Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
W

Walpole (Robert), 1er comte d’Orford

Homme d’État anglais (Houghton, Norfolk, 1676 - Londres 1745).


La famille Walpole était fixée dans le Norfolk depuis le xiiie s. Si elle avait déjà compté de nombreux hommes éminents, elle manquait néanmoins de liens avec les grandes dynasties politiques du moment, si nécessaires pour l’avancement d’une carrière au xviiie s. Bien éduqué à Eton (1690-1696) et au King’s College de Cambridge (1696-1698), marié à la fille d’un riche négociant londonien, Robert Walpole ne pouvait guère compter que sur l’appui de son parent Charles Townshend. Son talent devait faire le reste.


Les débuts de la carrière de Walpole

En 1701, Robert Walpole est élu pour la première fois au Parlement. Commençant à être apprécié dans les cercles whigs, il est nommé membre du conseil du prince Georges de Danemark (le mari de la reine Anne), qui contrôlait les affaires de la Marine durant la guerre de la Succession* d’Espagne. Il devient en 1708 secrétaire à la Guerre, puis en 1710 trésorier de la Marine, poste qu’il abandonne après le naufrage du parti whig aux élections de novembre 1710 et le retour des tories au pouvoir. Il anime l’opposition, ce qui lui vaut d’être accusé de malversations lors de ses offices précédents et d’être jeté à la Tour de Londres en 1712. Mais les troubles provoqués par la mort de la reine Anne (1714) et l’accession au trône d’Angleterre de la dynastie de Hanovre* ruinent définitivement la réputation des tories, assimilés aux jacobites (v. Stuarts), et assurent la suprématie du parti whig.


Le premier grand ministère et la conquête du parti whig

Revenant au pouvoir dans un pays agité (révolte de John Erskine, comte de Mar en Écosse), dont la dynastie régnante est loin de faire l’unanimité, les whigs veulent rétablir la confiance et essayent de présenter un front uni : sous la direction nominale de l’inexistant Charles Montagu, comte de Halifax, le pouvoir est réparti entre les deux principales factions qui se partagent le parti, celle de James Stanhope et de Charles Spencer, comte de Sunderland, d’une part, et celle de Charles Townshend et de Walpole, de l’autre.

Walpole devient ainsi trésorier-payeur général des forces armées, poste convoité, car des plus lucratifs, puis, à la mort de Halifax (1715), chancelier de l’Échiquier. En réalité, les politiques des deux factions sont antinomiques : Stanhope et Sunderland veulent la remise en question de la paix d’Utrecht et de l’équilibre européen ; ils veulent la guerre, quoi qu’il en coûte. Au contraire, Townshend et Walpole, désireux de fonder sur une prospérité retrouvée la stabilité du nouveau régime, entendent limiter les dépenses militaires et s’abstenir de toute politique aventureuse.

La rupture a lieu en 1717 : tout d’abord, plus proches de George Ier et de la camarilla hanovrienne, Stanhope et Sunderland l’emportent, et Townshend, puis Walpole démissionnent. Mais ce dernier se révèle dans l’opposition si habile manœuvrier qu’une réconciliation générale des whigs intervient dès 1720 : il retrouve la paierie générale. De surcroît, un grave scandale financier, celui de la Compagnie de la mer du Sud (South Sea Bubble), discrédite l’ancienne équipe dirigeante : Stanhope étant mort peu après (1721), Sunderland doit abandonner la vie publique avant de mourir en 1722. Plus personne ne peut alors contester à Walpole la direction du parti whig et, par là même, de la Grande-Bretagne.


Walpole au pouvoir (1721-1733)

Ces années sont, dans l’ensemble, fort calmes en Grande-Bretagne : Walpode contrôle parfaitement la vie politique du pays. Il élimine en 1724 son principal rival au sein même du cabinet, John Carteret comte Granville, en l’envoyant en Irlande comme lord-lieutenant. Les intrigues de Carteret avec les factions whigs hostiles à Walpole, en particulier la camarilla hanovrienne qui entoure George Ier, et avec les tories revigorés par le retour d’exil de Henry Saint John, vicomte Bolingbroke, en 1723 n’aboutissent à rien, malgré la violence du Craftsman, un journal créé en 1726 et avant tout inspiré par Bolingbroke. Walpole peut ainsi mettre en place sa politique fiscale et douanière. Seules ombres à ce tableau : quelques émeutes, d’ailleurs favorisées par la faction Carteret. C’est l’affaire de la Wood’s halfpence (un scandaleux privilège d’émission de monnaie accordé à un certain William Wood) qui secoue l’Irlande et est l’occasion des virulentes diatribes de Jonathan Swift* dans les Drapier’s Letters (1724) ; ce sont les émeutes de 1725 en Écosse, provoquées par les taxes sur la bière.

Toutefois, l’amitié ancienne qui lie Walpole à son beau-frère, Charles Townshend, se distend : le traité de Hanovre (1725), qui unit la France, l’Angleterre et la Prusse pour parer à l’attitude menaçante de l’Espagne et de l’Autriche, est conclu par Townshend et George Ier sans que Walpole soit tenu au courant ; très attaché à l’alliance française, Walpole est, néanmoins, surtout attaché à la paix. Lady Townshend, sa sœur, étant morte en 1726, le fossé entre les deux hommes ne va cesser de s’élargir ; en 1730, Townshend finira par démissionner : c’est une victoire pour Walpole, certes, mais celui-ci est maintenant de plus en plus isolé.

Un événement a, d’ailleurs, manifesté la relative faiblesse de sa position : en 1727, George Ier meurt. George II paraît d’emblée hostile à Walpole. Mais son homme de confiance, sir Spencer Campton, se révèle rapidement incapable. En outre, George II est attaché à l’alliance française, et, Walpole, par l’intermédiaire de son frère Horace (1678-1757), est fort lié au cardinal de Fleury. Enfin, le ministre sait employer à son profit l’avarice proverbiale du souverain en faisant miroiter à ses yeux une substantielle augmentation de sa liste civile. Très vite, Walpole retrouve sa position de Premier lord du Trésor et de chancelier de l’Échiquier.


Le temps des difficultés (1733-1742)

La survivance de la contrebande explique l’introduction en 1733 devant le Parlement de l’Excise Scheme. Le projet ne concerne que le vin et le tabac, mais l’opposition fait croire que ce n’est là que le signe avant-coureur d’un Excise Scheme général qui s’appliquerait à tous les produits. C’est un tollé, et, après une lutte inutile, Walpole doit retirer son projet. Il réagit avec vigueur, chassant de leurs postes tous les membres de l’opposition qui avaient une charge administrative ou militaire.