers le nord, le nouveau royaume atteignit les districts de Monywa et Shwebo (Chwébô), et la suzeraineté birmane s’étendit sur les États chans.

À cette époque, l’Arakan, de peuplement birman, formait un royaume indépendant ; sa civilisation devait être brillante, car la première œuvre littéraire dite « birmane » qui nous soit parvenue y avait été composée un siècle plus tôt.

En Birmanie centrale, les Birmans, vainqueurs des Môns, qu’ils appelaient Talaings, annexaient de nouveau les trésors matériels et culturels de ceux-ci : leur littérature, leur musique, leurs danses ; ils rédigeaient un code inspiré du leur, et déplaçaient leur capitale de Toungoo à Pegu, qui, brûlée au cours d’une rébellion mône, fut reconstruite entièrement, par le roi birman Bayin Naung, après 1564, suscitant l’admiration des voyageurs étrangers. Pegu demeura capitale de l’Empire birman jusqu’en 1635, mais, depuis 1600, la ville avait cessé d’être un port de mer à cause de l’envasement du delta.