Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Béarn (suite)

 P. Courteault, Histoire de Gascogne et de Béarn (Boivin, 1939). / E. Houth, J. F. d’Estalenx, R. Cuzacq et P. de Gorsse, Visages de Gascogne et de Béarn (Horizons de France, 1958). / P. Tucoo-Chala, le Vicomté de Béarn et le problème de la souveraineté, des origines à 1620 (Brière, Bordeaux, 1961) ; Histoire du Béarn (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1962 ; 2e éd., 1970). / M. Durliat et V. Allègre, Pyrénées romanes (Zodiaque, La Pierre-Qui-Vire, 1969).

beat generation

Ensemble des écrivains et des artistes américains qui se sont manifestés aux États-Unis à partir de 1950 et qui ont en commun, par leurs œuvres et par leur mode de vie, de contester les valeurs admises dans les arts et la vie américaine, et de proposer une esthétique et une éthique nouvelles. C’est en 1952 qu’un article du New York Times intitulé « Voici la beat generation » lança l’expression, qui fit fortune par son analogie avec la « génération perdue » des années 20.


À l’origine, il s’agit d’un mouvement littéraire qui groupe des poètes comme Charles Olson, Allen Ginsberg, Gregory Corso, des romanciers comme Jack Kerouac, Alexander Trocchi, William Burroughs*. On peut y associer Norman Mailer, des hommes de théâtre comme Julian Beck et Jack Gelber, ainsi que des peintres de l’Action Painting. Le groupe s’est formé autour de la maison d’édition City Lights, fondée à San Francisco par le romancier-poète Lawrence Ferlinghetti. Le mouvement, qui s’est rapidement étendu de San Francisco à New York, apparaît d’abord comme un mouvement romantique de renaissance poétique et de libération de la spontanéité. Kerouac (1922-1969) définit l’œuvre beat comme « une création sauvage, sans règle, émergeant des profondeurs de l’être, hallucinée si possible. Il faut balancer les complexes littéraires, grammaticaux, syntaxiques ; être en transe en rêvant d’un objet en face de soi, ne pas s’arrêter sur les mots, sentir le flux, souffler, souffler comme on souffle dans une trompette de jazz ». La littérature beat n’est pas sans rapport avec le jazz. Charles Olson (né en 1910) fait en 1950, dans son Essai sur la poésie projective, une théorie de la poésie beat. Pour lui, la poésie est une « affaire de cinétique ». Percutante, elle doit se « décharger » sur le lecteur, l’obliger à participer « à un rythme qui correspond à celui de l’orgasme ». Le poème est une projection dynamique de mots ayant valeur d’objets, ce qui correspond aux théories de l’Action Painting dans les arts plastiques. Allen Ginsberg (né en 1926) concrétise cette théorie dans son célèbre poème Howl (1956), rugissement lyrique et visionnaire. Gregory Corso (né en 1930), autre adepte de la poésie explosive, insiste sur l’importance du rythme et de la participation de tous les sens. La beat generation s’efforce de reconstituer une harmonie des sens capable de communion spontanée avec l’environnement naturel — ce qui reprend la quête romantique du « tout ». Dans cette perspective, la création littéraire n’est plus une fin en soi : elle propose un réveil des consciences aliénées.

Littéraire à l’origine, la beat devient rapidement un phénomène social : les beatniks, puis les hippies se répandent de San Francisco à New York, et bientôt à travers le monde entier. Le mot beatnik est forgé en 1958 par l’association à beat du suffixe yiddish -nik. En adoptant un mode de vie marginal, les beatniks étendent la contestation de l’art à la vie. L’ampleur du mouvement a entraîné des explications diverses et des réactions passionnées. On s’accorde à y voir un symptôme d’une crise de la civilisation occidentale. Mais, pour les uns, la beat, par son culte de la pauvreté, ses paraboles mystiques, sa vie communautaire marginale, son amour des pauvres et des Noirs, s’apparente aux premiers chrétiens ; pour d’autres, au contraire, l’usage de la drogue, la liberté sexuelle, le refus de la propriété, du travail et de l’hygiène relèvent de la délinquance.

Pour comprendre la beat generation, il faut la situer dans un triple contexte. D’une part, il y a toujours eu aux États-Unis une tradition anarchiste, une tradition de « protest » très vivace. Fondés par des « protestants » exilés, nés d’une révolution, les États-Unis, de Thoreau à Henry Miller, n’ont jamais renié cette tradition anarchiste, qui leur est aussi congénitale que le socialisme leur est étranger. D’autre part, après la Seconde Guerre mondiale, en 1945, les États-Unis traversent une crise qui remet en question leurs traditions d’optimisme et de libéralisme.

La guerre froide, la menace extérieure du communisme et intérieure des Noirs entraînent une poussée de nationalisme et de conformisme qui atteint son apogée avec le maccartisme. Libéralisme et socialisme semblent également mener aux impasses de la dictature conformiste. Enfin, la « société de consommation » a engendré la « foule solitaire ». Gavé de gadgets, qui ne sont plus que des signes de standing, et bombardé de messages publicitaires, l’Américain semble condamné à être un robot ou un névrosé. La culture traditionnelle, transmise par l’éducation et tournée vers le culte du passé, ne correspond plus à une civilisation technologique tournée vers l’avenir. Entre la culture traditionnelle et la civilisation scientifique s’ouvre une faille, où s’engouffre une culture sauvage, spontanée, qui dénonce le monde moderne tout en lui empruntant ses découvertes : synesthésie, jazz, stupéfiants chimiques, appareils électroniques.

À cette crise, la beat generation prétend répondre globalement. Les divers sens du mot beat le montrent (to beat, battre). La beat generation est la « génération battue », comme celle de l’autre après-guerre était « perdue ». Accablée, vaincue, elle veut être la génération de la liquidation, mais aussi de la résurrection spirituelle. Selon Kerouac, le mot beat est l’abréviation de « beatific » : la beat est en quête de béatitude. À un journaliste qui lui demande : « La beat est en quête de quelque chose, mais de quoi ? », Kerouac répond : « De Dieu. Je veux que Dieu me montre son visage. » Pour lui, la beat « est une génération foncièrement religieuse ». Plusieurs écrivains beat ont fait le pèlerinage d’Orient, vers le Tibet et les hauts lieux de l’hindouisme. Le dieu beat que décrit Ferlinghetti ressemble au « Cela » du zen bouddhiste ; « Quasi modo en vérité, et Dieu pas il, et Dieu pas elle, mais un cela et ce cela le pouvoir grâce auquel l’œil entend et l’oreille parle. » Dans cette recherche mystique de l’hallucination synesthésique, il n’y a pas loin du zen à la drogue, « cet orgasme murmuré dans le système nerveux ». Marijuana ou LSD, la beat se drogue : le romancier William Burroughs a poussé le plus loin cette expérience pour rapporter les visions du Festin nu (1959).