Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
Y

Yougoslavie (suite)

Les grandes productions restent céréalières. Elles sont accompagnées de « plantes techniques » : betterave, chicorée, houblon, pavot en Macédoine, oléagineux, comme le tournesol. Il s’y ajoute quelques plantes subtropicales, le riz et le coton en Macédoine, des productions maraîchères et surtout arboricoles (dont une bonne partie de la production est exportée). Enfin, le vignoble donne des crus de qualité, notamment sur la côte dalmate, en Slovénie, en Serbie du Nord.

La Yougoslavie importe des céréales les années de sécheresse. Elle exporte du jeune bétail sur pied, notamment en direction de l’Italie, des volailles (les dindes de Noël vers l’Angleterre), des eaux-de-vie, comme la fameuse šljivovica, fabriquée avec des prunes. Presque le cinquième de ses exportations se compose de produits agricoles, en particulier à destination de l’Europe centrale et occidentale.

L’agriculture est encore favorisée par la mise en œuvre de vastes bonifications : amélioration des sols de podzols, assainissement des plaines du Nord (plaines de la Save et de la Drave) et des poljés karstiques inondables et marécageux. Enfin, l’irrigation, encore insuffisante, ne couvre que 500 000 ha, mais doit s’étendre en Vojvodine à la faveur du canal Danube-Tisza-Danube et dans les bassins de la Macédoine et de la Metohija.


Les régions arriérées et le problème du sous-développement

Des régions attardées pour des raisons politiques et historiques, enclavées et mal dotées en ressources naturelles, ne parviennent pas à remonter la pente en utilisant les investissements supplémentaires qui leur sont confiés, en formant sur place ou à l’extérieur des cadres et une main-d’œuvre qualifiée, en organisant un nouveau réseau d’infrastructures.

Le problème a été laissé longtemps en suspens. Mais la Fédération a enfin osé s’attaquer à cette question, la plus angoissante, la plus « balkanique », celle qui risquait de faire renaître de vieilles querelles ethniques. La Yougoslavie est ainsi le seul pays socialiste où soient reconnues officiellement des zones dites « arriérées » ou « sous-développées ». Elles couvrent 42 p. 100 du territoire et comprennent le tiers de la population, mais n’englobent que 8 p. 100 des actifs employés hors de l’agriculture : c’est dire leur caractère agricole et artisanal. La définition s’applique à des républiques entières, comme le Monténégro et la Macédoine, à une région autonome, comme celle du Kosovo, et à des groupes de communes montagneuses et du karst dans les républiques de Serbie et de Croatie. La Bosnie-Herzégovine reçoit en outre un « traitement privilégié ».

Le développement de ces régions est assuré par les ressources locales, celles des républiques et surtout celles d’un fonds fédéral, alimenté notamment par les républiques les plus riches. Ainsi le taux d’investissement industriel dans les régions les moins développées est-il passé de 19,3 p. 100 du total des investissements fédéraux en 1948 à 29 p. 100 en 1965. Les lois récentes ont favorisé l’investissement de capitaux étrangers dans les régions les moins développées.

Ces aides ont porté sur le développement des ressources minières encore inconnues et sur l’industrie lourde : c’est, en Bosnie, la rénovation de Zenica, de la cokerie de Lukavac et de l’aciérie électrique d’Ilijaš ; ce sont, au Monténégro, les centrales électriques et l’aluminium ; c’est, en Macédoine, le développement de Skopje (combinat textile moderne, aciérie nouvelle, bientôt une raffinerie). Le projet du chemin de fer de Belgrade à Bar a bénéficié également de ces efforts. Au Kosovo, on a mis en œuvre un aménagement combiné : gains de terres, croissance des rendements, ouverture de mines et construction de fonderies sur place...

Cette politique n’est pas appliquée sans difficulté. Les progrès réalisés dans la croissance de la valeur du produit national sont estompés par des excédents naturels de population encore élevés (plus de 20 p. 1 000 par an en Bosnie-Herzégovine ; 14,8 en Macédoine ; 27,8 au Kosovo). Les écarts se sont creusés entre les revenus des communes les plus favorisées et ceux des plus attardées, entre toutes celles du Kosovo et celles des grandes villes yougoslaves, entre campagnes et villes dans les régions sous-développées elles-mêmes. En prenant comme base l’indice de consommation de Bosnie-Herzégovine (base 100), on obtient 126 en Macédoine, 129 au Monténégro, 165 en Serbie, 194 en Croatie, 301 en Slovénie.

En 1972, le produit intérieur brut par habitant était estimé aux environs de 800 dollars (il doit avoisiner 1 000 dollars aujourd’hui). Il existait 1 voiture de tourisme pour 25 habitants, 1 téléphone pour 9 habitants et 1 téléviseur pour 20 habitants, rapports éloignés de ceux de l’Europe occidentale, mais en voie de réduction continue et assez rapide.

Il arrive aussi que les républiques plus nanties hésitent à aider les régions les plus démunies. L’affaire prend alors des implications politiques. Ainsi la Slovénie répugne à envoyer, malgré les avantages qui leur sont accordés, des cadres et des techniciens dans le Midi. La Croatie fait valoir qu’avec moins de 23 p. 100 de la population active de la Fédération elle participe à la formation du P. N. B. pour 27 p. 100, aux rentrées de devises pour 40 p. 100, à l’activité touristique pour 90 p. 100.

Ce déséquilibre rappelle par bien des traits celui du Mezzogiorno italien : excédents naturels dus à de fortes natalités ; exode des paysans et des travailleurs vers le nord et vers l’étranger ; extraction primaire des ressources minérales pour le profit des républiques du Nord ; établissements à sous-traitance qui travaillent pour les firmes des régions les plus développées.

Il faudra de nouvelles mesures d’implantation, la transformation sur place des matières premières énergétiques et autres, l’intensification du tourisme pour remédier à une situation délicate qui s’améliore trop lentement depuis vingt ans.