Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Badoglio (Pietro)

Maréchal et homme politique italien (Grazzano Monferrato 1871 - id. 1956).


C’est en 1916 qu’il parvient à la notoriété : commandant une des colonnes d’assaut qui enlèvent le mont Sabotino, il est l’un des principaux artisans de la victoire de Gorizia sur les Autrichiens. Le généralissime Diaz (1861-1928) le fera, en 1918, l’un de ses collaborateurs les plus proches, et Badoglio sera chef d’état-major de l’armée de 1919 à 1921. Gouverneur de la Libye de 1928 à 1933, il s’entend médiocrement avec le Duce, et il faudra toutes les déceptions et les difficultés militaires et internationales occasionnées par le début de la campagne d’Éthiopie pour que Mussolini se résigne, en novembre 1935, à en confier la direction à Badoglio. Par l’influence profonde qu’il exerce et le prestige dont il jouit dans l’armée, le nouveau commandant en chef va marquer de son empreinte le déroulement des opérations, encore que les dispositions prises aient été souvent ébauchées par son prédécesseur, le général De Bono. Après les batailles de l’Amba Alagi, les Éthiopiens, désagrégés et usés, pressés sur la frontière Somalie par l’armée du général Graziani, battent en retraite et se dispersent. Le 5 mai, Badoglio entre à Addis-Abeba, où il occupe quelque temps les fonctions de vice-roi d’Éthiopie.

Nommé chef d’état-major général en 1939, il s’efforce d’éviter l’entrée en guerre de l’Italie contre la France. Quand elle se produit, le 11 juin 1940, il dirige quelques très brèves et très vaines opérations, puis, dans une atmosphère courtoise mais gênée, signe à Rome la convention d’armistice franco-italienne ; le cœur n’y est pas, Badoglio n’a jamais été germanophile. Conscient de la faiblesse de ses troupes, il désapprouve l’agression italienne contre la Grèce et démissionne sans éclat en décembre 1940, laissant son poste au général Cavallero. Après la chute de Mussolini, en juillet 1943, le roi placera le maréchal Badoglio à la tête d’un gouvernement provisoire dont la mission principale est de conclure un armistice avec les Alliés. Dès le 15 août, un envoyé de Badoglio, le général Castellano, prend contact à Madrid avec sir Samuel Hoare, et l’armistice est signé à Syracuse le 3 septembre. Devant la violence de la réaction allemande, le gouvernement Badoglio doit se réfugier à Brindisi, où il déclare la guerre au IIIe Reich. Le maréchal restera au pouvoir jusqu’à la retraite du roi Victor-Emmanuel, en juin 1944. Il quittera ensuite la vie publique et écrira ses Mémoires (L’Italia nella seconda guerra mondiale), qui paraîtront en 1946.

J.-E. V.

Bagdad

En ar. Barhdād ou Baghdād, capitale et principale ville de l’Iraq ; 2 400 000 hab.



Géographie

La ville a été fondée dans une situation privilégiée. Face à l’une des voies principales de traversée du Zagros, entre Khānaqīn et Hamadhān, se place le secteur de franchissement le plus facile du Tigre et de l’Euphrate, au nord des zones affaissées de basse Mésopotamie, où de vastes marais rendent le passage d’est en ouest à peu près impossible. Ici, au contraire, le vaste cône de déjections de la Diyālā fournit une route à pied sec jusqu’au voisinage immédiat du Tigre, qu’il a d’autre part repoussé jusqu’à une quarantaine de kilomètres seulement de l’Euphrate et des terrains secs du désert de Syrie. Les zones inondables sont réduites au minimum, et les canaux qui divergent de l’Euphrate vers le Tigre et parviennent jusqu’aux faubourgs de la ville offrent une voie navigable qui permet de passer en bateau d’un fleuve à l’autre. Tous ces avantages expliquent que cette région ait vu se développer au cours de l’histoire plusieurs grandes métropoles, Babylone, Séleucie et Ctésiphon avant Bagdad. La position centrale dans le cadre d’un État fondé sur le bassin inférieur des deux fleuves explique d’autre part que Bagdad, redevenue sous l’Empire ottoman simple chef-lieu de vilāyet, ait été tout naturellement choisie comme capitale de l’Iraq après la Première Guerre mondiale.

Le site était en revanche beaucoup moins favorable. Seuls les bourrelets naturels des levées alluviales du fleuve offraient un abri, d’ailleurs précaire, contre les inondations, abri auquel a pu s’ajouter progressivement l’exhaussement par l’accumulation des déchets urbains. La ville a en fait vécu constamment, jusqu’en 1955, sous la menace des inondations terrifiantes du Tigre, et ce danger explique certainement les migrations successives du site. La première Bagdad, la « cité ronde », avait été édifiée à l’intérieur d’un lobe de méandre sur la rive droite du fleuve, à la cote 35 m, au ras des hautes eaux moyennes. S’il n’en reste plus de traces, c’est que très vite l’ancien faubourg méridional de la cité, al-Karkh, sur une butte dont le sommet atteint 44 m et dépasse 36 m sur 1 400 m de long et 600 m de large, lui fut préféré. Au xe s., la ville émigrait de nouveau vers la rive gauche, sur un site beaucoup plus vaste, où la levée du Tigre dépasse 36 m d’altitude sur 2 300 m de long et 1 500 m de large. C’est là qu’elle fut close en 1095 (par le calife al-Mustaẓhir) de murs qui subsistèrent jusqu’au xixe s. Les remparts d’une part, les soubassements des maisons du côté du Tigre d’autre part servaient de digues, et la ville était, en période de crue, complètement encerclée par deux écoulements parallèles. Cette situation resta sans changement notable pendant plusieurs siècles et ne fut que faiblement améliorée par les premiers travaux du gouverneur ottoman Nadīm pacha avant la Première Guerre mondiale, puis par ceux de l’administration britannique, qui, par la construction d’une digue continue sur la rive gauche, l’Eastern Bound, élargit quelque peu le périmètre urbain. Mais la date essentielle est 1955, où l’achèvement du barrage de Sāmarrā, capable d’écrêter les crues du Tigre en dérivant les eaux vers la dépression du wādi Tharthar, permit l’éclatement de la ville et sa gigantesque expansion consécutive.