Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Béarn (suite)

Henri II d’Albret, roi de Navarre, épousa en 1527 Marguerite d’Angoulême, sœur de François Ier. Intelligente, cultivée, ouverte aux idées nouvelles, Marguerite de Navarre embellit le château de Pau, y attira les meilleurs esprits du temps et favorisa le protestantisme. Sa fille, Jeanne d’Albret, reine de Navarre, épousa Antoine de Bourbon et adhéra à la Réforme. Pour supprimer le catholicisme, elle rendit obligatoire le baptême par les pasteurs, sécularisa les biens de l’Église, fit enseigner le calvinisme à l’université d’Orthez et dans les écoles. Le Béarn fut ravagé par les guerres de Religion. Son aristocratie protestante entretint un vif sentiment d’indépendance vis-à-vis du roi de France.

Le fils d’Antoine de Bourbon et de Jeanne d’Albret, Henri, naquit à Pau le 14 décembre 1553. D’abord roi de Navarre (1562), il devint roi de France en 1589 sous le nom d’Henri IV et déclara : « Je donne la France au Béarn et non le Béarn à la France. » Il prit le titre de « roi de France et de Navarre », titre que devaient garder ses successeurs.

Après sa mort, le Béarn traversa une période agitée. Louis XIII, ayant décidé d’y rétablir le catholicisme, se heurta à la majorité protestante des États, qui refusèrent d’enregistrer son édit. Il prit alors la tête d’une expédition militaire, entra à Pau le 15 octobre 1620 et réunit le 20 le Béarn et la Basse-Navarre au royaume en promettant de respecter les fors.

Province et pays d’états, le Béarn conserva l’usage de sa langue pour les actes administratifs — le parlement siégea à Pau —, et connut le régime des gouverneurs puis des intendants sans former à lui seul une intendance. Sa population s’accrut sensiblement au xviiie s., et son économie se développa grâce à l’introduction de la culture du maïs, du lin et des plantes fourragères, à l’extension du vignoble, à l’essor des filatures et des tissages.

Le Béarn cessa d’exister administrativement le 12 janvier 1790 quand l’Assemblée nationale créa le département des Basses-Pyrénées, dont il constitue la partie orientale. À la fin de la période révolutionnaire, sa vie économique était gravement atteinte, et l’intervention napoléonienne en Espagne acheva de l’affaiblir. Il fut occupé par les troupes anglo-espagnoles après la victoire de Wellington sur le maréchal Soult à Orthez, le 27 février 1814. Sous la monarchie de Juillet, il connut une certaine prospérité en raison de l’essor du tourisme pyrénéen et du renouveau de l’industrie textile. Rallié massivement au second Empire, il donna plusieurs hommes politiques à la IIIe République, notamment Louis Barthou, Léon Bérard et Auguste Champetier de Ribes.

J. P.


L’art du Béarn

Le Béarn a été au Moyen Âge un terrain de rencontre privilégié entre les civilisations qui s’épanouissaient des deux côtés des Pyrénées. Traversé par deux importants chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle*, il a reçu des apports artistiques du Languedoc* et de l’Espagne du Nord.

La cathédrale Notre-Dame de Lescar (xiie s.) est l’une des œuvres romanes les plus intéressantes des Pyrénées par l’harmonie de ses proportions, l’unité de son plan basilical, ses chapiteaux et sa mosaïque. Pour neutraliser la poussée de la nef, l’architecture a voûté les bas-côtés en berceaux transversaux, procédé rare dans le Sud-Ouest, mais que l’on trouve à l’abbaye cistercienne d’Escaledieu en Bigorre. Les sculptures des chapiteaux de la nef et des bas-côtés, expressives, vigoureuses, qui représentent feuillages, fruits, animaux réels et imaginaires, hommes dévorés par des monstres, scènes de la Bible, ont été réalisées par des artistes déjà expérimentés, peut-être formés dans les ateliers languedociens. La mosaïque du chœur, deux bandes d’environ 5,50 m sur 1,55 m, met en scène, avec beaucoup de vie, des animaux et des chasseurs.

L’influence hispano-mauresque marque la coupole octogonale, renforcée d’arcs entrecroisés formant une étoile à huit branches, de Sainte-Croix d’Oloron (xie-xiie s.) ainsi que la coupole, également étoilée, de la curieuse chapelle en croix grecque de L’Hôpital-Saint-Blaise (xiie s.) et les claustra de ses fenêtres, en forme de cercles, dents de scie et roses découpés dans le marbre. Le porche de Sainte-Marie d’Oloron (xiie s.), qui s’ouvre sous la tour-clocher, est l’œuvre majeure de la sculpture romane béarnaise. Gaston IV le Croisé le fit édifier à son retour de Terre sainte pour commémorer la prise de Jérusalem. Le tympan de marbre figure la Descente de croix. Les vingt-quatre vieillards de l’Apocalypse ornent la voussure supérieure tout comme au portail de l’église de Morlaàs (xie-xiie s.) — où le Christ siège en majesté entre un ange et un aigle — et font penser au chef-d’œuvre de Moissac. À la naissance de la voussure inférieure émergent, sculptés en ronde bosse, un monstre qui avale un homme, et Constantin à cheval piétinant un hérétique. Enfin, il y a peu de sculptures romanes aussi savoureuses que celles qui évoquent, sur cette même voussure, des scènes de la vie populaire béarnaise.

Des hôpitaux et commanderies que fit construire Gaston IV pour jalonner les routes de Saint-Jacques, il reste, outre la chapelle de L’Hôpital-Saint-Blaise et celle d’Orion, au chevet à pans coupés, l’église de Lacommande, dont l’abside est décorée d’animaux et de scènes bibliques, la chapelle de la commanderie de Mifaget avec sa crypte circulaire à demi enterrée, coiffée d’une calotte sphérique marquée d’un chrisme, l’austère église cistercienne de Sauvelade, à coupole sur pendentifs.

Les œuvres du Moyen Âge les plus importantes, dans le Béarn, relèvent de l’art roman, mais l’art gothique a laissé plusieurs églises, dont Saint-Pierre d’Orthez (xve s.), à large nef unique apparentée aux meilleurs vaisseaux gothiques languedociens.

L’architecture civile médiévale est représentée par les parties anciennes du château de Pau*, à Orthez par le pont fortifié (xiiie-xive s.) en dos d’âne, à quatre arches et tour centrale, et par la tour Moncade, seul reste du château de Gaston VII, où Froissart assista aux fêtes offertes par Gaston Phébus. L’art de la Renaissance déploie ses grâces au château de Pau, et Nay conserve la maison de Jeanne d’Albret aux harmonieuses galeries voûtées d’ogives. Enfin, les remparts de Navarrenx sont un bon spécimen de l’architecture militaire du xvie s.

J. P.

➙ Aquitaine / Gascogne / Pyrénées-Atlantiques.