Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Zarathushtra (suite)

En quoi consiste la réforme de Zarathushtra ?

1. Elle renforce le théisme sous la forme la plus intégrale.

2. Elle dénonce les daêva en voyant en eux les puissances maléfiques.

3. Elle exalte l’orientation foncière de la vieille religion iranienne : la vie comme la justice doivent triompher dans les actes quotidiens ; les responsabilités humaines sont commandées par les volontés divines.


Le théisme

Zarathushtra prêche sa doctrine à une population de cultivateurs. D’un fond traditionnel, il dégage une théologie dont l’inspiration est d’exalter jusqu’à la transcendance Ahura-Mazdâ, le plus grand des dieux chez les Achéménides*. Les termes mêmes de ce nom définiront désormais l’ontologie mazdéenne orthodoxe : Ahura est Créateur, toute Sagesse, toute Pureté ; il est la loi même du Monde, et la Sagesse qui le définit aura le Feu comme symbole éminent. De même que le Feu repousse la Ténèbre, la Vérité en acte triomphe du Mensonge. Zarathushtra prie devant Atar, le Feu, image d’Ahura-Mazdâ.

Zarathushtra a aussi trouvé dans la tradition Angra-Mainyu, l’Esprit malin. Selon celle-ci, Ahura-Mazdâ et Angra-Mainyu sont jumeaux. Mais, le mal intrinsèque étant un Mainyu, Esprit, il ne peut pas surmonter la divinité souveraine Ahura-Mazdâ. Aucun anti-Dieu ne peut abolir la perfection, qui intègre tout ce qui est vie. Tout doit se penser en fonction de la perfection première : c’est la religion du croyant qui combattra, dévotement, par ses actions quotidiennes, à l’imitation du Seigneur.

On a souvent parlé du dualisme de l’idéologie mazdéenne. Oui, pourvu, toutefois, qu’on perçoive ce que Zarathushtra apporte de nouveau : son « dualisme » est provisoire. En effet, si dualisme signifiait égalité des forces contraires, la théologie du réformateur serait démoralisante dès le point de départ.


Les daêva

En indo-iranien, le terme d’asura (maître) désignait une classe d’êtres juxtaposés aux deva, génies célestes. Dans le Veda, les asura sont vertueux. Dans la suite, ils finiront par se fixer dans le rôle d’ennemis des dieux. Les brahmanes mettent la masse des asura sous la domination des deva. En Iran, c’est l’inverse. Ahura-Mazdâ devient le dieu suprême. Les daêva (deva) deviennent synonymes de démons, à commencer par l’Indra indien.

Les Gāthās constituent en quelque sorte la déclaration de guerre contre les daêva (mâles = daêva ; femelles = druj). L’officiant demande : « Quand détruisons-nous la druj ? » Ils répondent eux-mêmes : « Nous la détruirons quand nous la frapperons, nous les sauveurs futurs, nous, puissants ; elle, impuissante, sur les sept continents. »


Une morale d’action, non ascétique

La réforme de Zarathushtra est un appel véhément au combat quotidien : la morale pratique fait corps avec la métaphysique, le devoir des hommes, c’est de désirer que s’accomplisse la loi du Bien, qui est la sainteté et le bonheur des fidèles : travailler la terre, améliorer la condition des cultivateurs, semer le blé, c’est faire œuvre de vie, c’est semer la justice. Le bon souverain est ministre de vie ; le mauvais roi est instrument de mort.

De l’ancien mazdéisme, Zarathushtra conserve les grandes intuitions plus ou moins bien traduites par la vieille mythologie ; il exalte l’essentiel, condamne le superfétatoire. Interprète de l’Ahura, Sagesse unique, il promet l’ordre selon Dieu (Asha), abolissant les cultes divers que les rois toléraient pour des motifs politiques. Ainsi, les croyances deviendront monothéistes ; les sacrifices sanglants perdront leur importance devant la proclamation d’un culte en esprit ; et les hommes apprendront qu’ils gagneront le ciel par la vérité de la conduite personnelle, à l’imitation d’Ahura-Mazdâ lui-même.

Ce message, adressé d’abord au clergé, aux chefs, rencontra des incompréhensions, mais aussi des disciples enthousiastes. Il resurgit au moment de la renaissance nationale au iie s. avant notre ère, quand une partie de l’ancien Iran se détacha du royaume des Séleucides*. C’est l’heure d’une réaction nationale animée par une rénovation religieuse. Quand Ardachêr, le premier des Sassanides*, détrôna le dernier Parthe (224 apr. J.-C.), les vieux Gâthâs eurent la force d’un manifeste. Alors, la religion de l’Avesta, depuis longtemps à l’œuvre — mais localement —, devint universelle dans tout l’Iran. Alors, mais alors seulement, s’acheva l’œuvre commencée par Darios l’Achéménide qui avait rêvé d’unifier l’Iran et l’Orient tout entier. Le génie de Zarathushtra avait préparé la vision religieuse qui devait donner un idéal moral à une partie du monde jusqu’au viie s., date fatale pour l’Iran, où les Perses, battus par les Arabes d’‘Umar, passeront à l’islām, mais en lui faisant subir d’ailleurs des modifications profondes.

La gloire de Zarathushtra est d’avoir mis hors conteste la vérité qui tient en éveil tous les hommes : la Justice triomphera. Sa gloire c’est d’avoir été — selon le mot de Renan — le prophète « de la religion la moins païenne du paganisme ».

Il y a encore aujourd’hui en Iran des disciples de Zarathushtra : les Guèbres. En Inde, près de Bombay, 150 000 pārsīs pratiquent les rites mazdéens et nourrissent leur foi par une tradition ininterrompue.

R. F.

➙ Iran / Mazdéisme.

 H. Humbach, Die Gâthâs des Zarathustra (Heidelberg, 1959). / R. C. Zaehner, The Dawn and Twilight of Zoroastrianism (Londres, 1961). / J. Varenne, Zarathushtra et la tradition mazdéenne (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1966).

Zeami

Dramaturge japonais, théoricien du nō (1363-1443).


En 1374, le shōgun Ashikaga Yoshimitsu assistait à un spectacle de sarugaku au temple d’Imagumano. À cette occasion, la danse rituelle Okina, « le Vieillard », qui précède les séances solennelles, fut interprétée par Yūsaki Saburō Kiyotsugu. Le prince, enthousiasmé par le jeu de cet acteur, le fit venir à sa cour avec son fils Fujiwaka, alors âgé de onze ans. Ce Fujiwaka devait s’illustrer plus tard sous les noms de Motokiyo, puis de Zeami : son père, qui prendra le nom de Kanami, est le fondateur de la lignée des Kanze, qui dirigent aujourd’hui encore la principale école d’acteurs de nō. Kanami mourut en 1384, vers la cinquantaine, au cours d’une tournée en province, et Motokiyo, âgé de vingt ans à peine, lui succéda.