Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
W

Walpole (Robert), 1er comte d’Orford (suite)

Il reprend rapidement le contrôle du Parlement : mais il est évident que sa position est minée. Ses succès en politique étrangère sont contrebalancés par les dures émeutes de Londres en 1736 (à la suite du Gin Act) et par les Porteous Riots à Édimbourg (consécutives à l’emprisonnement de contrebandiers), qui sont favorisées en sous-main par les amis de lord Carteret. En 1737, la reine Caroline, son plus ferme soutien, meurt, et le prince de Galles Frédéric-Louis prend la tête de l’opposition à Walpole. Contrôlant les élections des « boroughs » de Cornouailles, il s’allie avec les Granville : William Pitt* fait partie de cette faction, et la position parlementaire de Walpole se détériore dès lors régulièrement.

Mais c’est surtout l’évolution de la situation européenne qui va amener la chute du ministre : les nuages s’amoncellent, et l’opinion anglaise veut incontestablement la guerre contre l’Espagne, qui interdit aux commerçants anglais le libre accès au vaste marché de l’Amérique du Sud. Or, Walpole s’est identifié avec une politique de la paix à tout prix : pourtant, le roi lui-même le force à entrer en guerre (1739). Mais les premiers succès profitent à l’opposition beaucoup plus qu’à Walpole, dont tout le monde sait qu’il ne mène la guerre qu’à contrecœur. Le Parlement élu en 1741 lui échappe. Le 9 février 1742, Walpole est créé comte d’Orford et, deux jours plus tard, il abandonne le pouvoir. Il meurt le 18 mars 1745.

On ne peut apprécier la stature politique de Walpole qu’en fonction de son époque. Peu soucieux d’originalité et d’innovation, sous-estimant l’importance de l’opinion des masses, Walpole était au contraire un administrateur extraordinairement compétent et assidu. Sa principale qualité était sans conteste l’efficacité, jointe à une sensibilité et à une intuition qui lui permettaient de régenter le petit monde de la Cour : la subtilité dont il fit montre dans ses relations avec George Ier, George II et la reine Caroline illustre bien ce trait de son caractère. En outre, si l’on a pu critiquer son manque total de scrupules (la corruption est l’un de ses moyens politiques favoris) et le relâchement de ses manières, il ne faut pas oublier la sûreté de son goût : Walpole éleva à Houghton l’un des plus beaux palais du xviiie s. anglais et y rassembla une magnifique collection de tableaux, qui sera acquise plus tard par la tsarine Catherine II. Quelque chose de son sens artistique se retrouvera d’ailleurs, chez son fils Horace (1717-1797), l’auteur du Château d’Otrante (The Castle of Otranto, 1764) et le collectionneur de Strawberry Hill.

J.-P. G.

➙ Grande-Bretagne / Hanovre (dynastie de).

 N. A. Brisco, The Economic Policy of Robert Walpole (New York, 1907). / P. Vaucher, Robert Walpole et la politique de Fleury, 1731-1742 (Plon, 1924) ; la Crise du ministère Walpole en 1733-1734 (Plon, 1924). / C. B. Realey, The Early Opposition to Sir Robert Walpole, 1720-1727 (Lawrence, Kansas, 1931). / J. H. Plumb, Sir Robert Walpole (Londres, 1956-1958 ; 2 vol.).

Walras (Léon)

Économiste français (Évreux, 1834 - Clarens, Suisse, 1910).


Léon Walras a subi très fortement l’influence des idées de son père ainsi que celle de Cournot*. Alors que la première orienta surtout ses recherches vers la valeur*, la seconde se manifesta principalement dans ses études consacrées aux prix*. Son père, Auguste Walras (1801-1866), attira son attention sur la rareté, qu’il choisit comme fondement de la valeur. L’influence de Cournot se manifesta surtout sur le plan méthodologique, montrant à Walras que la méthode mathématique pourrait être appliquée à la science économique.

Pour Walras, l’économie est une partie de la science sociale et elle se divise en trois disciplines : l’économie pure, l’économie appliquée et l’économie sociale. L’économie pure est consacrée à la théorie de la valeur et des prix ainsi qu’à la théorie de l’équilibre économique. Elle est, pour l’auteur, « l’étude des lois, en quelque sorte naturelles et nécessaires, suivant lesquelles l’échange, la production*, la capitalisation et la circulation de la richesse sociale tendaient à se faire dans un régime hypothétique de libre concurrence organisée ». C’est elle qui a constitué l’essentiel des préoccupations de Walras ; elle est la science économique par excellence. Alors que c’est surtout au début de sa carrière que Walras, professeur à Lausanne depuis 1870, s’est consacré à l’économie pure (Éléments d’économie pure, publiés en 1874-1877), c’est vers la fin de celle-ci qu’il aborde l’économie appliquée et l’économie sociale, publiant en 1896 ses Études d’économie sociale et en 1898 ses Études d’économie appliquée.

S’il a tant approfondi les problèmes d’économie, c’était pour que celle-ci puisse servir à l’élaboration et à la conduite de la politique économique. Comme l’a souligné Firmin Oulès, successeur de Walras à la chaire de Lausanne, un des apports principaux de Walras est d’avoir montré comment les enseignements de la science devaient permettre l’élaboration d’une politique économique scientifique fondée sur la conception de l’interdépendance des phénomènes économiques. Cette application des enseignements de la science pure à la conduite des sociétés délimite le domaine de l’économie sociale et de l’économie appliquée.

L’analyse conduite dans l’économie pure permettra la découverte de lois qui président à l’organisation de la richesse sociale et qui gouvernent ses tendances naturelles. Celles-ci connues, il sera permis à la politique économique d’agir en pleine connaissance. À cet effet, les concepts d’équilibre général et d’interdépendance sont particulièrement aptes à fournir l’éclairage nécessaire. Ils mettent au jour les liens de dépendance mutuelle qui existent entre les différents marchés* et les différents éléments agissant sur ces marchés ; la politique économique sera mise en garde contre la tentation d’agir sur un seul secteur ou sur un seul facteur, sans prendre garde aux conséquences qui peuvent en découler pour les autres. Une vue globale et synthétique de l’action à entreprendre et des conséquences qu’elle comporte est ainsi obtenue. Dans ces conditions, l’économie appliquée indique les règles gouvernant la production de la richesse sociale et la régularisation des variations de valeur de la monnaie* ; elle est élaborée du point de vue de l’utilité. L’économie sociale, enfin, indique les principes tendant à la meilleure répartition de la richesse sociale ; elle est élaborée du point de vue de la justice.

G. R.

➙ Économique (science).

 F. Oulès, l’École de Lausanne (Dalloz, 1950).