Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

voie (suite)

Tracé des courbes

Comme tous les mobiles parcourant une trajectoire courbe, les véhicules ferroviaires sont soumis à l’action de la force centrifuge. Pour compenser cette action, le rail extérieur de la voie ferrée est surélevé d’une quantité appelée dévers de façon à incliner les véhicules vers l’intérieur de la courbe. Plusieurs cas peuvent se présenter selon la vitesse de circulation. À vitesse nulle, seul le poids intervient et a pour effet de surcharger le rail intérieur. Lorsque la vitesse est telle que la résultante de la force centrifuge et du poids est perpendiculaire au plan de roulement, la charge des deux rails est la même et les passagers des véhicules ne ressentent pas l’action de la force centrifuge. Cette vitesse est appelée vitesse d’équilibre. Au-delà de la vitesse d’équilibre, la résultante du poids et de la force centrifuge s’éloigne de l’axe de la voie vers l’extérieur de la courbe et provoque une surcharge du rail extérieur en même temps que les passagers des véhicules ressentent l’action de l’accélération centrifuge, qui n’est pas entièrement compensée par le dévers. Ces conditions sont souvent traduites par l’insuffisance de dévers, correspondant à la différence entre le dévers théorique que devrait avoir la voie pour retrouver les conditions de circulation à la vitesse d’équilibre et le dévers pratique existant. Pour tenir compte des possibilités de démarrage des trains dans les courbes et de la surcharge admissible supportée par le rail intérieur, la valeur du dévers dépasse rarement 160 mm pour une voie normale. La vitesse maximale à laquelle il sera possible de franchir une courbe est fixée par la fraction de la force centrifuge non compensée par le dévers ou, plus généralement, par l’insuffisance de dévers admissible, dont la valeur n’excède pratiquement pas 150 à 160 mm. La vitesse V, exprimée en kilomètres à l’heure, praticable en courbe est finalement donnée par une relation de la forme

où R représente le rayon de la courbe, exprimé en mètres, et k un coefficient qui dépend du dévers pratique et de l’insuffisance de dévers maximale admise. Ces valeurs varient selon les Administrations. En France, où sont admises les valeurs les plus élevées (160 mm pour le dévers et l’insuffisance de dévers), la relation entre la vitesse et le rayon des courbes s’écrit Ainsi, pour circuler à 100 km/h, le rayon des courbes doit être au moins égal à 370 m et, pour circuler à 160 km/h, il faut atteindre un rayon de 950 m. Pour passer de l’alignement en pleine courbe, la voie suit un tracé particulier, qui constitue le raccordement. Celui-ci est généralement une branche de parabole cubique : il permet de rendre progressive l’influence de la force centrifuge et de faire croître graduellement le dévers et la courbure jusqu’à la pleine courbe.


Ouvrages d’art

La nécessité de conserver à la voie un profil aussi voisin que possible de l’horizontale impose la construction de nombreux ouvrages d’art. Des viaducs prestigieux ont été construits dans certaines régions montagneuses, et de nombreux ponts plus modestes jalonnent toutes les lignes de chemin de fer. Le réseau français comporte à lui seul plus de 80 000 ponts et viaducs. Les premiers ouvrages ont été construits en bois, puis en maçonnerie avant que, suivant l’évolution de la métallurgie, leur succèdent les ponts métalliques en acier. Les premiers ouvrages en béton armé apparaissent au début du xxe s., mais ce matériau n’est souvent utilisé que comme complément des ouvrages métalliques. C’est surtout après la Seconde Guerre mondiale que le béton armé est largement utilisé dans la reconstruction des ouvrages détruits. Les viaducs ferroviaires construits à la fin du xixe s. sont souvent des ouvrages remarquables et audacieux, auxquels sont attachés les noms des plus grands constructeurs de l’époque. La longueur de ces ouvrages peut atteindre plusieurs kilomètres, et la hauteur peut dépasser la centaine de mètres. Le franchissement des cols, impossible à effectuer en surface sans un allongement exagéré du parcours, exige le percement de tunnels dont la longueur peut atteindre une vingtaine de kilomètres, et des projets prévoient l’établissement de tunnels sous-marins de plusieurs dizaines de kilomètres de longueur.


Entretien de la voie

Malgré tous les soins apportés lors de la construction d’une voie, le chemin de roulement présenté par les rails n’est pas une trajectoire idéale. Des écarts apparaissent par rapport au tracé théorique : ce sont les défauts de dressage dans le plan horizontal, les défauts de nivellement dans le plan vertical et les défauts d’écartement. Ces défauts sont autant de perturbations dans la trajectoire des essieux, et il est d’un intérêt primordial de les contenir dans des tolérances qui seront d’autant plus serrées que la voie devra supporter la circulation de trains plus lourds et plus rapides. À l’état neuf et dans les meilleures conditions de pose, ces défauts peuvent être contenus dans une fourchette de ± 2 mm environ par rapport au tracé théorique. Le passage des convois et les conditions atmosphériques tendent à les aggraver. L’entretien a pour objet de maintenir les voies dans un état qui leur permette d’assurer la circulation des trains en toute sécurité et dans des conditions de confort aussi voisines que possible de l’état neuf. L’appréciation des défauts est souvent faite par des agents effectuant des tournées de surveillance soit sur les véhicules, soit le long des voies. Sur les grands réseaux, ces observations sont complétées par un relevé graphique effectué au moyen de voitures d’auscultation, qui enregistrent de façon continue les paramètres caractérisant l’état géométrique de la voie. À partir de ces données, les opérations d’entretien sont décidées en fonction de règles variant avec la vitesse des trains et le tonnage supporté par la voie. En France, sur les grandes artères, les défauts de nivellement et de dressage mesurés sur une base de 10 m excèdent rarement 5-6 mm. Les frais d’entretien d’une voie augmentent progressivement avec son âge, et il arrive un moment où un renouvellement complet du matériel s’impose. Cette opération, autrefois entièrement exécutée à la main, est maintenant largement mécanisée, et la cadence de renouvellement, qui n’était que de quelques centaines de mètres par jour, est passée à plusieurs kilomètres.