Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Birmanie (suite)

Les guerres avec le Siam, qui commencèrent sous Tabinshweti, au milieu du xvie s., et se poursuivirent pendant deux siècles, n’aboutirent jamais à une expansion territoriale durable — même lorsque la capitale, Ayuthia, était conquise — à la différence de ce qui se passa au nord et en basse Birmanie. Mais les déportations et l’occupation provisoire du Siam firent pénétrer la civilisation siamoise en Birmanie, et de même qu’il y avait eu, dans tous les arts, une période « talaing », il y eut une période « Yôdaya » ainsi appelée d’après le nom d’Ayuthia.

Du xvie s. à la colonisation anglaise, les rois de Birmanie furent rarement assurés de leur empire, qu’il fût vaste ou réduit au couloir central Irrawaddy-Sittang menacé par les rébellions des Chans ou des Môns, ou bien par les interventions des Arakanais, pourtant frères de race des Birmans, aux côtés des Môns.

En 1599, Toungoo, tenu par un gouverneur, Chiengmai et Prome sont en révolte ; une invasion siamoise a lieu, une flotte arakanaise prend Syriam et laisse la ville aux mains d’un aventurier portugais ; les Arakanais, alliés au gouverneur rebelle de Toungoo, prennent et brûlent Pegu, le roi Nanda Bayin est mis à mort et le royaume disloqué.

Sa reconstitution fut rapide, et la deuxième dynastie de Toungoo (1599-1752) fut florissante jusque vers 1648.

La capitale fut successivement Pegu et Ava. Le roi Thalun (Çalung) [1629-1648], notamment, rétablit l’ordre, réorganisa, s’occupant avec un soin tout particulier du bassin d’irrigation de Kyaukse (Čauq’sé), faisant compiler le premier code, établissant une administration du revenu, pour tout le royaume, fondée sur un recensement général.

Après lui, les révoltes reprirent, et une sorte d’anarchie régna jusqu’au début du xviiie s. ; il y avait toujours un souverain birman à Ava, mais il ne contrôlait plus son empire.

En 1749, un raid du Manipur faillit emporter Ava, et en 1752 les Môns prirent et brûlèrent la capitale.

Mais l’Empire birman se reconstitua encore avec une rapidité foudroyante, grâce à l’énergie et à l’habileté d’un simple chef de petite ville, Aung Zeya, qui, devenant le roi Alaung Phaya, fonda la dynastie Konbaung (début 1752-1795, fin 1795-1885).

Il s’attaqua, en 1759, au Manipur, prit sa capitale, déportant les habitants en Birmanie centrale, notamment de nombreux artisans de la soie — ce qui favorisa le développement d’une véritable industrie de la soie dans la région de Sagaing et Amarapura —, des ciseleurs, des bateliers, des astrologues et enfin des cavaliers d’élite, qui furent enrégimentés dans l’armée birmane.

Ses descendants prirent Ayuthia, capitale du Siam (1767), l’Arakan (1785), ravagèrent le Manipur et conquirent l’Assam en 1817.

L’empire était immense, mais l’Arakan se révoltait sans cesse : répressions, déportations, exactions s’y succédaient ; les Arakanais quittèrent en masse leur pays, se réfugièrent dans le territoire voisin de Chittagong (territoire de la Compagnie des Indes anglaises ; auj. Pākistān). L’Arakan se dépeupla, le Manipur était un désert, si bien que, lorsque le roi Bodaw Phaya fit faire un recensement (1803), la population totale n’atteignait pas deux millions. Enfin, aux incursions en territoire britannique, à la poursuite de fugitifs, les Anglais ripostèrent par l’invasion de la basse Birmanie en 1824, l’occupation de l’Arakan et du Tenasserim, et par une campagne, l’année suivante, qui les mena à quelques jours de marche d’Ava. Par le traité de Yandabo (1826), le royaume de Birmanie perdait l’Arakan, le Tenasserim, le Manipur et l’Assam : l’Arakan et le Tenasserim devenaient provinces anglaises.

Or, après ce traité, se succédèrent à Ava les rois les moins capables de l’histoire birmane ; en 1852, une deuxième guerre de Birmanie aboutit à la conquête du Pegu par les Anglais.

Une révolution de palais plaça alors Mindon (Mindong) sur le trône de Birmanie. Il sut établir des relations dignes avec les Anglais, faire de Mandalay (Manda‘lé) une capitale (1859), établir des relations avec de lointains pays (France, Italie) par l’envoi de missions, introduire en Birmanie des machines et des techniques modernes, faire construire de petites usines, des bateaux, régulariser l’impôt et le système de rétribution des officiers royaux. Ce fut le dernier règne remarquable.

Sous Thibaw (Çibo) [1878-1885], l’annexion fut totale : Mandalay fut prise en 1885, Thibaw exilé, et la Birmanie devint anglaise pour un demi-siècle. L’histoire de cette période est celle de l’implantation de divers systèmes occidentaux : politique, administratif, religieux, culturel.

Des notions nouvelles, comme celle de la propriété, s’introduisirent. Dans la Birmanie ancienne, en effet, le roi ou quelque haut personnage au service de celui-ci était le seigneur de la terre, c’est-à-dire qu’il percevait l’impôt dessus, et le paysan en était l’utilisateur ; la terre n’était pas aliénable, alors que la personne humaine l’était (la servitude pour dette existait) ; la terre ne pouvait être hypothéquée. Lorsque les paysans, attirés par les Anglais en basse Birmanie pour mettre le delta en valeur, s’endettèrent en aliénant la terre qui leur avait été concédée, ils ignorèrent la conséquence de leurs dettes, c’est-à-dire la perte de leurs champs. Un essai de coopérative de crédit, en 1904, n’évita pas les conséquences désastreuses d’une exploitation par ailleurs peu rentable. La longue rébellion de Saya San en 1930-1932 fut celle de paysans voulant récupérer leurs terres, devenues la propriété d’usuriers indiens, les chettyars, qui possédaient la moitié de la basse Birmanie !

Après la guerre, le gouvernement birman considéra les propriétaires indiens comme expropriés, et le gouvernement indien refusa de prendre des mesures inamicales à l’égard de la Birmanie. En Birmanie, une loi relative à la nationalisation de la terre en interdit la tenure aux non-cultivateurs, et prévit une indemnisation — faible — des chettyars (oct. 1948).