Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bade-Wurtemberg (suite)

La partie nord, grâce aux villes de Karlsruhe, Mannheim, Heidelberg, Stuttgart, joue le rôle essentiel dans l’économie. Pays du Neckar et pays du Rhin au sens strict du terme concentrent la population et les activités. Mais les régions rurales n’échappent pas au processus d’industrialisation. La Souabe est réputée pour son dynamisme, qui est lié à l’ancienneté et à la vigueur de la vie urbaine. L’intelligence, l’ingéniosité du Souabe ont souvent été citées comme cause fondamentale de l’essor étonnant de la région. Le pays manquait de tout. Les seuls facteurs favorables étaient une situation géographique heureuse, l’abondance de l’eau et surtout la richesse en hommes. Le surpeuplement rural a favorisé l’industrialisation. Et celle-ci a engendré l’urbanisation. En 1968, seulement 23 p. 100 de la population vivent dans les communes de moins de 2 000 habitants (dont beaucoup abritent des travailleurs industriels ou des salariés des villes voisines). Le Nord est nettement plus urbanisé que le Sud. Le Bade-Nord présente des caractères typiquement rhénans : 14,6 p. 100 de ses habitants résident dans les communes rurales, alors que les grandes villes (Grossstädte) de plus de 100 000 habitants totalisent 37,8 p. 100 de la population. Si la Grossstadt attire incontestablement, 41 p. 100 de la population résident, en 1968, dans les villes de 2 000 à 20 000 habitants. Ces chiffres illustrent assez bien l’urbanisation des campagnes, qui est presque totale dans les districts du Nord.


Une vie agricole diversifiée

Le Land présente au moins trois types régionaux d’agriculture.

Dans le pays de Bade, la polyculture à base de plantes commerciales est une vieille tradition. L’assolement triennal avec jachère nue a été abandonné, dans la région du cône alluvial du Neckar, dès le xviie s. Houblon, tabac, betterave sucrière se partagent les labours avec les céréales ; mais l’élevage gagne en importance. Les exploitations sont de taille réduite, une vingtaine d’hectares en moyenne. La vigne s’est implantée sur les collines du piémont de la Forêt-Noire ainsi que dans le Kaiserstuhl, massif volcanique saupoudré de lœss, où d’importants travaux d’aménagement ont permis une extension de la vigne. Sur les 13 000 ha de vignes, 6 400 ha sont situés en Bade ; le reste se trouve dans la vallée du Neckar, quelques vallées affluentes et sur les bords du lac de Constance. Les exploitations viticoles supérieures à 5 ha sont peu nombreuses. Les vignerons, prenant exemple sur l’Alsace voisine, se regroupent en coopératives.

Dans la Forêt-Noire, les labours prennent plus d’importance que dans les Vosges. Néanmoins, l’économie herbagère, en vue de la production de lait, exprime la dominante agricole. La large maison (Schwarzwaldhaus), où tout est groupé sous le même toit, est caractéristique de la région et d’une paysannerie solidement enracinée.

La Souabe, surpeuplée, voit la suprématie de la petite paysannerie. Les champs ouverts allongés, de dimensions réduites, nécessitent un remembrement urgent. La polyculture intensive est orientée vers la production laitière en vue de ravitailler les cités et zones industrielles.


Le second Land industriel de la R. F. A.

Rien ne prédisposait le Land à devenir une grande zone industrielle. Seules les initiatives individuelles, le génie industriel de quelques hommes en ont décidé ainsi : Gottlieb Daimler, Carl Benz et Robert Bosch en particulier. L’existence d’un grand-duché de Bade et d’un royaume du Wurtemberg jusqu’en 1918 a certainement contribué à développer des structures régionales. De ce fait, Karlsruhe et Stuttgart ont été des métropoles plus ou moins autonomes avec, notamment, un certain pouvoir financier (budget, banques régionales) qui a favorisé les investissements régionaux. Le développement industriel a fait de rapides progrès depuis 1945.

Même en tenant compte de l’érosion monétaire, les chiffres traduisent un essor continu de l’industrie et, surtout, le développement des activités de haute valeur technologique. Les industries de base (fonderie, chimie, bois) n’emploient que 12 p. 100 des salariés industriels. Les industries d’équipement caractérisent le mieux la région : elles utilisent 53 p. 100 de la main-d’œuvre industrielle. Quelques branches émergent : construction mécanique, construction de véhicules et moteurs, industrie électrotechnique (plus de 200 000 salariés pour chaque branche), mécanique de précision et optique. De grands noms ont porté loin la renommée de l’industrie souabe ou badoise : Daimler-Benz (Mercedes à Stuttgart), Porsche (à Sindelfingen), Zeiss Ikon (Stuttgart), Robert Bosch (Stuttgart), Standard Elektrik Lorenz (Stuttgart), Bauknecht (Stuttgart), NSU (Neckarsulm), Kienzle (horlogerie, Villingen), Junghans (horlogerie, Schramberg), Württembergische Metallwarenfabrik ou WMF (Geislingen), Pfaff (Karlsruhe), Brown, Boveri et Cie (usine germano-suisse à Mannheim). Les industries de consommation totalisent encore plus de 500 000 salariés. Le Neckar est une rue d’usines où perce de temps à autre, sur les coteaux ensoleillés, un vignoble qui continue une vieille tradition. Mais l’industrie a gagné le plateau souabe. Zeiss-Ikon s’est décentralisé à Oberkochen. Les activités sont très spécialisées, faisant entrer dans le prix de revient plus de matière grise que de matières premières. L’avant-pays de l’Alb, riche en cours d’eau, avait attiré les usines à papier et les fabriques de textile. L’industrie a partout reçu une vigoureuse impulsion grâce aux villes.

La région (Ballungsgebiet) de Stuttgart réunit 1,8 million d’habitants et 0,41 million de salariés industriels ; la zone (Ballungsgebiet) Mannheim-Heidelberg, avec Ludwigshafen (situé en Rhénanie-Palatinat), concentre encore 1,4 million d’habitants et 0,28 million d’actifs de l’industrie. Grâce au Neckar canalisé et, bien sûr, au Rhin, le transport des matières pondéreuses est facilité. Il faut y ajouter un remarquable réseau d’autoroutes qui traverse le Land selon les deux directions nord-sud (autoroute Hambourg-Francfort-Karlsruhe-Bâle) et ouest-est (autoroute Mannheim-Stuttgart-Munich-Vienne). Selon les études les plus récentes, le Land de Bade-Wurtemberg est celui qui connaîtra dans les prochaines années les taux d’accroissement les plus élevés de tous les Länder. Les facteurs dynamiques de cet essor prometteur sont : qualité remarquable des équipements urbains et universitaires (huit villes universitaires : Stuttgart, Mannheim, Heidelberg, Karlsruhe, Fribourg, Constance, Tübingen et Ulm), abondance des réserves en eau, bonnes voies de communication, proximité des zones de tourisme (Forêt-Noire, Alpes suisses, allemandes et autrichiennes). À une époque où les activités se déplacent souvent vers les littoraux, il convient de souligner l’évolution du Bade-Wurtemberg, qui, enfoncé dans le continent, présente un dynamisme que pourraient envier bien des régions côtières.

F. R.

➙ Bade / Mannheim (Ludwigshafen) / Stuttgart.