Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Zarathushtra (suite)

Le personnage

Jusqu’à la fin du xviiie s., où Abraham Anquetil-Duperron traduisit l’Avesta (1771), le personnage de Zarathushtra était celui d’un mage mystérieux : pour les uns, un alchimiste ; pour les autres, un astrologue ; pour tous, un maître de gnose. Les orientalistes du xixe s., tels Eugène Burnouf et James Darmesteter, par l’analyse des textes avestiques, ont restitué une image plus précise du réformateur. Depuis, les découvertes archéologiques, la grammaire comparée, le dépouillement de documents de tous genres — indiens et iraniens — permettent de mieux comprendre le caractère original du mouvement religieux qui aboutit au mazdéisme* orthodoxe (du nom d’Ahura-Mazdâ [Ormuzd]), ou zoroastrisme (du nom du fondateur), ou magisme (du nom des ministres du culte et gardiens de la foi mazdéenne), ou parsisme (du nom des pārsīs professant encore cette religion).

Si l’on devait conclure à partir des sources grecques et latines, la vie de Zarathushtra serait à reporter dans la nuit des temps. Plutarque lui-même, mort en 120 apr. J.-C., range le réformateur parmi les personnages quasi-légendaires.

Les Grecs n’auraient pas assigné à Zarathushtra des milliers d’années si la réforme avait eu lieu au temps où eux-mêmes entretenaient des relations avec les Perses. D’autre part, à l’époque de ces relations, les rois de Perse sont adorateurs d’Ahura-Mazdâ, mais aucune inscription achéménide n’atteste le nom de Zarathushtra. On peut conclure qu’à l’époque achéménide la réforme n’était pas exigée par un intérêt national ou dynastique.

Pourtant, une réforme profonde a eu lieu, et le nom du réformateur paraît dans ce qui semble être le manifeste de la réforme : les Gâthâs. De plus, la tradition iranienne place le commencement de la religion 272 ou 300 ans avant Alexandre. Donc, Zarathushtra aurait vécu de 625 à 548 ou de 660 à 583 avant notre ère. Selon la tradition pārsī, s’appuyant sur l’Avesta (Yasna, 9, 17), Zarathushtra est de famille sacerdotale ; son père, Pourushâspa, habite dans le pays sacré des dieux. Selon le Bundahishn (très tardif) [29, 12], il s’agit d’une localité située sur la rivière Araxe. À vingt ans, Zarathushtra se retire dans la solitude pour méditer les « Écritures ». Conduit par Yahu-Manah (« la Bonne Pensée ») jusqu’à Ahura-Mazdâ, il devient prophète du mazdéisme réformé. Pendant dix ans, il prêche ; il est persécuté par le clergé ; il passe alors par de terribles épreuves. À quarante-deux ans, Ahura-Mazdâ lui ordonne d’aller porter le message à Vishtâspa, souverain obscur d’un royaume à l’est de l’Iran. Dans les morceaux récents de l’Avesta, Vishtâspa est le dernier des héros de la légende iranienne de l’Est. Dans le Yasna (53, 2), il est le protecteur actif de la révélation nouvelle. Soutenu par deux ministres de Vishtâspa, Zarathushtra entreprend des guerres « saintes » ; les mages se convertissent. Mais, lors d’une invasion de Touraniens, un soldat pénètre dans le temple où le prophète est occupé à célébrer la liturgie et tue celui-ci, qui disparaît à soixante-dix-sept ans. De la descendance de l’une des trois épouses de Zarathushtra, la tradition pārsī attend le saoshyant, le sauveur, qui, après trois millénaires, se lèvera pour la victoire finale.


Les sources canoniques

Le canon iranien (textes fondant le zoroastrisme, ou mazdéisme orthodoxe) est clos sous le règne de Châhpuhr Ier (241-272 apr. J.-C.). À partir de Châhpuhr II (310-379), il est officiellement la « Bible » de la religion des Perses.

Le corpus des doctrines zoroastriennes ne dit rien de précis sur le personnage, ni sur la vie de leur auteur présumé. Il est vrai que l’Avesta complet est perdu. Ce que nous appelons de ce nom (1 000 pages dans la traduction J. Darmesteter) est le quart de l’ancien Avesta.

Que nous apprend de Zarathushtra le canon iranien ?

Les travaux d’Antoine Meillet et des iranistes danois et suédois ont établi des strates de plusieurs époques dans ce corpus. Certains éléments sont antérieurs à la dispersion des groupes āryas. D’autres sont contemporains des Achéménides. Qu’un tel recueil ait pu se constituer nul n’en doutera, la mémoire jouant en Orient un rôle capital dans la transmission des doctrines et des textes.

Tel qu’il est, l’Avesta se présente lui-même comme la révélation communiquée à Zarathushtra et comprend différentes parties.
1. Le Vidêvdât, ou Vendidâd — vingt chapitres —, offre parfois la forme d’un discours d’Ahura-Mazdâ à Zarathushtra, parfois celle d’un dialogue entre le Seigneur-Sagesse et son disciple. Le fond de ce recueil est composé de précis et de lois contre les daêva, ou démons.
2. Le Yasna, « culte sacrificiel », est un recueil d’hymnes divisé en deux parties. Dans le neuvième hymne, on trouve les noms des hommes qui ont reçu la révélation divine : Vivaghao, Athoya, Tritha, Pourushâspa, « qui fut jugé digne d’être le père de Zarathushtra, de celui qui devait apprendre aux hommes l’Ahuna-Vairya, prière contre les démons et auquel était réservé de faire rentrer sous terre les daêva qui, avant lui, parcouraient le monde sous des formes humaines ».
La seconde partie comprend dix-sept Gâthâs, ce qu’il y a de plus ancien dans l’Avesta. Ces hymnes sont attribués à Zarathushtra.
3. Le Visprat, ou Vispered, comprend vingt-deux discours d’Ahura-Mazdâ en dialecte bactrien, dialogues entre le Seigneur et son élu.
4. Le Sirôzat est un recueil de prières où sont énumérées trente divinités présidant aux trente jours du mois.
5. Les Yasht sont des hymnes dédiés à Ahura-Mazdâ, aux Amesha-Spenta, à de vieilles divinités indo-européennes, désormais au service du Seigneur : Yâyu, Mithra, Mâh, Anâhita, le Haoma. Ces cultes, antérieurs à Zarathushtra, trouvent place dans l’Avesta canonique. Ils ont été conservés probablement dans un dessein d’unité nationale, au moment où le zoroastrisme a été proclamé religion d’État.
6. Le Khorda Avesta (ou « Petit Avesta ») réunit des prières pour les morts.