Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Beyrouth (suite)

Les activités

Cet essor récent a ainsi implanté une métropole surimposée très artificiellement à son pourtour immédiat. L’impact de Beyrouth sur le monde rural environnant est négligeable, et sa bourgeoisie semble même moins participer que celle d’agglomérations plus modestes au développement des vergers et des plantations de la plaine côtière. Avec une vingtaine de milliers d’ouvriers répartis entre les industries alimentaires et frigorifiques, la construction, les textiles (tissage de la soie et de la laine, filature et tissage du coton, confection et bonneterie), des industries urbaines diverses (verrerie, cuir, petite métallurgie), l’industrie n’est pas négligeable, mais reste à une place secondaire. C’est essentiellement du dynamisme de sa population, de son activité commerciale et de ses relations lointaines que vit la cité. Son port (trafic total d’environ 2,5 Mt, dont 80 p. 100 aux importations) ajoute à ses fonctions nationales un rôle important de transit vers la Syrie, la Jordanie ou l’Iraq, qui compte pour près de 40 p. 100 du total (grâce notamment à une zone franche dont le trafic l’emporte sur celui des marchandises soumises aux droits de douane, et qui joue un rôle complexe d’entrepôt commercial et industriel, assurant en particulier aux navires un fret de retour). Mais un élément essentiel de la prospérité est le rôle de place financière et de refuge pour capitaux, affirmé depuis l’instauration du secret bancaire en 1956, pour tout le Moyen-Orient et même au-delà en raison des rapports étroits que la ville a conservés avec la Diaspora libanaise. Un rôle intellectuel important s’y ajoute avec plusieurs universités. Enfin, il faut citer sa fonction de centre de distraction, de tourisme et de villégiature, liée à la structure multiconfessionnelle et cosmopolite de sa population, à l’ouverture vers l’Occident, au traditionnel libéralisme des rapports humains, donnant à Beyrouth, industrieuse et plaisante à la fois, une saveur unique en Méditerranée orientale.

X. P.

 Chehabe-ed-Dine, Géographie humaine de Beyrouth (Beyrouth, 1960). / H. Ruppert, Beirut (Erlangen, 1969).

Bèze (Théodore de)

Écrivain et théologien protestant (Vézelay 1519 - Genève 1605).


Fils d’une famille noble et cultivée, richement doué matériellement, physiquement et intellectuellement, élève du célèbre juriste allemand Melchior Wolmar (disciple de Lefèvre d’Étaples), qui le garde sept ans chez lui et lui donne une formation classique hors pair, destiné comme Calvin à une brillante carrière de juriste ecclésiastique, Th. de Bèze se convertit à la foi évangélique à la suite de longs débats intérieurs et d’une grave maladie. Renonçant alors à toutes ses charges et privilèges, il s’établit à Genève en 1548. Une étroite amitié, fondée sur une entière communauté de vues, ne tarde pas à l’unir à Calvin. Toutefois, c’est à Lausanne que Th. de Bèze, à l’appel de Pierre de Viret (1511-1571), se fixe : au lieu de fonder à Genève l’imprimerie que désirerait Calvin, il devient professeur de langue grecque à la nouvelle Académie qui vient d’être créée dans la capitale vaudoise. Il y restera dix ans.

De là, il va entreprendre, au service de la Réforme calviniste, des missions d’intercession et de conciliation, auxquelles semblent le destiner ses dons éminents de diplomate. En faveur des vaudois d’Italie persécutés, il intervient auprès des cantons évangéliques et des princes luthériens allemands. En faveur de protestants français persécutés, il fait, en vain, intervenir auprès d’Henri II les cantons suisses et les princes allemands. Au cours de ses missions, il se rapproche beaucoup de Heinrich Bullinger (1504-1575), le successeur de Zwingli, et se lie d’amitié avec Melanchthon, l’alter ego de Luther. Durant cette période, il publie une traduction française des psaumes, une traduction latine du Nouveau Testament et la Confession de la foi chrétienne, une brève exposition, en langage populaire, de la foi évangélique.

En 1558, il quitte Lausanne pour Genève, où il devient pasteur et professeur de théologie. Premier recteur de la nouvelle Académie, il va former les jeunes générations de théologiens, qui seront, notamment en France, les conducteurs des Églises persécutées : c’est au martyre que prépare souvent son enseignement ; il en est pleinement conscient. Toutefois, son tempérament de conciliateur et son amour de la paix lui font rechercher détente et accords. C’est lui qui sera le porte-parole des réformés au colloque de Poissy en septembre 1561 ; il prépare la réunion officielle par de longs et patients dialogues avec les chefs du parti catholique et, en particulier, avec le cardinal de Lorraine et le chancelier Michel de L’Hospital. Au moment où s’ouvre la rencontre, il prononce, au nom de tous, l’admirable confession des péchés, qui, jusqu’à aujourd’hui, est restée en usage dans la liturgie dominicale réformée. Mais le siège des prélats catholiques était fait : les protestants devaient être traités en accusés et non en partenaires ; le colloque ne pouvait aboutir. Malgré cela, Th. de Bèze séjourne longuement en France ; c’est encore lui qui, après le massacre de Wassy (mars 1562), est désigné pour aller demander justice au roi. Il prononce à cette occasion la phrase devenue la devise des églises réformées en France : « Sire, c’est vraiment à l’Église de Dieu au nom de laquelle je parle d’endurer les coups et non pas d’en donner ; mais aussi vous plaira-t-il vous souvenir que c’est une enclume qui a usé beaucoup de marteaux. » Tout espoir d’arriver à une solution pacifique s’étant révélé vain, Th. de Bèze justifie le droit des opprimés à la résistance et à l’emploi de la violence pour obtenir justice.

À la mort de Calvin, en 1564, il devient tout naturellement son successeur, et sera jusqu’en 1580 à la tête de l’Église de Genève : son activité est alors aussi diverse qu’immense. De nouveau en France, il participe avec Coligny à différents synodes nationaux et, après la Saint-Barthélémy, organise l’accueil et le soutien des réfugiés affluant à Genève, qui sera désormais l’asile de tous les fugitifs. L’abjuration, en 1593, d’Henri IV, à qui l’attachaient des liens très forts, est durement ressentie par lui, et il écrit à ce moment certaines de ses plus belles lettres à son royal correspondant. Ce n’est pas la colère mais la tristesse qui y domine, la calme certitude aussi que la cause de l’Évangile est entre d’autres mains que celles des hommes, fussent-ils princes et protestants.