Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
Y

Young (Lester) (suite)

Jugée « trop moderne » ou « progressiste », c’est-à-dire non conforme aux critères de « jazzité » définis non par les musiciens, mais par quelques critiques européens, la musique de Lester Young se distinguait de celle de ses prédécesseurs (mais aussi de ses contemporains) par : 1o une sonorité peu volumineuse et presque sans vibrato, une attaque très nette, un timbre feutré ; 2o un découpage rythmique qui tend à donner une valeur égale aux quatre temps — par cette façon d’équilibrer les phrases en dehors des temps, en enjambant les barres de mesure, Lester Young annonçait les bouleversements rythmiques du be-bop* ; 3o l’utilisation d’accords de passage qui élargissent le champ harmonique des improvisations ; 4o l’abandon de la simple paraphrase (embellishment) du thème ; 5o les contrastes de registres, de rythmes, dans une même séquence mélodique.

Sonorité « laide » (selon les critères officiels), indifférence au jeu et à l’agitation presque mécanique des autres musiciens, démarche rythmique solitaire, comme si le saxophoniste racontait ou improvisait une sorte de rêve ou de méditation : tout se passe avec Lester Young comme si, à la surface de sa musique, l’on assistait à la remontée de tout ce qui avait été jusqu’alors refoulé par le jazz brillant et à la mode.

P. C.

 ENREGISTREMENTS : Lady be Good (avec Count Basie, 1936), The Man I Love (avec Billie Holiday, 1939), Louise (1956).

Ypres

En néerl. Ieper, v. de Belgique en Flandre-Occidentale, à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Lille ; 21 000 hab. (Yprois).



Les origines

Fondée au xe s. autour d’un château érigé sur un îlot de l’Yperlee par des marchands et par des artisans, Ypres est administrée, depuis 1168/1177, par un échevinage recruté (sans doute à vie) par les comtes de Flandre* au sein du patriciat naissant. La formation de ce dernier est assurée dès la fin du xiie s. par de nombreuses écoles laïques ; en 1209, un ingénieux système de cooptation, défini par une charte de type arrageois, le perpétue au pouvoir.


La ville drapante

Ypres, devenue l’un des « trois membres de Flandre » avec Gand* et Bruges*, est animée au début du xiie s. par d’importantes foires* de redistribution de la laine et des draps. Appartenant au cycle flamand, fréquentées par des marchands lombards qui s’enfuient en 1127 à la nouvelle de l’assassinat du comte Charles Ier le Bon, ces foires contribuent au rayonnement international de la ville, dont les marchands possèdent au xiiie s. leur maison à Troyes. En fait, dès 1262, les draps d’Ypres sont achetés sur place par un facteur des Tolomei qui les réexpédie via les foires de Champagne et Gênes jusqu’au Levant. Au début du xive s., Paris commercialise ces draps, achetés par des marchands florentins (Bardi, Del Bene) qui ne se procurent plus en Champagne que les seules espèces nécessaires à leur négoce. Appréciée aussi bien à Novgorod depuis le début du xiie s. qu’en Asie Mineure ou en Crête avant même le début du xiiie s., la draperie yproise nécessite la construction de très vastes halles (achevées vers 1304) et exporte en 1313 92 500 pièces de qualité. Cette réussite provoque une forte concentration urbaine (28 000 hab. vers 1300), mais appauvrit les maîtres artisans et leurs valets, de plus en plus dépendants des grands marchands, qui leur fournissent la laine anglaise, écoulent leurs draps et essaient de leur imposer une réglementation tenant compte de la conjoncture économique. Aussi drapiers, tisserands et foulons se révoltent-ils en octobre 1280 contre les marchands et les échevins. Un mois plus tard, le pouvoir comtal est restauré au détriment des échevins. En fait, cette crise sociale traduit l’existence, comme en Italie, d’un parti populaire animé par des patriciens hostiles à la politique d’expansion économique de leurs pairs, politique nécessitant un blocage des salaires.

Combattue par le « commun », qui obtient l’appui du comte de Flandre à la fin du xiiie s., mais soutenue par Philippe IV le Bel, qui occupe Ypres en mai 1300, cette politique échevinale est brisée par l’armée des « communiers » à Courtrai le 11 juillet 1302. Vaincus à leur tour par le roi de France à Mons-en-Pévèle le 18 août 1304, mécontents, en outre, de subir toujours les conséquences de la crise économique malgré la révolution démocratique qui leur a permis de participer au pouvoir municipal, les gens de métier tournent leur colère contre l’aristocratie urbaine des leliaerts (« gens de fleur de lys »), qui supplie le roi de France, entre 1320 et 1332, de surseoir à la destruction des remparts d’Ypres ordonnée par la paix d’Athis-sur-Orge du 23 juin 1305. Ralliés par contre à la politique anglophile de Jacob Van Artevelde (v. 1290-1365), qui cherche à maintenir à bas prix l’importation des laines anglaises en Flandre, les artisans se soulèvent fréquemment entre 1323/1328 et 1382. Mais le déclin de la draperie se poursuit malgré l’interdiction de fabriquer des draps faite, au début du xive s., aux ruraux, dont l’outillage est détruit par la milice urbaine en 1322.

Victime, en fait, du retournement de la conjoncture en 1315, de la chute de la production qui en résulte à partir de 1320, affaiblie démographiquement par les disettes et les épidémies de 1316 (2 794 décès entre le 1er mai et le 1er novembre) et de 1348, qui abaissent sa population d’un maximum hypothétique de 30 000 habitants à environ 18 000 vers 1450, Ypres entre définitivement en décadence.

L’organisation politique et sociale au milieu du xive s.

Elle comprend quatre catégories (leden) :
1o la poorterie (bourgeoisie vivant de ses rentes ou du grand commerce), à laquelle sont adjoints les bouchers, les poissonniers, les teinturiers et les tondeurs ;
2o la weifambacht (tisserands) ;
3o la vullerie (foulons) ;
4o les gemeene neeringen (communs métiers).


Le déclin (xve-xxe s.)

Accélérée par les Gantois, qui détruisent ses faubourgs lors du siège de 1383, la ruine d’Ypres est momentanément enrayée, au début du xve s., par celle de Poperinge, à laquelle des Yprois intentent devant le tribunal comtal un procès en vertu du « droit urbain » : celui-ci aurait, en effet, accordé le monopole local de la fabrication du drap à ses travailleurs du textile. Mais la montée de la draperie des centres ruraux ou secondaires fabriquant des étoffes plus légères (sayetterie) condamne définitivement la draperie yproise (100 métiers seulement en 1545).