Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Zaïre (suite)

En 1959, ces forces se divisèrent lorsque se précisa la perspective de l’indépendance, promise solennellement par le message du roi Baudoin du 13 janvier 1959. L’Abako, en perte de vitesse depuis les émeutes de Léopoldville, laissa provisoirement la place au M. N. C., qui se scinda lui-même en une tendance modérée (Cyrille Adoula, Joseph Ileo, Albert Kalonji) et une tendance extrémiste (Lumumba). Surtout, des « partis » à base ethnique ou régionale apparurent au Katanga (Conakat et Balubakat), au Kasaï, au Kivu (Céréa), au Kwilu (parti de la solidarité africaine d’Antoine Gizenga)... Or, les Congolais avaient obtenu, à la conférence de la Table ronde réunie à Bruxelles en janvier-février 1960, la promesse de l’indépendance du Congo pour le 30 juin, puis avaient accepté des institutions provisoires prévoyant les élections au suffrage universel d’un Parlement à deux chambres.

En mai, ces élections firent triompher à la fois le particularisme local et le M. N. C. de Lumumba. Celui-ci fut donc chargé de former le gouvernement ; Kasavubu devint chef de l’État.

En fait, l’indépendance fut aussitôt suivie d’un déchaînement des forces centrifuges. Tandis que les soldats de la force publique se mutinaient à Matadi, entraînant, par leurs exactions, un exode et une intervention armée belges, le Katanga faisait sécession (11 juill.) sous la direction de Moïse Tschombé (1919-1969), aidé par l’Union minière ; le désordre s’installait dans les provinces, qui éclatèrent en une quinzaine de « gouvernements » indépendants. Face à cette désagrégation, le Parlement, composé de députés inexpérimentés, et le gouvernement, paralysé par la rivalité entre Kasavubu et Lumumba, furent impuissants. Le nouveau commandant de la force publique, le colonel Joseph Mobutu (né en 1930), intervint alors en suspendant le chef de l’État. Quant au gouvernement Lumumba, réorganisé en un collège de commissaires comprenant de jeunes diplômés d’université, il resta toujours aussi impuissant. Les interventions extérieures, les appuis offerts par l’Est à Lumumba vinrent compliquer la situation. Les adversaires de Lumumba répliquèrent par un coup de force et le livrèrent aux Katangais, qui l’exécutèrent (janv. 1961). Les lumumbistes, avec Gizenga, soulevèrent une partie de la Province-Orientale ; le chaos s’installa. La situation devint si dangereuse qu’elle provoqua une intervention de grande envergure de l’O. N. U.

D’avril 1961 à juin 1964, la présence des troupes de l’O. N. U. permit un relatif retour au calme, une réduction de la sécession du Katanga et une tentative de reconstruction sous le gouvernement de Cyrille Adoula. Mais l’incapacité de l’armée nationale congolaise à s’imposer aux rebelles lumumbistes, le départ des troupes de l’O. N. U., la désignation, en juillet 1964, de Tschombé par Kasavubu, revenu à la tête de l’État, provoquèrent une nouvelle crise. Celle-ci fut marquée par la recrudescence de la rébellion dirigée par des chefs (Pierre Mulele, Christophe Gbenye, Gaston Soumialot, Nicholas Olenga) recevant des armes par le Soudan, l’Ouganda, la Tanzanie, ainsi que par l’intervention des parachutistes à Stanleyville pour en délivrer les otages blancs des « Simbas ». Ceux-ci ne réussirent d’ailleurs pas à vaincre les résistances de certains groupes ethniques de l’Est. En 1965, l’armée nationale congolaise (l’A. N. C.) finit par reprendre les villes et venir à bout du soulèvement.

Du désastre émergeait un seul pouvoir fort : celui de l’armée. Le général Mobutu en tira la leçon après les élections d’avril 1965, suivies d’un conflit entre l’Assemblée et le président Kasavubu, qui avait renvoyé Tschombé ; le 25 novembre 1965, Mobutu intervint de nouveau, se fit élire président de la République par acclamation de l’Assemblée et désigna Léonard Mulamba (né en 1928) comme Premier ministre.

C. C.-V.


Le Zaïre de Mobutu

L’établissement du nouveau régime ne ramène pas le calme ; diverses émeutes et mutineries décident Mobutu à se séparer de Mulamba et à cumuler les fonctions de président de la République et de Premier ministre (26 oct. 1966). En juin 1967, un référendum approuve une Constitution qui établit un régime présidentiel. À l’extérieur, une orientation nationaliste est donnée à la politique congolaise ; elle est marquée par la réhabilitation de Lumumba et aussi par un conflit avec la Belgique à propos des intérêts miniers et par la lutte contre des éléments katangais armés. En juillet 1967, Moïse Tschombé est enlevé et incarcéré en Algérie ; dans les mois qui suivent, diverses personnalités katangaises sont exécutées. La mort de l’ancien président Kasavubu (24 mars 1969) et de Moïse Tschombé (29 juin) débarrasse Mobutu de ses adversaires les plus notables.

Le 31 octobre 1970, réélu président de la République, Mobutu remanie le gouvernement ; peu après (7 déc.), une réforme constitutionnelle renforce ses pouvoirs et interdit la création d’organisations politiques d’opposition, le Mouvement populaire de la révolution (M. P. R.) restant parti unique. Ces mesures amplifient le mouvement contestataire étudiant (universités de Kisangani, de Lovanium).

Cependant, la stabilité intérieure favorise le développement économique et la politique nationaliste de Mobutu, qui, tout en décidant d’étendre l’usage de la langue nationale, décrète que le Congo-Kinshasa sera désormais le Zaïre (27 oct. 1971). Des mesures diverses de « zaïrisation » sont alors prises, tandis que se poursuit l’élimination des adversaires du régime et que s’allume un conflit avec l’Église catholique, adversaire du retour à la langue nationale.

En 1972, le gouvernement et le comité exécutif du Mouvement populaire de la révolution sont remplacés par une structure unique : le Conseil exécutif national. Deux ans plus tard, le chef de l’État voit ses pouvoirs renforcés grâce à une modification de la Constitution : désormais, il est de droit président du Conseil législatif national, du Conseil exécutif national et du Conseil judiciaire (juill. 1974).