Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
W

Waldeck-Rousseau (Pierre)

Homme d’État français (Nantes 1846 - Corbeil 1904).


Fils de René Waldeck-Rousseau (1809-1882), un des avocats les plus réputés de Nantes et qui fut représentant à l’Assemblée nationale de 1848, Pierre Waldeck-Rousseau est reçu docteur en droit en 1869 et débute au barreau de Nantes ; de là il passe à Rennes : son éloquence classique et ses convictions républicaines lui assurent en 1879 un siège de député, qu’il gardera jusqu’en 1889. Membre de l’Union républicaine, il se fait remarquer en 1880 dans la discussion d’un projet de loi sur la magistrature : Gambetta reconnaît en lui les qualités de l’homme d’État et lui confie dans son « grand ministère » (1881-82) l’important portefeuille de l’Intérieur.

Waldeck-Rousseau adresse une retentissante circulaire à propos des ingérences abusives de la politique dans l’Administration. Il recouvre le même portefeuille dans le second cabinet Ferry (1883-1885). Tout en combattant le collectivisme, il attache son nom à l’une des plus importantes lois sociales de la IIIe République : le 21 mars 1884 est votée la loi sur les syndicats professionnels, fragment d’une loi générale sur les associations, dont le schéma a été imaginé par Waldeck-Rousseau.

Après 1889, celui-ci se désintéresse de la politique et devient l’un des avocats d’affaires les plus autorisés de Paris : sa froide et rigoureuse logique, son éloquence châtiée, servie par une grande prestance physique, triomphent dans maints procès célèbres (Lebaudy, les scandales de Panamá*). Élu sénateur de la Loire en 1894, il est candidat à la présidence de la République ; mais, distancé par Félix Faure au premier tour, il se désiste en sa faveur.

C’est à lui que revient, le 22 juin 1899, après une crise ministérielle de dix jours, le soin de former un cabinet de défense républicaine, car les conséquences de l’Affaire Dreyfus* menacent la République jusque dans ses fondements. Le ministère Waldeck-Rousseau groupe six progressistes, deux radicaux, un radical-socialiste et aussi deux personnages inattendus : le socialiste Millerand* (Commerce, Industrie et Postes), qui est désavoué par les blanquistes et les guesdistes, et le général Gaston Auguste de Galliffet (Guerre), dont l’arrivée à la Chambre (26 juin) est saluée de cris hostiles. Ce cabinet, qui ne recueille que vingt-cinq voix de majorité, va durer trois ans.

La volonté de Waldeck-Rousseau de défendre la République contre les nationalistes l’amène à gouverner avec les gauches. Les organisateurs de l’agitation (nationalistes comme Déroulède, antisémites comme Jules Guérin) sont arrêtés. Le 19 septembre 1899, au lendemain du procès de Rennes, le président Loubet gracie Dreyfus, mis aussitôt en liberté. En même temps qu’il poursuit les comités royalistes et les sections des ligues nationalistes, Waldeck-Rousseau s’attaque aux « moines ligueurs », faisant dissoudre l’association des Pères assomptionnistes, maîtres de la Croix et de la Bonne Presse. Le ministère, dont l’Exposition de 1900 marque l’apothéose, est constamment soutenu, malgré son caractère composite, par un « bloc républicain » souvent appuyé par les socialistes. L’extraordinaire « présence » de Waldeck-Rousseau, faite d’impassibilité, de dédain, de séduction, opère fréquemment sur un Parlement pourtant peu maniable.

Cette stabilité permet au gouvernement d’accomplir une œuvre particulièrement importante sur le plan social. Millerand, violemment attaqué par les guesdistes, a des partisans parmi les socialistes (Jaurès, Briand) ; ceux-ci sont sensibles aux réalisations du ministre du Commerce : création de la direction du Travail, réorganisation du Conseil supérieur du travail, réduction de la journée de travail, dépôt d’un projet de loi sur les retraites ouvrières.

Mais les radicaux, constitués en parti, ne perdent pas de vue la lutte anticléricale. Ils inspirent la loi du 1er juillet 1901 ; dans l’esprit de Waldeck-Rousseau, qui veut doter la France d’un statut des associations, cette loi doit pratiquement intégrer les congrégations dans le système concordataire : la commission de la Chambre et surtout celle du Sénat — présidée par Émile Combes — la modifient dans un sens anticlérical, les congrégations ne pouvant exister qu’en vertu d’une loi, les établissements nouveaux des congrégations existantes qu’en vertu d’un décret. En fait, le Conseil d’État et Waldeck-Rousseau lui-même s’arrangent pour que l’application de la loi soit adoucie pour les congrégations charitables et missionnaires. Mais ils n’empêchent pas que les élections de mai 1902 soient dominées par la passion religieuse. Malade, Waldeck-Rousseau n’attend pas la réunion des Chambres et démissionne le 4 juin 1902.

P. P.

➙ Radicalisme / République (IIIe).

 P. Sorlin, Waldeck-Rousseau (A. Colin, 1967).

Wallenstein (Albrecht von)

Homme de guerre d’origine tchèque, au service de l’Empire (Hermanič, Bohême, 1583 - Eger [auj. Cheb] 1634).



L’ascension

Élevé dans le protestantisme, il fut, après la mort de ses parents, envoyé par son oncle, Heinrich von Slavata, au collège des nobles d’Olmütz (Olomouc), tenu par des jésuites. Il poursuivit ses études en 1599 à l’université d’Altdorf, puis il étudia à Bologne et à Padoue, et fit plusieurs voyages en Europe méridionale et occidentale. En 1606, il se convertissait à la foi catholique surtout, croit-on, par ambition.

Il servit quelque temps en Hongrie dans les troupes de l’empereur Rodolphe II et s’y distingua par sa grande bravoure ; aussi reçut-il le commandement d’une compagnie, sans avoir dû l’acheter. En 1609, il épousait Lucrèce von Vičkov, une veuve, qui, à sa mort, cinq ans plus tard, lui laissa une grande fortune et d’immenses seigneuries en Moravie. En 1617, il accompagnait l’archiduc Ferdinand de Styrie dans une campagne contre Venise, où il commandait une troupe de cavaliers équipés à ses frais, ce qui lui valut une grande popularité auprès des autres chefs militaires et la faveur de l’archiduc, qui devint en 1619 l’empereur Ferdinand II. (V. Habsbourg.)