Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
Y

Yougoslavie (suite)

La politique de ressources invisibles

Comme sa voisine la Grèce, la Yougoslavie s’est lancée, timidement d’abord, dans une politique de ressources invisibles lui permettant de rétablir une balance commerciale constamment déficitaire.

• Les remises ou bénéfices de la marine marchande. Des cargos yougoslaves sont prêtés à des puissances étrangères, surtout occidentales. La flotte a une capacité de 2,5 Mtjb. Sur un trafic global de 20 Mt, près d’un tiers est destiné à d’autres États : Rijeka en particulier accorde une zone franche à la Hongrie (qui représente le tiers du trafic de Rijeka), qui paie les droits afférents au service rendu.

• Les remises des travailleurs émigrés en Occident. Ces travailleurs (plus de 1 million en tout, dont 800 000 en Allemagne occidentale) envoient au pays une bonne partie de leurs salaires.

• Les visiteurs étrangers. Leur nombre a dépassé le chiffre de 6 millions en 1973. On estime que 70 p. 100 rapportent des devises fortes en provenance de l’Occident. On évalue ces rentrées à 300 ou 400 millions de dollars par an.

Il ne semble pas que les ressources invisibles parviennent encore à combler le déficit de la balance du commerce extérieur net avec les pays industrialisés de l’Europe occidentale (le taux de couverture des exportations n’a guère dépassé 60 p. 100 en 1973), mais elles y contribuent chaque année davantage.

A. B.

➙ Autogestion / Balkans / Belgrade / Bosnie-Herzégovine / Croatie / Macédoine / Monténégro / Serbie / Slovénie / Zagreb.

 G. Caire, L’Économie yougoslave (Éd. ouvrières, 1962). / A. Meister, Socialisme et autogestion. L’expérience yougoslave (Éd. du Seuil, 1964). / A. Blanc, la Yougoslavie (A. Colin, 1967) ; l’Europe socialiste (A. Colin, 1974). / F. E. I. Hamilton, Yougoslavia, Patterns of Economic Activity (Londres, 1968). / P. Y. Péchoux et M. Sivignon, les Balkans (P. U. F., coll. « Magellan », 1971). / La Yougoslavie (Larousse, 1975).


L’histoire


La formation d’un État yougoslave

L’État yougoslave unifié et indépendant ne date que de 1918. Il exista des États indépendants des divers peuples du Sud au Moyen Âge ; mais, à partir du xve s. et pour une longue période de leur histoire, toutes les régions yougoslaves se sont trouvées réparties entre divers occupants : l’Autriche (et la Hongrie) et l’Empire ottoman notamment.

Au xixe s. se développe une lutte pour l’émancipation ; Serbes et Monténégrins se libèrent du joug turc ; dans les régions soumises à l’Autriche-Hongrie, une renaissance nationale a lieu, d’abord de contenu culturel (illyrisme croate) et revendiquant l’autonomie dans le cadre de l’Empire.

Mais parallèlement se fait jour le yougoslavisme, tendance à l’unification des divers peuples de Slaves du Sud. Au xixe s., un des grands artisans de l’idée yougoslave en Croatie est l’évêque Josip Štrosmajer (Strossmayer, 1815-1915). Cependant, les différences de langue, de religion, de culture, de structures sociales qui séparent les divers peuples yougoslaves rendent difficile la réalisation de l’unification. C’est ce qui apparaît au cours de la Première Guerre mondiale, qui donne un caractère aigu au problème des nationalités dans l’Empire austro-hongrois, lui-même prétexte direct du conflit avec l’attentat de Sarajevo (28 juin 1914) contre François-Ferdinand.

Les Serbes ont une vision panserbe du futur État, le concevant comme une extension du royaume de Serbie. Les Croates et les Slovènes d’Autriche-Hongrie s’estiment, eux, d’une culture occidentale plus développée. En août 1914, la Serbie annonce que le but de la guerre est la libération de tous les Yougoslaves. D’un autre côté, des politiciens émigrés des régions soumises à l’Autriche-Hongrie forment à Londres un Comité national yougoslave (avec Ante Trumbić [1864-1938] et Frano Supilo [1870-1917]) ; appuyés par les colonies yougoslaves à l’étranger et par des sympathisants (l’historien Robert William Seton-Watson à Londres, les slavisants Louis Léger et Émile Haumant à Paris), ils militent pour la libération et l’unification de tous les « Yougoslaves » (mémorandum de mai 1915).

Dans un premier temps, il s’établit peu de contacts entre les deux groupes ; mais, le 20 juillet 1917, les représentants du Comité yougoslave et de la Serbie se rencontrent à Corfou et prévoient la formation d’un royaume avec la dynastie serbe (les Karadjordjević à sa tête, royaume dans lequel confessions et langues seront à égalité ; la réunion d’une Constituante est prévue. Cependant, des divergences subsistent à propos du système politique et sur le plan extérieur ; de plus, un Conseil national des Serbes, Croates et Slovènes se forme à Zagreb en octobre 1918 (avec à sa tête Mgr Anton Korošec [1872-1940], chef du parti du peuple slovène) et prend position pour l’internationalisation du problème des nationalités dans l’Empire austro-hongrois.

En novembre 1918, une conférence réunie à Genève et regroupant Serbes, Comité yougoslave et Conseil national de Zagreb préconise encore l’union des deux États (serbe et croate), la nouvelle unité devant être dirigée d’abord par un gouvernement commun comprenant le Conseil national et le gouvernement serbe ; mais cet accord n’est pas appliqué. Entre-temps, des conseils nationaux en Vojvodine et au Monténégro se sont déclarés en faveur du rattachement à la Serbie.

Finalement, face aux menaces représentées par les prétentions italiennes en Dalmatie et aussi par les troubles sociaux, le Conseil national des Serbes, Croates et Slovènes accepte l’union avec la Serbie et envoie une délégation à Belgrade pour l’organiser. Le 1er décembre 1918, le régent Alexandre proclame la création du royaume des Serbes, Croates et Slovènes (SHS), qu’une session commune de l’Assemblée serbe et du Conseil national de Zagreb ratifie bientôt.