Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

béhaviorisme (suite)

Étude génétique du comportement

Watson constate que la gamme des réponses dont dispose un enfant à la naissance est très réduite ; elles sont peu spécifiques, en général inadaptées à la stimulation, et peu différentes d’un nouveau-né à l’autre. Il nie le rôle de l’hérédité : les individus ne se différencient du point de vue somatique comme du point de vue psychique que par l’action de l’environnement, qui n’est jamais le même d’un individu à l’autre. Il écrit en 1925 : « Donnez-moi dès leur naissance des bébés normaux avec leurs mouvements spontanés identiques et je vous construirai selon vos désirs toute une diversité d’adultes ayant des goûts, des personnalités et des talents différents. Et cela rien qu’en disposant autour d’eux un environnement convenable, rien que par la magie de l’éducation. »

L’environnement agit sur l’individu par le mécanisme du conditionnement. Les trois grandes catégories de réponses, ou organisations, pour Watson ont une évolution un peu différente.

• L’organisation émotionnelle. Elle est la plus ancienne. Son conditionnement est très précoce chez le nouveau-né. Watson n’a observé que trois registres émotionnels déclenchés par des stimulations spécifiques : 1o la peur provoquée exclusivement par un bruit fort et par la perte du support ; 2o la colère provoquée par l’immobilisation forcée du corps ; 3o l’amour provoqué par les caresses et les bercements. Pour montrer toute l’importance du conditionnement dans ce développement du champ émotionnel, il a conditionné (en 1921) une réaction de peur chez un enfant de 11 mois : celui-ci avait l’habitude de jouer avec un rat blanc et divers objets de fourrure sans jamais manifester la moindre frayeur. En présentant à l’enfant un rat blanc on lui fait entendre un bruit fort (stimulus efficace), l’enfant abandonne le rat et pleure. Après une dizaine de présentations associées rat blanc (stimulus conditionnel) et bruit fort (stimulus inconditionnel), l’enfant pleure et le rat seul suffit à déclencher l’intense réaction de peur ; de plus, cette réponse s’est généralisée à toute la classe des objets de fourrure.

• L’organisation manuelle. Les habitudes locomotrices et manipulatrices sont sélectionnées par le conditionnement à partir des mouvements spontanés et peu différenciés de tous les nouveau-nés.

• L’organisation laryngée. Elle est plus tardive et se développe par le renforcement sélectif de certaines vocalisations faisant partie du répertoire spontané de tous les nouveau-nés. Puis, sous l’influence des contraintes sociales, l’expression verbale est intériorisée : c’est en cette parole implicite que réside la pensée.

L’organisation verbale supplée bientôt à l’organisation manuelle, elle peut s’y substituer et permet de contrôler les comportements moteurs par anticipation verbale de la solution. La mémoire se constitue à partir de ces comportements verbaux qui accompagnent les comportements moteurs ou viscéraux. L’oubli des premières années de la vie s’explique pour Watson par l’absence d’organisation verbale à cette époque ; et le refoulement qui touche surtout les activités sexuelles et viscérales est dû à la pauvreté du vocabulaire consacré à ces activités du fait des tabous sociaux.

La psychologie de Watson se présente comme strictement déterministe et matérialiste, elle écarte la causalité psychique du comportement, elle montre la continuité de l’homme à l’animal et la fonction essentiellement adaptative de tous les comportements.


Les néo-béhavioristes

Watson n’a imposé aucune façon de concevoir le comportement. Ses élèves en ont d’ailleurs recherché les principes explicatifs dans des voies très différentes : la physique et la chimie pour Albert Weiss (1879-1931), la physiologie nerveuse pour Karl Spencer Lashley (1890-1958).

À partir de 1930, sous l’impulsion de Clark Leonard Hull (1884-1952), se dégage le courant néo-béhavioriste, dont les plus représentatifs sont Edward Chace Tolman (1886-1959) et Burrhus F. Skinner (né en 1904), qui, bien que n’acceptant pas intégralement la théorie de Watson, la trouvant trop simpliste, en retiennent néanmoins la recherche de l’objectivité. Ils ont surtout cherché à montrer que la psychologie n’était pas réductible à la physiologie, et que le comportement-réponse global de l’organisme ne pouvait être décomposé en une somme de S-R sans être dénaturé. Entre le stimulus et la réponse, ces deux auteurs font intervenir des variables intermédiaires de nature somatique ou psychologique (besoin ou tendance, motivation). Le comportement est avant tout déterminé par un but qui est la réduction du besoin déclenché par la stimulation. Ce biais leur permet de réintroduire des variables négligées par le béhaviorisme classique.

L’effort des néo-béhavioristes s’est porté vers la concrétisation et la formulation des lois établies à partir d’observations, et vers la définition des concepts de base. C’est dans ce sens que Hull a préconisé la méthode hypothético-déductive dans une perspective opérationniste.

Skinner, Hull et Tolman se sont cantonnés dans les objets d’étude traditionnels des béhavioristes : l’apprentissage et le conditionnement ; mais, à partir de 1950, sous l’influence notamment de la psychanalyse, les néo-béhavioristes ont abordé des sujets comme la perception (travaux d’Ivo Köhler et de James Gibson), les comportements instinctifs (avec l’école d’éthologie objective), le langage, la personnalité. Aux États-Unis, ils se sont attachés à valider expérimentalement les théories freudiennes : ainsi les travaux d’Allan Ray Wagner sur la frustration (1959) et ceux de John Dollard et Neal E. Miller (1950), qui ont cherché à intégrer la théorie de l’apprentissage à la conception psychanalytique de la personnalité.

Actuellement, le béhaviorisme se présente plus comme une attitude d’objectivité en psychologie que comme une théorie explicative du comportement.