Walpole (Robert), 1er comte d’Orford (suite)
Il reprend rapidement le contrôle du Parlement : mais il est évident que sa position est minée. Ses succès en politique étrangère sont contrebalancés par les dures émeutes de Londres en 1736 (à la suite du Gin Act) et par les Porteous Riots à Édimbourg (consécutives à l’emprisonnement de contrebandiers), qui sont favorisées en sous-main par les amis de lord Carteret. En 1737, la reine Caroline, son plus ferme soutien, meurt, et le prince de Galles Frédéric-Louis prend la tête de l’opposition à Walpole. Contrôlant les élections des « boroughs » de Cornouailles, il s’allie avec les Granville : William Pitt* fait partie de cette faction, et la position parlementaire de Walpole se détériore dès lors régulièrement.
Mais c’est surtout l’évolution de la situation européenne qui va amener la chute du ministre : les nuages s’amoncellent, et l’opinion anglaise veut incontestablement la guerre contre l’Espagne, qui interdit aux commerçants anglais le libre accès au vaste marché de l’Amérique du Sud. Or, Walpole s’est identifié avec une politique de la paix à tout prix : pourtant, le roi lui-même le force à entrer en guerre (1739). Mais les premiers succès profitent à l’opposition beaucoup plus qu’à Walpole, dont tout le monde sait qu’il ne mène la guerre qu’à contrecœur. Le Parlement élu en 1741 lui échappe. Le 9 février 1742, Walpole est créé comte d’Orford et, deux jours plus tard, il abandonne le pouvoir. Il meurt le 18 mars 1745.
On ne peut apprécier la stature politique de Walpole qu’en fonction de son époque. Peu soucieux d’originalité et d’innovation, sous-estimant l’importance de l’opinion des masses, Walpole était au contraire un administrateur extraordinairement compétent et assidu. Sa principale qualité était sans conteste l’efficacité, jointe à une sensibilité et à une intuition qui lui permettaient de régenter le petit monde de la Cour : la subtilité dont il fit montre dans ses relations avec George Ier, George II et la reine Caroline illustre bien ce trait de son caractère. En outre, si l’on a pu critiquer son manque total de scrupules (la corruption est l’un de ses moyens politiques favoris) et le relâchement de ses manières, il ne faut pas oublier la sûreté de son goût : Walpole éleva à Houghton l’un des plus beaux palais du xviiie s. anglais et y rassembla une magnifique collection de tableaux, qui sera acquise plus tard par la tsarine Catherine II. Quelque chose de son sens artistique se retrouvera d’ailleurs, chez son fils Horace (1717-1797), l’auteur du Château d’Otrante (The Castle of Otranto, 1764) et le collectionneur de Strawberry Hill.
J.-P. G.
➙ Grande-Bretagne / Hanovre (dynastie de).
N. A. Brisco, The Economic Policy of Robert Walpole (New York, 1907). / P. Vaucher, Robert Walpole et la politique de Fleury, 1731-1742 (Plon, 1924) ; la Crise du ministère Walpole en 1733-1734 (Plon, 1924). / C. B. Realey, The Early Opposition to Sir Robert Walpole, 1720-1727 (Lawrence, Kansas, 1931). / J. H. Plumb, Sir Robert Walpole (Londres, 1956-1958 ; 2 vol.).