Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
W

Waller (Fats) (suite)

L’influence de Fats Waller sur les pianistes fut importante. Moins comme « chef d’école » ou inventeur de style que comme découvreur de trucs pianistiques et maître irremplaçable du clavier. De fait, à l’inverse d’Earl Hines et d’Art Tatum*, autres grands pianistes des années 30, Waller ne fut ni un révolutionnaire ni un destructeur des formules de son temps. Son mérite réside dans sa manière d’exploiter les éléments dont il disposait, aussi bien ceux qu’il empruntait à la chanson que ceux qu’il tirait du jazz. Sa virtuosité, sa puissance, sa sensibilité, masquée ou soulignée d’ironie, l’imposent comme un tribun du swing qui contribua à sortir l’art négro-américain de son ghetto en transcendant, sans la moindre pédanterie, un matériel thématique qui, sans lui, n’aurait guère excédé le temps d’une mode.

F. T.

Wallon (Henri)

Médecin et psychologue français (Paris 1879 - id. 1962).


Agrégé de philosophie (1902), docteur en médecine (1908), docteur ès lettres (1925), Henri Wallon était titulaire au Collège de France de la chaire de psychologie et éducation de l’enfance, spécialement créée pour lui en 1937. Le titre de cette chaire résume parfaitement son œuvre. Henri Wallon, en effet, consacra toute sa vie à l’étude de l’enfant et à l’action pour améliorer son éducation. Directeur, dans le cadre de l’École pratique des hautes études, du laboratoire de psychobiologie de l’enfant (1927), il fonda en 1947 la revue Enfance et participa activement à la Société française de pédagogie et au groupe français d’Éducation nouvelle. Membre du parti communiste (1942), il fit partie de l’Assemblée consultative provisoire et fut en 1944 secrétaire général à l’Éducation nationale. Avec Paul Langevin*, il présida la Commission de réforme de l’enseignement créée à la Libération, dont les travaux — auxquels Henri Piéron* participa en tant que vice-président — aboutirent en 1947 à l’établissement d’un plan de réforme, appelé depuis plan Langevin-Wallon.

De ses études de l’enfant, Wallon a laissé une théorie de la genèse de la conscience (1925, 1934), une théorie du développement de l’affectivité (1934), une théorie du développement de l’intelligence (1942, 1945) et une méthode originale d’étude de l’enfant (1959, 1963).

Pour saisir le psychisme en devenir chez l’enfant, il a élaboré la méthode d’analyse génétique comparative des fonctions en rapport avec la maturation nerveuse et les conditions du milieu. L’analyse maturationnelle s’accompagne de comparaisons pathologiques des phénomènes d’arrêt et de régression fonctionnels. Le psychisme enfantin est comparé avec le psychisme animal et avec celui des adultes de diverses cultures et civilisations connues.

Cette méthode a permis à Wallon d’identifier aux origines du développement psychique de l’enfant une fonction essentielle : la fonction posturale. Celle-ci est constituée par le tonus des muscles lisses et striés, constamment modulé par des bombardements intéro-, extéro- et proprioceptifs, et à tout moment intégré par une série de centres nerveux qui s’échelonnent de la moelle jusqu’au cortex. L’effet le plus primitif en est une mise en forme de l’organisme en rapport avec le monde environnant, se traduisant dans les attitudes et les postures diverses : attitudes d’éveil, d’attente, d’émotion..., qui constituent les premières manifestations de conscience chez l’enfant. Avec l’intégration corticale, les attitudes se dédoublent et donnent lieu à des prises de conscience de soi, des autres et des objets. C’est enfin la maturation préfrontale, la plus tardive, qui permet les formes les plus évoluées de la conscience abstraite, introspective, spatio-temporelle, personnelle et mondaine.

L’orientation des attitudes et des postures vers l’expression de soi et la communication avec l’entourage humain est à l’origine de l’affectivité chez l’enfant. Elle est la fonction la plus précoce et se développe à travers la vie émotionnelle, dont le mécanisme fondamental est un modelage postural réciproque entre l’enfant et l’entourage dans une sorte d’osmose, de contagion, de participation affectives. Les attitudes qui en résultent chez l’enfant constituent ainsi un mélange inextricable d’éléments d’origines externe et interne, qui deviennent chez l’adulte un double inconscient, biologique et social, qu’il doit chercher à maîtriser et qui constitue l’enjeu de sa liberté d’homme.

L’intelligence a comme origine l’orientation des attitudes vers le monde des objets. Celles-ci se résolvent d’abord en mouvements d’utilisation des objets, puis en représentations et en symboles visant à exprimer le monde, à le connaître avant d’agir sur lui. Le développement intellectuel chez l’enfant consiste dans la formation des représentations et des symboles de plus en plus analytiques et objectifs, qui s’organisent en structures élémentaires de connaissance vers dix ans et en structures plus abstraites et plus complexes au cours de l’adolescence.

L’activité psychique chez l’enfant comme chez l’adulte présente une structure d’attitudes et de comportements. C’est au niveau des attitudes qu’agit l’action éducative, qui peut choisir entre le dressage, le conditionnement ou, au contraire, l’éveil de la conscience. Henri Wallon est résolument pour l’avènement d’une conscience de plus en plus discriminative et autonome chez l’enfant comme chez tous les hommes.

Les principales œuvres d’Henri Wallon

• L’Enfant turbulent (1925)

• Psychologie pathologique (1926)

• Principes de psychologie appliquée (1930)

• Les origines du caractère chez l’enfant (1934)

• La Vie mentale de l’enfance à la vieillesse (Encyclopédie française, t. VIII, 1938)

• L’Évolution psychologique de l’enfant (1941)

• De l’acte à la pensée. Essai de psychologie comparée (1942)

• Les Origines de la pensée chez l’enfant (1945)

• Les Mécanismes de la mémoire en rapport avec ses objets (en coll. avec E. Evart-Chmielniski, 1951)

• « Psychologie et éducation de l’enfance », dans Enfance (1959)

• « Buts et méthodes de la psychologie » dans Enfance (1963)

T. T.

➙ Enfant / Intelligence.

 M. Martinet, Théorie des émotions. Introduction à l’œuvre d’Henri Wallon (Aubier-Montaigne, 1972).