Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
W

wahhābisme (suite)

Cependant, l’État Saoudite se relève sous Turkī ibn ‘Abd Allāh ; en 1820, celui-ci fixe sa capitale à Riyāḍ et parvient à rétablir une certaine unité politique du Nadjd ; il règne jusqu’en 1834, sans, toutefois, tenter de restaurer le wahhābisme, devenu trop impopulaire. Son fils Fayṣal continue le règne des Sa ‘ūd, après s’être échappé en 1843 de la citadelle du Caire, où Méhémet-Ali l’avait enfermé pour lui substituer un rival. Après sa mort en 1865, le pouvoir saoudite s’effrite : les provinces dépendant de Riyāḍ se rendent indépendantes ou sont occupées par les Turcs. Un allié des Ottomans s’empare même de Riyāḍ en 1891, et les derniers Saoudites se réfugient chez l’émir du Koweït. De là, ‘Abd al-‘Azīz III ibn Sa‘ūd* entreprend à partir de 1901 la reconquête de son royaume dans une des plus prodigieuses épopées du xxe s. En 1932, il donne le nom d’Arabie Saoudite* (al-Mamlaka al-‘Arabiyya al-Sa‘udiyya) à l’État immense dont il devient le premier souverain. Quant à la doctrine wahhābite, elle est toujours omniprésente dans la vie du pays, réglant encore la vie publique et privée des Saoudiens tout en s’adaptant, très lentement, au xxe s.

Y. T.

➙ ‘Abd al-‘Azīz III ibn Sa‘ūd / Arabie / Arabie Saoudite / Islām.

 F. H. C. Armstrong, Lord of Arabia, Ibn Saud (Londres, 1934 ; nouv. éd., Harmondsworth, 1938). / P. K. Hitti, History of the Arabs, from the Earliest Times to the Present (New York, 1937 ; 5e éd., 1952). / H. S. Philby, Saudi Arabia (Londres, 1955). / F. Tomiche, l’Arabie saoudite (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1962 ; 2e éd., 1969).

Wajda (Andrzej)

Metteur en scène de cinéma et de théâtre polonais (Suwałki 1926).


Né d’un père officier, Wajda travaille pendant sa prime jeunesse comme apprenti chez divers artisans avant de participer, comme la plupart de ses compatriotes, aux tragiques péripéties d’une guerre qui le marquera très profondément. À la Libération, il étudie la peinture à l’école des beaux-arts de Cracovie et s’inscrit à l’école de cinéma de Łodź. Diplômé en 1952, il travaille avec Aleksander Ford, dont il est l’assistant pour les Cinq de la rue Barska (1954). Aussitôt après ce film, il entreprend son premier long métrage, Génération ou Une fille a parlé (Pokolenie, 1954), d’après un roman de Bohdan Czeszko. Si le style du film (délibérément néo-réaliste avec cependant déjà un souffle romantique) et son sujet (la jeunesse et la Résistance) ne semblent pas, à première vue, rompre avec la tradition idéologique assez manichéenne de l’époque, la personnalité du jeune cinéaste se manifeste pourtant déjà dans plusieurs séquences. Kanal (ou Ils aimaient la vie, 1957), révélé grâce au festival de Cannes, confirme la maîtrise d’un jeune auteur et fait connaître à travers le monde le nouveau cinéma polonais, qui est le premier, avec le cinéma hongrois, à s’être libéré du carcan jdanovien dans les républiques socialistes de l’Europe centrale.

Cendres et diamant (Popiół i diament, 1958), d’après le roman de Jersy Andrzejewski, accentue chez Wajda la tendance baroque et lyrique. Le baroquisme du metteur en scène se confond parfois avec le fantastique quotidien, et sa noirceur fait largement appel au dérisoire grinçant. Selon l’heureuse formule du critique Ado Kyrou, Wajda est un « homme conscient qui raconte la réalité en essayant de changer le monde et l’homme, en dégageant de l’atroce la merveille ». Traumatisé par la guerre, il refuse l’exaltation d’un héroïsme national flatteur et s’efforce, au contraire, de démythifier les multiples contradictions auxquelles se sont heurtés ses compatriotes. Son analyse, d’une lucidité critique exemplaire, marie le romantisme désenchanté et le naturalisme le plus cruel. D’où parfois des envolées proches du surréalisme et des scènes imprégnées d’un esthétisme flamboyant.

Poursuivant son œuvre avec Lotna (1959), les Innocents charmeurs (Niewinni czarodzieje, 1960), Samson (1961), Lady Macbeth sibérienne (Sibirska Lady Macbeth, 1961) et l’un des sketches de l’Amour à vingt ans (1961), Wajda apparaît au début des années 60 comme l’un des auteurs cinématographiques majeurs de son temps. Mais, de 1963 à 1968, le cinéma polonais, à la recherche de son second souffle, traverse une crise. Wajda, qui s’est essayé dans l’épopée avec Cendres (Popioły, 1965), d’après le célèbre ouvrage classique de Stefan Żeromski, semble hésiter sur la voie à suivre (en 1967, il tourne une production anglo-yougoslave : les Portes du paradis et un film pour la télévision, Méli-mélo [Przekladaniec]). La mort accidentelle de son acteur favori Zbigniew Cybulski en 1967 lui inspire l’année suivante un film bouleversant, Tout est à vendre (Wszystko na sprzedaż, 1968), sur les rapports ambigus du comédien et du metteur en scène, sur l’osmose tragique qui existe entre l’art et la vie, sur la cruauté des sentiments amicaux et des liens professionnels. Réflexion amère sur l’oubli et l’amitié, sorte de film-exorcisme, Tout est à vendre replace Wajda sur le devant de la scène cinématographique mondiale. Après une œuvre mineure, Chasse aux mouches (Polowanie na muchy, 1968), le cinéaste entreprend plusieurs films de tout premier plan : Paysage après la bataille (Krajobraz po bitwie, 1969, d’après plusieurs nouvelles de T. Borowski), le Bois de bouleaux (Brzezina, 1970), Pilate et les autres (1971, pour la télévision allemande, d’après Boulgakov), les Noces (Wesele, 1972, d’après la pièce de S. Wyspiański), la Terre de la Grande Promesse (Ziemia obiecana, 1974, d’après l’œuvre de W. S. Reymont), la Ligne d’ombre (1976, d’après Joseph Conrad), l’Homme de marbre (1976). Parallèlement à son activité cinématographique, Wajda, à l’instar du Suédois Bergman, a signé plusieurs remarquables mises en scène de théâtre.

J.-L. P.

 H. Trinon, Andrzej Wajda (Seghers, 1967). / B. Michalek, Andrzej Wajda (Londres, 1974).