Yougoslavie (suite)
Peinture
Trois manières se succèdent dans l’histoire de la peinture byzantine yougoslave : symbolique sous les Comnènes, didactique sous les Paléologues et lyrique avec l’« école de Morava ». Les figures de l’Ascension de Sainte-Sophie d’Ohrid, du xie s., sont graves et immobiles, comme au-delà de la vie réelle. En 1164, à Nerezi, près de Skopje, la sévérité s’adoucit à travers des personnages en mouvement, dont les attitudes distinguées créent une ambiance à la fois solennelle et intime. Cet art d’essence aristocratique connaît son évolution ultérieure dans les églises serbes de Studenica, de Mileševa et de Morača, avant d’arriver vers 1260 à son plein épanouissement dans l’église de Sopoćani. Ici, les tableaux de la Nativité et de la Dormition de la Vierge, par leur harmonie plastique et leur noblesse d’expression, représentent un sommet de la fresque byzantine.
C’est vers 1307, dans l’église du monastère Sveti Nikita (Saint-Nicolas) près de Skopje, que le style encyclopédique des Paléologues fait son apparition. Des détails réalistes, jusque-là inconnus, envahissent les longues frises consacrées aux scènes des deux Testaments, des Vies des saints, de la liturgie, des Hymnes, du calendrier, des conciles. Dans les décennies suivantes, les « pictores graeci » itinérants répandent cette peinture partout en Macédoine et en Serbie (Staro Nagoričino, Lesnovo, Dečani, Gračanica). À Ohrid se développe l’art de l’icône et de l’iconostase.
Après la bataille de Kosovo polje (1389), la vie intellectuelle se confine dans les monastères de la vallée de Morava (Ravanica, Kalenić et Manasija), où des moines artistes venus du mont Athos* rénovent la peinture narrative : les cycles y sont plus restreints, les détails moins nombreux, et les personnages sont ceux d’un univers lyrique et chevaleresque. La chute de Constantinople sonne le glas de cette peinture : dépourvue de sa source vitale, elle prend un caractère de compilation, répétant sans cesse les modèles anciens.
C’est au cours du xixe s., en Vojvodine, que la peinture serbe moderne voit le jour. Après le romantisme de Djura Jakšić (1832-1878) et le réalisme de Djordje Krstić (1851-1907) apparaissent deux académistes, Uroš Predić (1857-1953) et Paja Jovanović (1859-1957), dont la manière, issue à la fois de l’héritage byzantin et de leur formation viennoise, va marquer fortement la peinture serbe. Seule Nadežda Petrović (1873-1915), expressionniste de l’école de Munich, réussit à s’en libérer et à s’exprimer par la couleur pure. L’entre-deux-guerres est sous le signe de Cézanne et d’André Lhote avec Petar Dobrović (1890-1942), Milo Milunović (1897-1967), Zora Petrović (1894-1962), Sava Šumanović (1896-1942) et Milan Konjović (né en 1898). À la critique sociale promarxiste de Djordje Andrejević-Kun (né en 1904) répond le courant intimiste d’un Pedja Milosavljević (né en 1908).
Après la Seconde Guerre mondiale, Lazar Vujaklija (né en 1914) explore le monde archaïque des pierres tombales, Branislav Protić (né en 1931) se livre à des recherches informelles, Živojin Turinski (né en 1935) passe de l’abstraction à un symbolisme métaphysique ; Vladimir Veličković (né en 1935) est l’un de ceux qui développent des thèmes néo-surréalistes, auxquels s’oppose l’expression géométrique d’un Radomir Damnjanović (né en 1936).
En Macédoine, l’art de l’icône et de l’iconostase est resté la seule activité picturale jusqu’à la Première Guerre mondiale. Les initiateurs de la peinture moderne y sont Dimitar Pandilov (né en 1898), impressionniste, et Lazar Ličenoski (1901-1964), qui subit l’influence du cubisme d’André Lhote. Aujourd’hui s’affirment notamment le néo-surréaliste Spase Kunovski (né en 1929), l’expressionniste abstrait Ordan Petlevski (né en 1930) et Bora Iljkovski (né en 1942), qui fait des recherches de graphisme géométrique.
Sculpture
Elle s’est acclimatée en Serbie avec l’enseignement de Toma Rosandić (1878-1958), originaire de Split et proche de Meštrović, ainsi qu’avec le portraitiste Sreten Stojanović (1898-1960), disciple de Bourdelle. Dans la nouvelle génération se distinguent Olga Jevrić (née en 1922), constructiviste, et Olga Jančić (née en 1929), qui s’inspire des formes organiques.
A. Z.
G. Millet, l’Ancien Art serbe : les églises (de Boccard, 1920). / F. Stelè, Monumenta artis slovenicae (Ljubljana, 1935-1938 ; 2 vol.). / A. Nikolovski, The Cultural Monuments of the People’s Republic of Macedonia (Skopje, 1961). / Z. Crnja, Cultural History of Croatia (Zagreb, 1962). / G. Linke, Yougoslavie (Atlantis, Zurich, 1975). / Trésors d’art de Yougoslavie (Arthaud, 1976).
CATALOGUE D’EXPOSITION. L’Art en Yougoslavie de la préhistoire à nos jours, Grand-Palais, Paris (les Presses artistiques, 1971).