viole de gambe (suite)
Le xviiie s., s’il voit, dans ses débuts, se prolonger la suprématie des violes, va aussi assister à leur déclin en raison de l’ascension rapide du violon. Celui-ci fait de très grands progrès techniques sous l’influence conjuguée des luthiers de Crémone et d’artistes italiens exceptionnels, qui parcourent et étonnent l’Europe : Corelli*, G. Tarlini (1692-1770), P. A. Locatelli (1695-1764). De plus, il correspond mieux à l’évolution du goût, de la musique intime à la musique puissante dans les cours royales ou princières. Enfin, dans la seconde moitié du xviiie s., la conception de l’art musical passe du divertissement spirituel à l’expression sensible et personnelle du préromantisme. Les violes sont peu armées pour suivre cette transformation. Seule la basse, plus sonore, peut tenter d’opposer une résistance au violon. La querelle connaît une violence particulière en France, où elle s’inscrit dans le contexte des deux plus grandes batailles de l’époque : celle des nationalités — France contre Italie — et celle des générations — Anciens contre Modernes. Elle provoque invectives et pamphlets, dont le plus célèbre reste celui que l’abbé H. Le Blanc a publié en 1740 : la Défense de la basse de viole contre les entreprises du violon et les prétentions du violoncelle. La viole doit, cependant, s’incliner et fait partie, avec le clavecin, du monde qui disparaît avec l’Ancien Régime.
Pendant tout le xviiie s., l’école française est sans conteste la plus brillante. Elle compte trois dynasties d’artistes remarquables : celle des Marais (Marin et ses fils Roland et Vincent), celle des Caix d’Hervelois (Lyonnais d’origine) et celle des Forqueray (Antoine et Jean-Baptiste). Tous ces artistes ont composé de nombreux livres de suites ou des pièces séparées pour leur instrument. Alors que les Italiens, partisans déclarés du violon, n’ont rien écrit pour la viole, l’Allemagne l’utilise volontiers. G. Ph. Telemann* lui consacrera des suites, et J.-S. Bach* trois sonates avec clavecin. Il l’emploie fréquemment dans les airs de ses Passions pour lui confier la ritournelle. Les Abel sont les plus célèbres violistes de ce pays : Christian Ferdinand, qui vit à Köthen entre 1715 et 1737 environ, semble être le dédicataire des sonates de Bach ; un de ses fils Karl Friedrich (1723-1787), grand ami de Johann Christian Bach et disciple de son père, est le dernier gambiste virtuose allemand.
La basse de viole fait sa réapparition de nos jours dans le sillage du clavecin. Cependant, jusqu’à présent, les compositeurs modernes ne lui ont pas consacré d’œuvres en soliste.
S. M.
➙ Lutherie / Violon.
J. Pulver, Dictionary of Old English Music and Musical Instruments (Londres, 1923). / G. R. Hayes, Musical Instruments and Their Music : 1500-1750 (Londres, 1928-1930 ; 2 vol.). / C. Sachs, The History of Musical Instruments (New York, 1940). / N. Bessaraboff, Ancient European Musical Instruments (Greenwich, Connect., 1941).