Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Birmanie (suite)

Les Thaïs

Au début, l’histoire des Thaïs du Nan zhao (Nan-tchao), royaume situé à l’ouest et au nord-ouest du Yunnan, est en relation avec celle de la Birmanie. Les chroniques chinoises nous apprennent la conquête du royaume pyu, en 760 apr. J.-C., par le deuxième roi du Nan zhao, et la construction d’une forteresse pour contrôler la plaine de l’Irrawaddy (Irawadi).

Elles nous révèlent le rôle déterminant d’une autre intervention du Nan zhao : le pillage de la capitale pyu en 832 et la déportation de milliers de captifs dans la capitale du Yunnan.

Par ailleurs, les Thaïs s’installent peu à peu dans ce qui est maintenant l’État chan du Nord, tandis qu’une autre branche, les Ahoms, s’en va fonder un royaume en Assam au début du xiiie s.

Dans une seconde phase, après la conquête du Nan zhao par Kūhīlay khān et après l’écroulement du royaume birman de Pagan en 1287 sous les coups d’un petit-fils de Kūbīlay khān, ils apparaissent à la fois au sud, où Wareru (Warérou), Thaï venu du Siam, s’allie aux Môns de Pegu pour s’assurer, avec ceux-ci, la maîtrise de la basse Birmanie jusqu’à la hauteur de Prome et de Toungoo (Taungou), et au nord, où trois chefs chans s’assurent le contrôle sur la région centrale de Kyaukse (Čauq’sé), puis pillent, brûlent ce qui restait de Pagan en 1299.

Leurs descendants s’installent en Birmanie centrale ; leurs capitales sont : Pyinya, Sagaing (Se‘gaing), Ava. Leur domination en Birmanie centrale, aux xive et xve s. ainsi qu’au début du xvie, apporte désordre et ruine, et provoque un exode massif des populations birmanes vers le sud, vers Toungoo, mais, paradoxalement, la masse de la population reste suffisamment birmane pour que le premier royaume d’Ava soit considéré comme un royaume birman : d’ailleurs, les inscriptions d’Ava sont en birman.

Les révoltes de leurs vassaux chans eux-mêmes contre les rois d’Ava ajoutèrent encore à la confusion.

Le royaume chan d’Ava s’écroula en 1555. La région redevint birmane, et, malgré une brève tentative d’alliance des Chans avec les Môns et l’Arakan, la suzeraineté birmane s’étendit également, après une succession de campagnes, sur les États chans de Bhamo (Bamô) et Chiengmai (Zingmè), dont certaines populations furent déportées et introduisirent chez les Birmans leurs arts et leurs techniques : art du laque, par exemple. Du xviiie s. à la conquête de la Birmanie par les Anglais, la suzeraineté birmane s’exerça de façon lâche sur les États chans.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, on vit finalement l’association chane se joindre au mouvement de résistance nationale birmane, mais, en 1947, à Panglang, les Chans obtinrent l’assurance de constituer un État relativement autonome dans la future Birmanie indépendante, ce qui fut réalisé après 1948.

En 1952, les troupes de Jiang Jieshi (Chang Kaï-chek) réfugiées en pays chan, et auxquelles s’étaient joints des Chans, atteignaient l’effectif de 12 000 hommes ; en janvier suivant, elles déposèrent le seigneur, ou sobwa, de Möng Hsu, et menacèrent Taunggyi (Taun‘ji) ; elles furent repoussées ; leur transfert à Taiwan fut décidé, mais seulement 2 000 hommes y furent déplacés, et ils étaient 6 000 en 1954. Il y en a encore autour de Kengtung, en 1970.

Après 1958, les rébellions chanes commencèrent ; en 1960, des sobwas demandèrent à U Nu une plus grande indépendance, ou même une sorte de sécession, et les rebelles chans, de leur côté, redoublèrent d’activité, s’alliant à la KNDO et au Guomindang (Kouo-min-tang). Les Chans tinrent même en juin 1961, avec le chef de leur État, une « conférence des minorités » à Taunggyi (Taun‘ji).

Lorsque Ne Win reprit le pouvoir, en 1962, il réagit militairement contre l’insurrection, puis, en 1963, offrit l’amnistie aux insurgés, mais la délégation envoyée par ceux-ci ne parvint pas à un accord (elle demandait la sécession totale).


Les Saks

On sait peu de chose sur l’histoire de la branche sak des migrations tibéto-birmanes vers le sud ; les rares indications épigraphiques birmanes, comparées aux traditions saks et à la présence de quelques îlots de population laissés par la vague de migration au temps de sa plus grande expansion, la situent avant l’arrivée des Birmans et fixent ses limites méridionales à Pagan, Taungdwingyi (Taundwin‘ji) et peut-être même Prome, alors que, de nos jours, les Saks, qu’ils soient Kadus ou Ganans, ne se trouvent plus qu’au nord de Shwebo (Chwébô) et aux environs de Myitkyina. Leur capitale était à un moment Tagaung, que les chroniques donnent pour une ancienne capitale birmane. L’expansion sak semble avoir été éphémère et ne pas s’être accompagnée d’une emprise solide sur le pays.


Les Karens

Les Karens ont peu fait parler d’eux dans l’histoire ancienne de la Birmanie : on sait qu’en 1280 le roi de Pagan dut fortifier Toungoo (Taungou), qui n’était alors qu’un petit village, pour protéger sa région des raids des Karens rouges, ou Karennis (actuellement appelés Kayahs), venant de l’est du Sittang pour se procurer des esclaves.

On les retrouve se livrant à la même occupation dans la seconde moitié du xixe s., vers 1870 ; leurs raids enveniment les relations entre la cour de Mandalay (Manda‘lé) et les Anglais occupant la basse Birmanie, les uns et les autres voulant mettre fin à ces expéditions et, par conséquent, contrôler le territoire karenni : expéditions punitives birmanes, protestations britanniques contre ces dernières, indépendance provisoire de l’« État » karenni se succèdent sans que les raids cessent pour autant.

À la fin du xixe s., la faculté baptiste américaine de Rangoon était surtout fréquentée par les Karens. Elle deviendra le « Judson College », partie de l’université de Rangoon créée en 1920.

Avec les Chins et les Kachins, les Karens formèrent la masse de l’armée « birmane », du temps de la colonisation anglaise. En 1939, il y avait seulement 472 Birmans, contre 3 197 Karens, Chins et Kachins.

Avant la guerre, lors du réveil du nationalisme birman, un parti probritannique s’opposa aux partis nationalistes (comme celui des Thakins [Çakhings]) : il était composé de Britanniques, d’Indiens, de Chinois (du monde des affaires), de Karens, d’Eurasiens ; on l’appelait le parti de la « Golden Valley » (du nom d’un quartier riche à l’extérieur de Rangoon).

En 1942, l’armée de l’Indépendance birmane, formée d’éléments incontrôlables, se livra, contre les Karens restés tous fidèles aux Anglais, à des exécutions sommaires et même à des massacres, d’ailleurs réprouvés par U Nu, et que Aung San tenta vainement d’empêcher.