Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Wallenstein (Albrecht von) (suite)

Après la défenestration de Prague en 1618, qui fut à l’origine de la guerre de Trente* Ans, il choisit de soutenir la cause impériale. Peut-être les astres lui conseillèrent-ils ce parti, car Wallenstein s’était passionné à Padoue pour les études d’astrologie. Quoi qu’il en soit, il rendit de grands services à l’empereur, combattit à la tête de son régiment et sauva le trésor des États moraves, qu’il convoya à Vienne.

Après la bataille de la Montagne Blanche (1620), à laquelle il ne participa point, il lutta contre l’armée de Gabriel Bethlen en Moravie et en profita pour récupérer ses terres, que les nationalistes avaient saisies. La Bohême* était restée à l’empereur ; Wallenstein étant l’un des rares seigneurs du pays à être resté fidèle aux Habsbourg, Ferdinand II le récompensa en lui octroyant de grands territoires en Bohême septentrionale, confisqués aux nobles révoltés contre son autorité. Ces possessions, rassemblées en un vaste ensemble, furent érigées par l’empereur en principauté de Friedland (1624). En 1623, Wallenstein avait accru sa puissance en épousant l’opulente Catherine von Harrach. Il déploya dans ses domaines les qualités d’un grand administrateur ; il réforma la justice, créa des écoles et améliora les méthodes agricoles.

Sa gloire militaire et ses immenses richesses allaient lui permettre, après la reprise des hostilités, de lever avec ses deniers une véritable armée de 30 000 hommes, qu’il mit au service de Ferdinand II, à condition qu’elle pût vivre sur les pays occupés. Celui-ci accepta avec d’autant plus d’empressement que, pour combattre les rebelles, il ne pouvait compter sur d’autre armée que celle de la Sainte Ligue, qui se trouvait sous l’autorité effective de l’Électeur Maximilien de Bavière.


Un « presque souverain »

Wallenstein se trouva bientôt à la tête de 50 000 hommes. Il combattit les armées de Mansfeld et de Gabriel Bethlen (1625-1627). En liaison avec l’armée de la ligue de Tilly, il reconquit toute l’Allemagne du Nord, battit Mansfeld à Dessau (1626) et obligea le roi de Danemark, Christian IV, qui était intervenu aux côtés des protestants, à signer la paix de Lübeck (1629). Ferdinand II récompensa de si éminents services en donnant à Wallenstein en 1627 le duché de Sagan, en Silésie, et en 1629 les duchés de Mecklembourg. Toutefois, Wallenstein échoua dans sa tentative de s’emparer de la cité hanséatique de Stralsund (1628). Il semble qu’il ait caressé le vaste projet de réduire toutes les villes de la Hanse* en son pouvoir pour permettre à l’empereur de rivaliser avec les puissances maritimes d’Angleterre, de Suède et des Pays-Bas. La résistance de Stralsund ruina ce plan, mais Ferdinand II accorda néanmoins à Wallenstein le titre d’amiral de la mer océane et de la Baltique.

Arrivé au comble de sa puissance, Wallenstein se trouva en butte à la jalousie des princes de la Sainte Ligue, qui, à la diète de Ratisbonne, obtinrent de l’empereur que ce trop puissant rival soit relevé de ses fonctions. Il se retira, sans protester, à Jičín, la capitale de sa seigneurie (août 1630).

Après l’édit de Restitution (6 mars 1629), les armées catholiques furent attaquées avec vigueur par un nouvel ennemi, le roi de Suède Gustave II Adolphe*, qui vainquit Tilly à Breitenfeld (1631) et marcha sur Munich. L’empereur, affolé, dut faire de nouveau appel à Wallenstein. Celui-ci, après avoir refusé, finit par consentir, mais seulement après avoir fait accepter ses conditions, bien qu’elles fussent exorbitantes (autorité plénière sur l’armée, nomination et révocation des officiers, interdiction à l’empereur de paraître à l’armée sans son autorisation, pouvoir de signer la paix ou de continuer la guerre, etc.).

Ces stipulations faisaient de lui plus un prince indépendant, traitant d’égal à égal avec l’empereur, qu’un général. Wallenstein reprit son commandement au printemps 1632, recruta une armée aussi forte que par le passé et commença par chasser les Saxons (alliés des Suédois) de la Bohême, qu’ils avaient envahie. Ensuite il se retourna contre Gustave II Adolphe, délogea son armée de Nuremberg et, le 16 novembre 1632, lui livra la bataille de Lützen, dans laquelle périt le roi de Suède.

Au lieu de mettre à profit la situation pour achever la défaite des protestants, il atermoya et, au grand mécontentement de l’empereur, il ne conduisit plus les opérations militaires qu’avec mollesse. En réalité, il s’apprêtait à promouvoir sa politique personnelle, qui consistait à réconcilier les Allemands entre eux, en donnant aux catholiques et aux protestants des droits religieux égaux, et à assurer sa complète indépendance, en se faisant reconnaître comme roi de Bohême.

Pour forcer la main à l’empereur, qui, poussé par les Jésuites, le parti espagnol et le chef de la Sainte Ligue, Maximilien de Bavière, ne voulait pas revenir sur son édit de Restitution, il traita de son propre chef avec les Saxons, les Suédois, les Brandebourgeois et les Français.

En janvier 1634, à Pilsen (Plzěn), il assembla autour de lui ses principaux généraux pour leur faire prêter un serment solennel de fidélité à sa personne, mais, au même moment, Ferdinand II le relevait secrètement de ses fonctions. Le 18 février, il était accusé de haute trahison ; ses principaux officiers, Piccolomini, Aldringen et Matthias Gallas, l’abandonnèrent. Wallenstein s’enfuit à Eger (Cheb) et là, le 25 février 1634, alors qu’il était sur le point de se réfugier chez les Suédois, il fut assassiné au cours d’un banquet, avec ses derniers fidèles, par deux officiers, qui, pour leur acte, furent richement récompensés par l’empereur.

P. P. et P. R.

➙ Bohême / Habsbourg / Trente Ans (guerre de).

 L. von Ranke, Geschichte Wallensteins (Leipzig, 1869). / E. Denis, la Bohême depuis la Montagne Blanche (Leroux, 1902-03 ; 2 vol.). / H. Hallwich, Fünf Bücher Geschichte Wallensteins (Leipzig, 1910 ; 3 vol.). / H. von Srbik, Wallensteins Ende (Vienne, 1920). / P. Wiegler, Wallenstein (Berlin, 1920). / J. Pekar, Wallenstein, 1630-1634 (Berlin, 1937 ; 2 vol.). / F. Watson, Wallenstein : Soldier under Saturn (Londres, 1938).